La question du racisme anti-blanc est-elle vraiment d'extrême droite ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'idée d'un "racisme inversé" a été théorisée depuis plus de 20 ans par le Front national, en opposition aux mouvements antiracistes.
L'idée d'un "racisme inversé" a été théorisée depuis plus de 20 ans par le Front national, en opposition aux mouvements antiracistes.
©Reuters

Racisme à l'envers ?

Dans son dernier livre, "Manifeste pour une droite décomplexée", Jean-François Copé dénonce l'existence d'un racisme anti-blanc dans certains quartiers difficiles. Des propos vertement critiqués par la gauche, qui l'accuse de "poser les bases d'une alliance avec le FN", selon SOS Racisme.

Gilles-William Goldnadel et Tarik Yildiz

Gilles-William Goldnadel et Tarik Yildiz

Gilles William Goldnadel est un avocat pénaliste et essayiste aux prises de position contestataires, président fondateur d'Avocats sans frontières. Il est l'auteur de Réflexions sur la question blanche (2011) chez Jean-Claude Gawsewitch

Tarik Yildiz est est sociologue et président de l'Institut de Recherche sur les Populations et pays Arabo-Musulmans (IRPAM). Il est également essayiste et notamment l'auteur de Qui sont-ils ? Enquête sur les jeunes musulmans de France (Editions du Toucan/L'Artilleur) et de Le racisme anti-blanc (Editions du Puits de Roulle). 

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Atlantico : Dans son dernier livre, "Manifeste pour une droite décomplexée", à paraître le 3 octobre, Jean-François Copé dénonce l'existence d'un racisme anti-blanc dans certains quartiers difficiles et dit vouloir "briser un tabou". Existe-t-il un déni de réalité autour de cette question ? 

Gilles-William Golnadel : Si on en doutait, certaines réactions outrancières me conduisent malheureusement à vous le confirmer. Je croyais naïvement qu'on pouvait aujourd'hui traiter de ce sujet tranquillement. Le persiflage de certains journalistes et certains politiques de gauche autour de "la  droite très très décomplexée" et surtout la référence obligatoire au Front national me consternent. Comme si on ne pouvait pas traiter d'un sujet qui apparait tellement clairement dans les banlieues, tellement clairement dans certaines agressions, tellement clairement dans les chansons de rap, tellement clairement dans certaines questions internationales...

Nier cette évidence, en appeler au Front national et à la répulsion qu'il inspire, c'est le degré zéro de la politique et de la culture. Il s'agit même d'une véritable régression intellectuelle puisque l'année dernière, comme je le soulignais dans mon livre (Réflexions sur la question blanche. Du racisme blanc au racisme anti-blanc), le président de la Licra a fini par reconnaitre l'existence du racisme anti-blanc. Ce n'est pas le Front national qui a inventé le racisme anti-blanc et ce n'est pas le Front national qui l'a découvert. Est-ce que, sous prétexte que le FN parle depuis des années du racisme anti-chrétien en terre d'orient, dont aujourd'hui tout le monde reconnait enfin la réalité, on serait condamné à taire le racisme anti-chrétien ? Oui, malheureusement, le racisme anti-blanc est toujours tabou. Et Jean-François Copé a parfaitement raison d'en traiter dans son livre.

Tarik Yildiz : Pour ce qui est des responsables politiques traditionnels, il y a effectivement un déni de réalité, notamment à gauche et dans certaines associations anti-racistes. On préfère ne pas évoquer le problème. C'était justement tout le sujet de mon livre :Le racisme anti-blanc. Ne pas en parler : un déni de réalité. Depuis sa parution en 2010, les mentalités n'ont pas beaucoup évolué. 

Pourquoi cette question suscite-t-elle autant le malaise à gauche et au sein même des associations antiracistes ?

Gilles-William Golnadel : La seconde guerre mondiale et la Shoah ont entrainé une grande confusion dans l'esprit occidental, car cette catastrophe a été commise au nom de la race blanche par des blancs. Il en a résulté une sorte d'auto-détestation de l'homme occidental par lui-même et également par voie de conséquence, ce que j'appelle la "dilection pour l'altérité". Autrement dit, l'homme blanc est passé d'un excès à l'autre. Il se vivait improprement comme supérieur, le voilà qui se vit comme inférieur. "L'autre est forcément meilleur que moi, moi le pire de tous", se dit l'occidental. C'est ce qui explique pourquoi Madonna a appelée à voter pour Barack Obama "parce qu'il est noir et musulman". Du point de vue de Madonna, il faut voter pour Obama, non pour des raisons politiques, mais simplement à cause de sa couleur de peau ou de sa religion supposée.

Si "l'autre" est meilleur, il ne peut pas être raciste. L'homme occidental est le seul  bourreau tandis que l'"autre" est forcément la victime. C'est le dogme anti-raciste professionnel qui existe depuis le choc médiatique de la Shoah au tournant des années 70. Ce prêt-à-penser a conduit à la trahison du véritable anti-racisme par des associations anti-racistes professionnelles souvent inféodées à l'extrême-gauche. Ces dernières sont borgnes. Elles ne voient que le racisme des occidentaux, qui existe bien sûr, et occulte le racisme équivalent des orientaux. Le racisme est malheureusement la chose la mieux partagée du monde. On pourrait citer des exemples historiques occultés, comme la traite des esclaves barbaresques. Le véritable anti-racisme ne saurait avoir d'œillères. C'est cette hémiplégie intellectuelle qui empêche de traiter certains sujets, comme le racisme anti-blanc.

Tarik Yildiz :  Il y a deux raisons principales. La première est que le Front national en a fait l'un de ses thèmes majeurs. A chaque fois qu'on évoque le sujet, on a donc peur d'être taxé de proximité avec l'extrême droite.

La deuxième raison, c'est que dans l'inconscient collectif de certains, il y a l'idée qu'un enfant d'immigré qui vit dans les quartiers ne peut pas être un bourreau. Il doit obligatoirement être une victime. Il y  a quelque temps, il y avait eu une polémique avec le MRAP, qui avait reconnu pour la première fois le racisme anti-blanc. Dans une pétition, des intellectuels ont interpelé l'association et expliqué qu'on ne pouvait pas mettre sur le même plan "les dominés" et "les dominants". Sous-entendu, le blanc appartient forcément à la catégorie des dominants. C'est une vision du monde que je récuse totalement. Un jeune vivant à Saint-Denis, même s'il est "Français de souche", n'appartient pas au groupe des dominants. Cela n'a pas de sens...

Ne devrait-on pas parler de racisme en général plutôt que d'antisémitisme, d'islamophobie ou de racisme anti-blanc ? Catégoriser ainsi le racisme, n'est-ce pas finalement faire le jeu des communautarismes et de la concurrence victimaire ?

Gilles-William Golnadel : Lorsque vous traitez d'un sujet, vous êtes bien obligé de sous-traiter des catégories. En matière d'antisémitisme, vous ne pouvez pas vous interdire de parler du racisme de l'extrême droite, du racisme de l'extrême gauche ou du racisme islamiste. Sous couvert d'avoir peur de parler de certaines choses, vous ne pouvez pas les diluer de manière générique. 

Tarik Yildiz : Il y a effectivement un risque de tomber dans la compétition victimaire. Il y a du racisme ; et le racisme anti-blanc est un racisme parmi les racismes. Mais pour désigner des phénomènes, il faut parfois apporter des précisions. Cela ne veut pas dire qu'un racisme est plus important qu'un autre. Le racisme est unique, même s'il peut toucher des personnes différentes.

Dans son livre, Jean-François Copé constate : "La diversité manque autant à Bobigny que dans le 7e arrondissement de Paris et dans les deux cas, les minorités peuvent se sentir mal à l'aise". Au-delà du problème du racisme, n' y a-t-il pas un problème de mixité en France ?

Gilles-William Golnadel :C'est une illusion de l'esprit que de penser un seul instant que si les gens étaient mélangés de manière harmonieuse, il n'existerait pas de racisme. Je ne crois pas à cette explication. Le racisme n'est pas un problème de voisinage, mais de fantasme. C'est une création fantasmatique basée soit sur la peur, soit sur le ressentiment, soit sur les rumeurs propagées. Penser un seul instant que, sur le terrain de la seule raison, vous allez répartir harmonieusement les communautés et effacer le racisme, c'est faire preuve d'angélisme.

Tarik Yildiz : Jean-François Copé a raison de le souligner : il y a d'abord une homogénéisation sociale qui s'est créée. Mais on retrouve le problème du manque de diversité sociale partout dans le monde. A ma connaissance, il n'y a pas vraiment d'endroit où riches et pauvres vivent dans le même immeuble.

En revanche, il y a aussi un problème de diversité ethnique dont on ne parle pas. La solution n'est pas de forcer les gens à vivre côte-à-côte. Par contre, il faut régler les problèmes là où ils sont. Par exemple, les questions de sécurité ou les problèmes d'accès à une éducation de haut niveau. A travers les recherches que j'ai fait, j'ai pu constater que le niveau scolaire dans les collèges de banlieue n'était pas le même. Cela n'est pas seulement dû au niveau des élèves. Souvent dans ces collèges là, les professeurs tentent de s'adapter au niveau des élèves. Il n'y a donc pas de nivellement vers le haut, mais un nivellement vers le bas. Il y a donc un certain nombre de problèmes et je pense que si on les règle, on retrouvera une certaine forme de mixité. Il n'y a pas de raison. En France, les gens ne sont pas fondamentalement racistes.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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