"Je ne vis que pour toi" de Emmanuelle de Boysson : le Paris saphique, littéraire et artistique du début du XXe siècle. Un mélange subtil de fiction et de réel<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Emmanuelle de Boysson Je ne vis que pour toi
Emmanuelle de Boysson Je ne vis que pour toi
©

Atlanti Culture

Emmanuelle de Boysson a publié "Je ne vis que pour toi" aux éditions Calmann Lévy.

Nicolas Gaudemet, pour Culture Tops

Nicolas Gaudemet, pour Culture Tops

Nicolas Gaudemet est chroniqueur pour Culture-Tops.

Voir la bio »

"Je ne vis que pour toi" de Emmanuelle de Boysson

Calmann Lévy - 320 pages - 17,90€

RECOMMANDATION 
Excellent

THEME
En 1904, la jeune bretonne Valentine épouse un riche promoteur parisien qui l’introduit dans les cercles artistiques. Espérant se faire publier, Valentine se lie bientôt avec Natalie Clifford Barney, sulfureuse femme de lettre américaine qui accueille dans ses salons le Tout-Paris littéraire, d’abord à Neuilly, puis rue Jacob autour de son Temple de l’Amitié. Séductrice infatigable, Natalie y enchaîne les aventures saphiques au grand dam de Valentine, qui tente d’abord de lui résister, puis rêve de ne pas être une simple conquête parmi d’autres.

POINTS FORTS
L’érudition d’Emmanuelle de Boysson qui fait revivre Colette et son mari Willy, Proust, le dandy Robert de Montesquiou — modèle de des Esseintes et du Baron de Charlus—, les demi-mondaines Valtesse de La Bigne — modèle de Nana — et Liane de Pougy, la poétesse Renée Vivien, la duchesse Élisabeth de Clermont-Tonnerre, l’éditeur Paul Ollendorff, les libraires Adrienne Monnier et Sylvia Beach — fondatrice de Shakespeare & Co, éditrice de Joyce —, et autres figures littéraires et artistiques du début du XXè siècle…

Le subtil mélange de fiction et de réel, au point que le personnage principal n’est pas tant Valentine que son amante Natalie Clifford Barney, ou plutôt la constellation saphique dont Natalie est le centre. Notons à cet égard la bibliographie fournie d’Emmanuelle de Boysson.

L’angle original des passions saphiques, permettant de magnifiques portraits de femmes, qui délaissées ou maltraitées par leurs maris, s’entraident et s’émancipent dans l’amour lesbien.

L’évocation croustillante et colorée des bordels de la rue Chabanais, où Valentine cherche à surprendre son mari Antoine. Les filles y sont équipées de boîtes à bijoux ornées du rébus chat-bas-nez…

L’atmosphère insouciante et libérée évoquant, à quelques années d’écart, le Paris est une fête d’Hemingway.

POINTS FAIBLES
Ce n’est pas un point faible, mais le lecteur non spécialiste de l’histoire littéraire du début XXè sera amené à quelques recherches pour restituer toutes les figures évoquées et en goûter toutes les saveurs. Un roman dont on sort instruit.

EN DEUX MOTS
L’évocation du Paris saphique, littéraire et artistique, qui virevolte au début du XXe siècle autour de la poétesse Natalie Clifford Barney.

UN EXTRAIT
« En revenant vers la terrasse, Natalie me fait signe. À l’ombre des lilas, son visage semble apaisé, presque sage. Elle m’embrasse, commande un whisky on the rocks, moi, un verre de chablis.

Tu étais à l’intérieur ? dit-elle. J’irai voir Louÿs tout à l’heure : sa revue est le fer de lance de la poésie française. Mon préféré du club reste Apollinaire. Sa  “Chanson du mal aimé” me tire des larmes. La seule chose qui me froisse dans ce cercle de doux rêveurs, c’est qu’ils ne sont pas prêts à accueillir des femmes.
Alors que je m’apprête à lui demander de cesser de m’écrire et de m’envoyer des cadeaux, elle m’annonce que Renée Vivien vient de faire paraître un recueil, À l’heure des mains jointes. Renée qui ne sort plus de son appartement-musée éclairé par des cierges, si maigre qu’on dirait un spectre.

Colette a tout tenté pour qu’elle se nourrisse : la sévérité, l’ironie, s’attriste Natalie. Renée a engraissé de quatre kilos et les a perdus en dix jours.
Au moment où je glisse : « Je voulais te dire… », elle m’interrompt, le sourire espiègle :

Figure-toi que Colette fugue pour passer la nuit chez Missy qui lui offre des cours de mime. Il serait temps qu’elle quitte Willy. Être artiste, c’est vivre dangereusement ! 

L'AUTEUR
Journaliste, romancière, essayiste, cofondatrice du prix de la Closerie des Lilas et plus récemment du prix Le Temps retrouvé, Emmanuelle de Boysson signe avec Je ne vis que pour toi son dixième roman.

Parmi ses nombreux ouvrages citons Les Grandes bourgeoises, Editions Jean-Claude Lattès, 2006;  Les Secrets des couples qui durent, 5 tomes, Presse de la Renaissance, 2008 ; Le temps des femmes aux éditions Flammarion, 3 tomes ( T.1  Le Salon d’Emilie, 2011;  T.2 La Revanche de Blanche, 2012; T.3 Oublier Marquise, 2013); Les Années Solex, Editions Héloïse  d'Ormesson, 2017; Que tout soit à la joie, Editions Héloïse d’Ormesson, 2019)

LE CLIN D'OEIL D'UN LIBRAIRE 
Patrick et Mélanie Coltel, La Droguerie de Marine, 66, rue Georges Clemenceau 35400 Saint Malo - 

La Droguerie, comme son nom ne l’indique pas, c’est”la librairie”  de la cité corsaire. Avec Patrick Coltel son nouveau capitaine à la barre et ses deux points de vente, l’un en face de l’autre, elle fend  la (nouvelle) vague de la culture par tous les temps sans crainte des épidémies. Au début fut la Droguerie puis vint la librairie de marine et enfin survint le bon temps de la librairie tous azimut… et connectée.

« En ce moment nous pratiquons le clic et collect à fond « de cale ». Nos clients commandent beaucoup sur internet et viennent nous voir ensuite. Avec 16 000 ouvrages en référence, on assure même par gros temps ! ».  Patrick Coltel et et sa copilote,  Mélanie, avaient vu le vent venir. Leur site la-droguerie.fr a vu le jour il y a 3 semaines, à la veille du deuxième confinement. « Tout va bien à bord, le plus important c’est de garder une étroite relation avec nos lecteurs » confie le Malouin fan de BD par ailleurs (un deuxième point de vente y est consacré). « La BD c’est pour moi un roman graphique.  A propos, une recommandation ? En guise de clin d’œil à toutes les générations, je recommande  l'Arabe du futur tome V de Riad Sattouf, entre Bretagne et Moyen Orient. Et puis aussi « Le carnet de New York» de Paolo Cognetti». Merci Patrik Coltel de nous faire voyager dans vos livres. Bon vent !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !