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Pourquoi la densité des grandes villes est loin d’être le lourd handicap qu’on croit face au Covid
©FRED TANNEAU / AFP

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La densité de population, dans les grandes villes par exemple, joue un rôle moins important que l’on ne croit dans la diffusion et la mortalité du virus, d'après des études menées en France, en Chine et aux Etats-Unis.

Hervé Le Bras

Hervé Le Bras

Hervé Le Bras est un démographe français, chercheur émérite à l'Institut national d'études démographiques (INED). 

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Atlantico : Dans une note pour la Fondation Jean Jaurès paru en juin dernier, vous déconstruisez quelques idées reçues sur les liens entre densité de population et mortalité due au Covid-19. Vous expliquez que la densité de population, dans les grandes villes par exemple, joue un rôle moins important que l’on ne croit dans la diffusion et la mortalité du virus. Une étude menée en Chine et une autre aux Etats-Unis arrivent aux mêmes conclusions. Mais pourquoi les grandes villes ne sont-elles pas (impérativement) mauvaises en ce qui concerne le Covid ?  

Hervé Le Bras : Les données récoltées dans les grandes villes mondiales montrent que la gravité de l’épidémie ne dépend pas de la densité. La banque mondiale l’a confirmé en comparant les taux d’infection de 284 villes chinoises. Aux Etats-Unis, il en est de même pour les 913 comtés métropolitains. Dans un ouvrage récent (Serons-nous submergés ? épidémie, migrations, remplacement, éd. de l’Aube, novembre 2020), j’ai montré que, lors de la première vague, il n’existait pas de corrélation entre la densité des départements français et la mortalité par Covid-19. J’ai obtenu le même résultat pour les cantons suisses, pour les provinces italiennes et pour les communautés espagnoles. Par exemple, la mortalité à Zurich a été cinq fois plus faible que dans le Tessin. En France, jusqu’au 1er juin, un département rural comme la Haute Marne a compté 9 fois plus de décès par habitant que la Haute Garonne où se trouve Toulouse.

Pour expliquer ce résultat paradoxal, la banque mondiale suppose que les habitants des grandes cités se protègent mieux que ceux de la campagne. C’est difficile à prouver. Je pense qu’il faut plutôt s’intéresser au mécanisme de progression de l’épidémie. Il se caractérise par des clusters localisés et des super-contaminateurs qui en sont à l’origine. Cela a été le cas à Mulhouse, suite à une réunion évangélique et à côté de Creil dans des circonstances moins claires. Dès lors, il importe peu que le super-contaminateur se trouve en ville ou au-dehors. Ce qui compte est qu’il ait participé à une réunion avec de nombreuses personnes dans un espace clos. The economist a ainsi listé quelques réunions fatales dans le monde entier : 5 016 contaminés après un office dans l’église de Shinsheonji en Corée, 1 280 dans une école militaire en Indonésie, 7 000 à la suite d’un match de Football à Milan, 1 105 à la prison de Saint Quentin en Californie. En France, avec le porte-avion Charles de Gaulle ou dans plusieurs abattoirs, la même scène s’est répétée. Une particularité du virus accélère le phénomène, la forte proportion de malades asymptomatiques. Avant que le cluster soit découvert, il peut s’écouler une ou deux semaines pendant lesquelles, les asymptomatiques contaminent leurs contacts à rythme plus lent. Une étude menée en Inde dans le Tamil-Nadu et l’Andhra-Pradesh sur 85 000 malades et 575 000 de leurs contacts a montré que plus de 70 % des malades ne contaminaient aucun contact tandis que 10% étaient responsables de 60 % de la contagion des contacts.

 Une fois qu’un cluster a échappé au contrôle, plusieurs enquêtes menées en France, aux Etats-Unis et en Grande Bretagne montrent que les pauvres, les minorités et les immigrés sont plus souvent atteints par la maladie. Mais, il serait faux d’en conclure que c’est parce qu’ils sont pauvres, minoritaires ou immigrés qu’ils sont plus atteints. Le virus n’a pas une capacité particulière à détecter ces personnes. Il va au plus proche bêtement. Et le plus proche est souvent un pauvre, un immigré ou appartient à minorité désavantagée : un livreur, une femme de ménage dans un hôpital, une infirmière qu’on a souvent recrutée dans les DOM-TOM, une caissière de supermarché. Au lieu de s’intéresser aux caractéristiques des individus, il faut tenir compte à un niveau fin, anthropologique, des relations entre les personnes et des situations auxquelles elles sont exposées.

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