L'extase : pourquoi les champions entrent dans un "état second" pendant l'effort<!-- --> | Atlantico.fr
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L'extase que connaissent certains sportifs de haut niveau pendant l'effot reste encore un phénomène mystérieux.
L'extase que connaissent certains sportifs de haut niveau pendant l'effot reste encore un phénomène mystérieux.
©Reuters

Nirvana

Pour reprendre leur propre expression, les sportifs de haut niveau présentent presque tous la particularité de "monter sur un nuage". Hubert Ripoll explique pourquoi cet "état second" quasi mystique correspond en fait à l’état optimal de concentration. Extraits de "Le mental des champions" (2/2).

Hubert Ripoll

Hubert Ripoll

Hubert Ripoll est psychologue du sport et essayiste. Il a travaillé auprès de plusieurs équipes de France et avec de nombreux champions olympiques et champions du monde. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages sur la psychologie des champions et des coachs sportifs. Il a publié Le mental des champions (Payot, 2008), Le mental des coachs (Payot, 2012), La résilience par le sport (Odile Jacob, 2016).

On peut retrouver l’ensemble de son travail et de ses analyses sur les blogs Le mental des champions, Le mental des coachs, La résilience par le sport.

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Atteindre un état modifié de conscience

Il s’agit d’un état que ne connaissent que les grands champions et que les psychologues appellent un état modifié de conscience. Dans l’excellent livre qu’elle consacre à ces états, Christine Le Scanff les qualifie ainsi : « un certain nombre d’états seconds, au cours desquels le sujet vit une modification plus ou moins profonde de son état ordinaire de conscience, de sa perception de l’espace et de sa propre identité ». Cependant, de tels états ne s’observent généralement qu’au cours de certaines expériences mentales mais non en sport. En effet, certaines pratiques spirituelles, religieuses ou mystiques conduisent à un état quasi extatique, comme le chamanisme, le bouddhisme chinois, le soufisme ou la kabbale. On décrit également l’irruption de ces états sous l’effet de l’hypnose, de l’absorption de drogues ou de psychotropes. Ils sont également associés, mais seulement chez les grands maîtres, à des techniques cognitivo-corporelles, comme le yoga ou certaines formes de relaxation.

Il existe néanmoins une différence essentielle entre les états mentaux provoqués par les pratiques spirituelles, les pratiques cognitivo-corporelles, ou
encore par l’absorption de substances chimiques, et les états mentaux observés en sport. En effet, ces pratiques visent à une forme de coupure au monde, entraînant souvent une perte de contact corporel avec la réalité, alors que le sportif doit, au contraire, entrer dans un état mental qui, loin de le couper du monde, lui permet d’avoir une présence physique extrême pour créer une gestuelle de rêve, un contrôle sans faille. Ceci est possible grâce à une extrême lucidité par rapport au monde, par rapport à la compétition, par rapport aux adversaires. En fait, la spécificité de ces champions, qui, à notre connaissance, n’a jamais été décrite auparavant, est qu’ils entrent dans un état modifié de conscience qui, tout en étant particulièrement exacerbé par rapport à ce qui est habituellement décrit, ne les empêche pas d’être attentifs aux informations nécessaires à leur pratique.

Il s’impose ici de faire une clarification entre ces deux notions souvent confondues que sont la concentration et l’attention. La concentration est un processus qui met l’individu dans un état optimal de réceptivité. Cet état est non spécifique, ce qui signifie qu’il correspond plus à une certaine forme
de relation au monde qu’à une capacité à traiter les informations en provenance du monde. L’attention pour sa part est très sélective, car elle permet de détecter et de prélever les informations nécessaires à la prise de décision et à l’exécution de l’action. Le langage courant ne s’y trompe pas. Ainsi, on dit que l’on est concentré pour accomplir une action, alors que l’on fait attention à une information pour exécuter cette action. Cette distinction est clairement exprimée par Nicolas Huguet :

« Être concentré, c’est être dans la globalité de l’action. [...] Quand tu es sur quelque chose de précis, tu es dans l’attention. »

Pour reprendre leurs propres expressions, nos champions présentent presque tous la particularité de « monter sur un nuage » ; ce qui correspond à l’état optimal de concentration, tout en restant ouverts aux informations nécessaires à la conduite de l’action. Laura Flessel exprime clairement cette analyse :

« En fait, à chaque fois que je me sens dans cet état second, j’ai vraiment les pieds sur terre et je suis lucide. »

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Extrait de "Le mental des champions, comprendre la réussite sportive" aux éditions Petite Bibliothèque Payot

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