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Oui, la gastronomie française est un trésor du patrimoine mondial !
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Oui chef !

Chère Nathalie Hutter-Lardeau, bien plus qu'un simple diktat d'arrogance, la cuisine française demeure un véritable art de vivre, révélatrice de nos habitudes et de notre culture.

Julien Tort

Julien Tort

Julien Tort est bloggueur, photographe, chroniqueur gastronomique et traque l'excellence culinaire. Guide et professeur de cuisine, il se refuse à opposer la santé et le plaisir.

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Il est de bon ton, surtout en France, de moquer l’inscription de la gastronomie française sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. On aime à la décrire comme un mouvement d’arrogance insensé et passéiste, emblématique de l’énervante prétention de la France, et de son président, à donner des leçons à tout le monde, qu’on soit célèbre critique gastronomique comme l’irrésisitible Sébastien Demorand, ou nutritionniste comme Nathalie Hutter-Lardeau, le 8 mars dernier dans nos colonnes.

Face à ces attaques, on peut prendre la défense de la gastronomie française (sans nécessairement prendre celle du président).

La gourmandise française

Contrairement à ce que suggère Nathalie, la gastronomie française, ce n’est ni « ce qui est bon », ni « une entrée, un plat, un dessert », pas plus que ce n’est la blanquette de veau ou la sole meunière. La façon française de manger ne fait pas partie du patrimoine mondiale parce qu’elle serait en quelque façon « meilleure » que les autres. Ce qui la met à part, c’est que la bonne chère, en France, est une composante fondamentale de la culture au sens le plus noble. Elle fait partie d’une façon d’être au monde et de le domestiquer.

Cela se manifeste d’abord et avant tout par l’existence d’un énorme tissu économique en amont du restaurant, qui est le symbole de l’excellence culinaire. Il n’y a aujourd’hui qu’en France qu’on peut trouver des poulets de grande qualité, parce qu’il n’y a qu’en France qu’il y a un marché pour des volailles à croissance lente, de race soigneusement sélectionnée, qui ont 10 m2 chacune, et auxquelles on accorde un soin individualisé. Il n’y a qu’en France qu’il y a un marché pour cela : des producteurs et des clients qui sont disposé à payer plus de 15€/kg pour un produit de qualité.

Si on ne croit pas à l’excellence de ces volailles, qu’on les goûte ! (il est vrai qu’il y a de moins en moins d’occasions et d’endroits pour cela – la gastronomie française est menacée). Et si on veut nous raconter que cette qualité gastronomique n’est pas nutritionnellement correcte, qu’on compare les contenus de collagène, les teneurs en oméga-3 de superbes Gauloise blanche et de ce qu’on appelle poulets dans d’autres pays. Je garde pour une autre colonne la discussion de la pertinence de la « valeur calorique » des repas gastronomiques.

A table

C’est cette existence d’un tissu agricole qui, avec à la tradition et au savoir-faire des cuisiniers, constitue la condition de la troisième spécificité culturelle de la gastronomie française : le rôle et la cérémonie du repas. L’interminable repas familial du dimanche, celui des noces de Mme Bovary, les festins donnés par Vatel pour Fouquet ou Condet, ceux donnés par Carême pour Talleyrand, par George Blanc ou Léon Lacombe pour le G7, les repas d’affaires où on sonde des relations professionnelles au bout de l’alcool et de la satiété, les rencontres discrètes des politiques chez Le Divellec.... Les uns font partie de l’histoire politique ou diplomatique, les autres de notre tissu social.

L’Unesco n’est pas le Michelin. Bien-sûr qu’on mange très bien ailleurs. Souvent mieux, franchement. Mais la façon dont la nourriture est au centre de la culture au sens large, de l’économie à la politique, est unique à la France, et elle est sans doute aussi précieuse pour l’histoire du monde, et menacée, que le sont le Namsadang Nori ou les chants polyphoniques géorgiens.

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