Covid-19 : Et si la première cible à convaincre de l’efficacité du vaccin étaient les médecins et soignants eux-mêmes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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vaccin coronavirus covid-19
vaccin coronavirus covid-19
©JOEL SAGET / AFP

Rempart pour endiguer l'épidémie

Une étude menée aux États-Unis souligne qu’ils expriment eux-mêmes des doutes, non pas sur le principe de la vaccination en soi, mais sur la sécurité offerte par ces nouveaux vaccins développés en un temps record. Ils sont pourtant les premiers relais auprès du reste de la population.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico.fr : Selon un récent sondage réalisé aux Etats-Unis, 37% du personnel de santé hésite ou ne prendra pas le vaccin contre le coronavirus, comment expliquer cette défiance médicale ? La retrouve-t-on en France ?

Jérôme Marty : La question c’est de savoir si c’est une défiance ou l’attente d’avoir des éléments plus détaillés sur la composition du vaccin, ses effets et les études qui ont été faites. Les médecins ont un rôle d’explication par rapport à leur patient. C’est eux qui vont transmettre les informations sur la base desquelles le patient va accepter ou non de se faire vacciner. La relation de soin se construit à deux entre le médecin et son patient pour amener à un consentement éclairé. Il est possible que les médecins n’aient que des données parcellaires, comme c’est le cas actuellement. Il y a des bulletins de communication des laboratoires, à visée de communication, presque boursière. Sur le plan scientifique nous n’avons pas tous les éléments. Il ne s’agit pas du tout de dire que ces vaccins sont dangereux. On sait, avec les études qui ont été faites, qu’ils ont eu des cohortes importantes : 40.000 pour Pfizer, 30.000 pour Moderna et qu’ils n’ont montré que très peu d’effets secondaires. Il y a eu quelques maux de tête, quelques fièvres. Ce qui est certain, c’est qu’on va découvrir des effets secondaires au fil du temps, comme toujours. C’est pour cela qu’il va y avoir une pharmacovigilance pendant quelques années, ils pourront être graves, mais dans d’infimes cas. Tout cela, il faut l’expliquer au patient et il faut avoir ce niveau de détail. Les médecins aux Etats-Unis, est-ce que ce sont des antivax, puisqu’il peut y en avoir chez les médecins comme ailleurs, où est-ce que ce sont seulement des gens qui se placent dans le doute par rapport à ce manque d’information ? A mon sens c’est cette deuxième option. On peut retrouver le même doute chez les soignants français, on l’a d’ailleurs exprimé.

Comment peut-on rassurer le personnel soignant à l’égard du vaccin ? Est-ce la même stratégie que pour le reste de la population ?

Nous sommes des scientifiques donc il faut nous donner les éléments. Ce n’est pas nous qui allons rentrer dans le cercle du complotisme, mais le scientifique a une mission explicative. Et pour cela il faut qu’il ait les éléments. Il faut qu’on ait toutes les données scientifiques et qu’on puisse les regarder, les étudier pour ensuite les transmettre, éventuellement plus vulgarisées, et encore pas nécessairement. Nous sommes extrêmement attentifs par rapport aux effets secondaires qui pourraient apparaître mais l’utilisation d’un médicament c’est toujours un problème de bénéfices/risques. Si vous avez un médicament qui vous donne des effets secondaires dramatiques mais à un pour 100.000 et une maladie létale pour 0.1% des cas, il est évident que la vaccination va avoir un avantage et que le vaccin est nécessaire. Mais il n’y a pas de médicament sans risque. Il faudra donc communiquer là-dessus. Plus tôt les informations complètes seront communiquées, mieux ce sera. Le président Emmanuel Macron a esquissé le calendrier vaccinal mardi. Les 890.000 personnes dans les maisons de retraite et leurs soignants, en tout cas à risques, seront vaccinés en premier. Ensuite ça devrait être avril - mai pour le reste de la population. Toute l'année 2021 va être impactée car on doit vacciner environ 35 millions de personnes à risques.  Même en s’y mettant tous et en ne faisant que ça, il faudrait des mois. Cela va s’étaler dans le temps et ça nous appelle à la prudence et à garder les gestes barrières.

Faut-il convaincre en priorité le personnel de santé de l'efficacité du vaccin si l’on veut convaincre la population, puisque les soignants sont le premier relai des autorités sanitaires concernant le vaccin et que la France fait partie des pays où la confiance envers le vaccin est le plus faible ?

Il est évident que l’on ne peut pas demander à un médecin d’aller communiquer à un patient sur un traitement qui n’est pas efficace. On demande qu’on se repose sur la médecine de ville pour mettre en place cette vaccination parce que les Français ont confiance dans leur médecin dans des taux qui sont chaque année les mêmes, aux alentours de 90 %, là où les hommes politiques sont plus proches des 10%. C’est dire la différence. Les gens n’ont pas confiance en « les médecins » mais en leur médecin, leur infirmière, leur pharmacien. C’est la relation de proximité qui joue. Donc s’il y a un échange à avoir c’est entre cette population médicale là et les patients. Donc il faut se reposer sur eux et pour cela il faut pouvoir leur donner toute l’information afin qu’ils puissent en parler en conscience parce qu’il est hors de question de cacher quelque chose au patient.

On est face à un évènement extraordinaire, une pandémie. La particularité c’est que toutes les zones sur la Terre connaissent à peu près la même problématique. Cette pandémie a impacté l’économie, le social, le sanitaire, et des moyens ont été mis pour en sortir. On a adapté les moyens de recherche à cette urgence en interphasant les phases 1, 2 et 3 qui président à la mise sur le marché d’un vaccin, là où elles se succèdent habituellement. On a commencé à fabriquer les produits finis avant la fin des études, quitte à les jeter si les études montraient qu’ils n’étaient pas efficaces. Cela afin de gagner du temps. Cela explique le temps très court pour la mise en place de ce vaccin, d’où l’importance de la pharmacovigilance afin de voir les effets que l’on n’aurait pas vu pendant les essais. La campagne de vaccination sera largement aidée si les médecins sont convaincus d’abord, c’est une certitude. Il faut aussi se méfier des apparences sur le rapport des Français aux vaccins. Cette année, on a dit qu’il fallait absolument se vacciner et on s’est retrouvé en rupture de stock tellement il y avait de demandes. Le mouvement antivax n’est pas aussi puissant que ça. Là, on est face à un nouveau virus et un nouveau vaccin, avec de nouvelles techniques comme l’ARN messager. Donc il y a un terreau favorable au complotisme. Cela peut susciter une inquiétude chez les gens, mais il faut leur expliquer ce qu’est l’ARN messager et qu’il n’y a pas de risque de modification génétique ou autre.

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