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Effets secondaires de la crise du Covid-19 : les principales conséquences psychologiques du confinement
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Bonnes feuilles

Le professeur Nicolas Franck a publié "Covid-19 et détresse psychologique - 2020, l'odyssée du confinement" aux éditions Odile Jacob. Quels sont les effets psychologiques et psychiatriques du confinement sur notre santé ? Et quelles sont les attitudes permettant de faire face aux conséquences de ce stress ? Extrait 1/2.

Nicolas Franck

Nicolas Franck

Le professeur Nicolas Franck, médecin psychiatre, est chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier et responsable d’enseignement à l’université Claude-Bernard à Lyon. Il a publié des livres chez Odile Jacob dont La Schizophrénie en 2006 et Entraînez et préservez votre cerveau en 2013, ainsi que de nombreux articles et ouvrages scientifiques destinés aux professionnels de la santé mentale.

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Quelle est la cause de la perte de repères ?

Le confinement est souvent une expérience désagréable pour ceux qui le subissent. Être séparé de ses proches, perdre sa liberté, l’incertitude quant à une possible contamination et se retrouver totalement désœuvré peut potentiellement avoir des conséquences très sévères. Une augmentation du taux de suicide a été rapportée après certaines épidémies. Seules les données de suivi épidémiologique permettront de savoir si l’épidémie de Covid-19 aura entraîné une telle conséquence ou si elle aura eu l’effet inverse, observé après certaines catastrophes. De nombreuses personnes ont exprimé une colère majeure. Lors de certaines épidémies des poursuites judiciaires ont été engagées.

Les avantages potentiels d’un confinement de masse sur la réduction de la transmission de l’agent infectieux doivent systématiquement être mis en balance, non seulement avec l’impact négatif majeur qu’il a sur l’activité économique, mais aussi avec son coût psychologique. Le succès d’un confinement utilisé en tant que mesure de santé publique exige de limiter, autant que faire se peut, ses effets négatifs.

Principales conséquences psychologiques du confinement

En mars 2020, le Lancet a consacré une revue de littérature à l’impact psychologique du confinement. Ce travail, qui a pris en compte vingt-quatre études, s’est avéré très éclairant quant aux conséquences d’une telle épreuve sur les personnes qui la subissent. Dans les paragraphes suivants, nous allons examiner les principaux apports de ces études.

Dans l’une d’entre elles, parmi le personnel hospitalier susceptible d’avoir été en contact avec le SRAS, les professionnels qui ont été confinés ont présenté plus de manifestations de stress aigu que les autres. Ceux-ci ont également présenté plus fréquemment que les autres des états d’épuisement, un détachement par rapport aux autres, une anxiété face à des patients fébriles, une irritabilité, une insomnie, un manque de concentration, une indécision, une détérioration des performances professionnelles et une réticence à travailler.

Dans une autre étude, les professionnels de santé ayant été confinés ont été plus fréquemment sujets à des symptômes de stress post-traumatique, jusqu’à trois ans plus tard. Un autre travail a montré qu’un tiers des propriétaires de chevaux ayant été confinés pendant plusieurs semaines pendant une épidémie de grippe équine ont été victimes d’un état de détresse psychologique, alors que seuls 12 % de la population générale australienne en était atteinte. Une étude a mis en évidence un score de stress posttraumatique quatre fois plus élevé chez des enfants confinés que chez d’autres enfants qui ne l’avaient pas été. Dans cette même étude, 28 % des parents confinés présentaient des symptômes post-traumatiques, contre 6 % de ceux qui ne l’avaient pas été.

Une autre étude a été consacrée à l’impact du confinement sur le personnel hospitalier, à trois ans de distance. Ce confinement avait été imposé à une partie seulement de ce personnel. Cette étude a mis en évidence 9 % de dépressions sévères parmi les professionnels. Or 60 % de ces professionnels avaient été confinés, contre seulement 15 % de ceux qui avaient une dépression légère.

Toutes les autres études quantitatives prises en considération dans cette revue de littérature n’ont porté que sur des personnes ayant été confinées. Celles-ci se plaignaient de fréquents symptômes de détresse, de manifestations émotionnelles de colère, d’épuisement émotionnel, d’irritabilité, de manifestations en lien avec le stress, de symptômes psychiatriques généraux, de troubles dépressifs, d’insomnie ou de symptômes de stress post-traumatique. La dépression touchait trois quarts des personnes et l’irritabilité plus de la moitié. Dans ces travaux, une à deux personnes sur dix parmi celles qui avaient été mises en quarantaine parce qu’elles avaient été en contact étroit avec quelqu’un pouvant être atteint du SRAS ont rapporté de la peur, de la nervosité, de la tristesse et de la culpabilité. Moins d’une sur vingt a fait état de sentiments positifs tels que le bonheur ou le soulagement. Des études qualitatives ont pointé des réactions telles que la confusion, la peur, la colère, le chagrin, l’engourdissement, l’anxiété et l’insomnie.

Une étude n’a trouvé aucune différence significative entre des étudiants ayant été confinés ou non, en termes de stress post-traumatique et de symptômes psychiatriques généraux. Cependant, il s’agissait exclusivement d’étudiants de premier cycle et il est possible que ces conclusions ne puissent être généralisées à l’ensemble de la population.

Une seule étude a porté sur l’évolution juste après le confinement. Elle a montré qu’alors que pendant la durée de celui-ci 7 % des personnes présentaient des symptômes anxieux et 17 % des sentiments de colère, quatre à six mois plus tard elles n’étaient plus que 3 % et 6 % respectivement. Deux autres ont fait état d’effets à plus long terme. Trois ans après l’apparition du SRAS, l’abus et la dépendance à l’alcool étaient plus fréquents chez les professionnels de santé qui avaient été confinés. Une analyse plus sophistiquée dite multivariée a montré, après contrôle des facteurs démographiques, que le fait d’avoir été confiné ou d’avoir travaillé dans un lieu à haut risque de contamination étaient les deux situations les plus à risque.

Trois études ont montré que plus le confinement était long, plus mauvaise était la santé mentale à l’issue, en particulier en termes de stress post-traumatique, de comportements d’évitement et de colère. Une étude a montré que les personnes confinées plus de dix jours avaient des symptômes de stress post-traumatique nettement plus importants que celles qui l’étaient pendant une durée de moins de dix jours.

Impact sur les professionnels de santé

Pour les professionnels de santé, le confinement a bien entendu réduit les contacts directs avec les patients mais a aussi favorisé l’absentéisme. Ils se sont sentis plus stigmatisés et ont été plus affectés psychologiquement que le grand public. Ils ont également été plus évitants des situations sociales à l’issue du confinement et ils ont déclaré une perte de revenus plus importante.

Les professionnels de santé ont ressenti plus de colère, de contrariété, de peur, de frustration, de culpabilité, d’impuissance, d’isolement, de solitude, de nervosité, de tristesse, d’inquiétude et se sont finalement déclarés moins heureux. Les professionnels de santé ont également été plus nombreux à se croire atteints du SRAS et à craindre de contaminer d’autres personnes. Une étude n’a toutefois pas montré d’impact chez les professionnels de santé. Nous verrons plus loin que lors de la pandémie de Covid-19, ils ont été très valorisés (applaudis chaque soir à 20 heures dans le monde entier) et que l’écueil de la stigmatisation a non seulement pu être évité grâce à une communication appropriée, mais que celle-ci a au contraire procuré un effet totalement opposé. Enfin, les professionnels de santé ayant été confinés ont présenté des symptômes de stress post-traumatique plus sévères que le grand public.

Extrait du livre du professeur Nicolas Franck, "Covid-19 et détresse psychologique - 2020, l'odyssée du confinement", publié aux éditions Odile Jacob.

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