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Covid-19 : la vaccination qui arrive ne peut pas nous dispenser de la prévention classique de la transmission
©MARTIN BUREAU / AFP

Double combat

L'épidémie de Covid-19 est désormais active sur tout le territoire. Les causes sont connues : niveau de protection personnelle insuffisant, traçage et isolement des nouveaux cas faibles, et perméabilité des frontières. La classe politique croyait que l’insouciance de ses comportements finirait bien par épuiser les velléités du virus. Ce ne fut pas le cas.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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La France connaît une résurgence puissante de la Covid-19. Tous les indicateurs le laissait présager. Depuis la fin du confinement en Mai nous n’avons jamais maîtrisé complètement la transmission comme le démontre le nombre de nouveaux cas et de décès qui restaient significatifs. Ensuite est survenue l’accélération de la transmission estivale. D’une épidémie géocentrée à l’est d’une ligne Fécamp-Grau du Roi et active dans 5 foyers urbains (Ile de France, Nord, Grand Est, Lyon et Marseille) nous avons fait une épidémie endémique active sur tout le territoire. Les causes sont connues : niveau de protection personnelle insuffisant, traçage et isolement des nouveaux cas faible et perméabilité des frontières. La classe politique croyait que l’insouciance de ses comportements finirait bien par épuiser les velléités du virus. Erreur.

La dynamique de l’épidémie n’est pas comprise faute d’explications rationnelles

Beaucoup de Français ne comprennent pas le mécanisme de la transmission. Or il est maintenant bien connu. Dans nos comportements la compréhension de la transmission est essentielle car elle permet d’agir avec bon sens.

Premier exemple la transmission interhumaine est aéroportée et le virus d’un individu porteur pénètre dans nos voies respiratoires supérieures grâce aux gouttelettes de l’air expiré. Voilà pourquoi l’absence de masque est à la fois dangereux car l’émission des gouttelettes n’est pas entravée et aussi parce que chez celui qui les reçoit elles ne sont pas arrêtées. La transmission est freinée quand deux personnes proches portent toutes les deux un masque. Les situations où on enlève son masque sont génératrices de transmission car les gouttelettes peuvent sortir se dissiper dans l’air et être aspirées par un autre individu.

Deuxième exemple, plus on émet de gouttelettes et plus elles sont fines plus ces dernières vont persister dans l’air ambiant d’un espace clos. Les bars et restaurants où le masque est enlevé et où on parle fort sont des endroits idéaux de transmission. Mais aussi les espaces clos où on chante comme les lieux de culte, les salles de répétition des chorales.

Troisième exemple les espaces clos mal ventilés ou sous air conditionné non filtré (la totalité en dehors des cabines d’avion commercial) sont dangereux car ils maintiennent plus longtemps les aérosols de gouttelettes dans l’air que respirent les personnes présentes. Les circuits d’air conditionné peuvent même redistribuer ces aérosols de gouttelettes sur certaines personnes situées près d’une bouche d’air et entraîner une contamination sélective. C’est vrai dans les restaurants ou dans les lieux de travail.

Ainsi chacun peut évaluer le risque et se rendre compte que la protection par masque est essentielle. Mais si l’immense majorité des nouveaux cas positifs (nous avons entre 30 et 50 000 nouveaux cas positifs chaque jour) continuent à avoir des interactions sociales pendant qu’ils sont contagieux le masque ne suffit pas car ces personnes émettent à l'intérieur des quantités importantes de virus. Par l’intermédiaire du milieu familial, de l’inobservance du masque dans un supermarché (le masque porté sous le nez), de la promiscuité dans une salle de restaurant d'entreprise, à l’école avec un enfant ne portant pas de masque, ces nouveaux cas positifs et en particulier les asymptomatiques sont les plus puissants transmetteurs. La transmission est une expérience d'intérieur avec interaction sociale.

La question de la croissance exponentielle: une dynamique où ce qui est observé c’est le passé

Les nouveaux cas transmettent à d’autres personnes non porteuses et non immunisées. Plusieurs facteurs affectent cette transmission depuis la température extérieure, le temps passé dans des espaces clos, l’observance de la protection ou l'isolement d’un % élevé des nouveaux cas et d’autres. Si un nouveau cas transmet pendant sa période contagieuse à 2 autres personnes il est facile de comprendre que si rien n’est fait le nombre de nouveaux cas explose. Et comme le virus, nous le savons parfaitement, entraîne une maladie, des hospitalisations, des admissions en réanimation et malheureusement des décès dans un % connu de cas, plus il y a de cas plus il y a de malades. Ainsi la capacité du système de soins peut être atteinte. Soit dit en passant il est stupide de demander maintenant plus de lits alors qu’on n’a pas correctment prévenu la transmission. C’est exactement la réaction du pompier pyromane. Enfin il faut bien se rappeler que ce que nous observons c'est la transmission de quelques semaines en arrière. Donc ce que nous faisons aujourd’hui ne peut avoir des conséquences demain matin. Evaluer le couvre feu une semaine après son instauration relève d’une piètre mise en scène.


La prévention de la transmission marche sur deux jambes

Les citoyens doivent se protéger, tous et cela doit être obligatoire. Les pénalités doivent être dissuasives. Elles doivent l’être partout pour tous. En revanche c’est l'organisation sanitaire (un rôle régalien de l’état) qui doit pourvoir au contrôle absolument strict des frontières et à l’isolement des nouveaux cas dépistés par les tests.

Pour les frontières il est totalement illusoire de s’en remettre à l’UE. La situation est tellement grave et l’espace Schengen tellement perméable et ce depuis des décennies que c’est irresponsable. Depuis 1995 la question du contrôle des frontières de l’UE est un engagement synallagmatique à celui de la disparition des frontières intérieures et à la libre circulation. L’échec de ce dispositif est observable. La France doit assumer sa souveraineté car ce qui compte ce n'est pas le respect unilatéral de règles dans un espace Schengen défaillant, c'est la santé de notre population.

A l’heure actuelle c’est l’isolement qui est déficient. S’agissant de la France métropolitaine c’est en mettant en place des équipes (le mot brigade a échoué) sanitaires dans les régions et dans les agglomérations au contact des populations que nous parviendrons à isoler les nouveaux cas de manière certaine d’abord un petit pourcentage puis au delà du seuil qui infléchit l’épidémie.

Mais pour aller plus vite que le virus il y a l’immunisation.

La vaccination contre le Sars-CoV-2

Depuis le début de la pandémie la recherche d’un vaccin est lancée. Le décryptage du génome viral a été un puissant accélérateur. Sur le plan du mécanisme physiopathologique de l’infection qui conduit chez certaines personnes à la maladie Covid-19 le rôle de la protéine S située sur les spicules de la couronne du virus (d’où la dénomination de coronavirus) est central. C’est pourquoi le développement d’anticorps spécifiques s’est avérée efficace dans la réponse naturelle à l’infection comme cela est bien établi à l’heure actuelle mais aussi avec des anticorps monoclonaux neutralisants. Cette immunité naturelle est aussi cellulaire (ce n’est pas une nouveauté) et tous ces aspects ont été étudié en profondeur depuis neuf mois. Actuellement plus de 200 projets de vaccins sont en développement déclaré dans le monde.

Plusieurs tandems d'entreprises associant biotechs et géant pharmaceutique

Ce qui a tout d’abord été déterminant dans le développement de ces vaccins c’est l’association entre des biotechs innovantes comme BioNtech en Allemagne ou l’université d’Oxford et des géants de la pharmacie comme Pfizer et AstraZeneca. Il y en a d’autres. La raison en est simple. Pour répondre le plus vite à cette pandémie il faut à la fois avoir un vaccin efficace mais aussi pouvoir le produire. Or une biotech n’a pas les capacités de production des géants de la pharmacie. Les deux processus ont été menés de front. Essais cliniques avec leur rigueur indispensable par des équipes rompues à cet exercice et sous le contrôle des agences américaines et européennes. Préparation des chaines de production et des matériaux nécessaires avant d’attendre le produit fini.

Un pari qui nécessite une prise de risque financier considérable

Alors que nous ne savons pas si nous aurons un vaccin efficace, il est important de se garder d’un optimisme excessif. La première génération de vaccins est susceptible d'être imparfaite et nous devons être prêts à ne pas prévenir l'infection mais plutôt à réduire les symptômes et la gravité de l’évolution.

Il faut construire un portefeuille vaccinal diversifié pour augmenter la probabilité de disposer d’un vaccin sûr et efficace. Ce genre de défi ne peut être relevé sans des moyens humains considérables. Les gouvernements ont réalisé un financement de précommande qui joint à des investissements des entreprises en question a constitué le moteur des embauches de chercheurs et de techniciens, des commandes de machines et de la préparation de la commercialisation.

La concurrence joue un rôle décisif

Il y a des dizaines de projets de vaccin dans le monde. Quelques uns sont en fin de phase 3 c’est à dire proches du dépôt d’une demande d’autorisation en urgence. La concurrence est le meilleur atout des patients à risque car elle accélère la recherche et les processus de mise au point. Et surtout il est probable que les caractéristiques de certains vaccins seront plus adaptés à certaines populations. En effet l’immuno-sénescence explique pourquoi le vaccin grippal est si peu efficace, les effets secondaires même mineurs ne sont pas les mêmes en fonction des caractéristiques d’âge, d’ethnie ou de comorbidité.

Les stratégies vaccinales réserveront des surprises

Plusieurs questions se posent compte tenu de la disponibilité des test sérologiques d’anticorps spécifiques IgM et IgG. Comment cibler la vaccination? Quelles indications chez l’enfant? Le vaccin sera-t-il en une ou deux injections? Quoi qu’il en soit les équipes sanitaires vont devoir prêter main forte car les médecins généralistes sont très occupés par les consultations des contaminés malades qui affluent. Un nouveau défi s’annonce dans les pays ayant une organisation sanitaire chaotique et c’est le cas de la France. Voilà pourquoi, tout en mettant en place des freins puissants à la transmission le plus tôt possible sans fermer l’économie, le gouvernement ne doit pas s’aveugler. Les nombres actuels sont inscrits dans un processus déjà ancien de transmission accélérée. Les actions actuelles vont produire des effets un peu plus tard. Il faut embaucher des équipes sanitaires déployées sur le terrain au contact des populations fragiles qu’il faut protéger plus efficacement et préparer les isolements et la vaccination. On imagine mal que l’on puisse continuer avec un système aussi indigent que l’attelage bureaucratique des ARS et des CPAM. Ces structures ne sont pas adaptées à la mission. Ce serait prendre un risque aussi important voire pire que celui pris en Mai 2020.

Tableau N°1: Les vaccins les plus avancés à propos desquels on dispose de publications scientifiques.

Quatre types de traitements sont utilisés à différents degrés pour contrer la pandémie COVID-19 :

- réduire la transmission virale (quatorzaine, masques faciaux, éloignement interindividuel, utilisation de désinfectants, etc.)

- les traitements (principalement des médicaments antiviraux déjà sur le marché, l’oxygène, l’héparine, la dexaméthasone)

- les vaccins (en cours de développement) et les anticorps monoclonaux

- le renforcement du système immunitaire (augmentation non spécifique des défenses antivirales).

Ces traitements demandent un effort considérable d’évaluation afin d’établir leur efficacité. Dans une maladie infectieuse très contagieuse il y a beaucoup de personnes contaminées, beaucoup sont asymptomatiques, peu de décès en pourcentage mais un nombre de morts considérable en raison du nombre énorme de personnes contaminées. Il est indispensable d’utiliser les techniques de comparaison de groupes traités les plus sûres pour réduire l’incertitude. C’est ce qui est fait dans les essais vaccinaux.

Monde entier :

Nombre total de cas diagnostiqués: 45 475 639
Nouveaux cas (sur les 14 derniers jours): 14–27 oct. : + 5 637 298
Décès: 1 187 014 (2,61%)

C’est en développant toutes les possibilités thérapeutiques que nous diminuerons à la fois le coût humain et économique de la pandémie

A ce stade il est utile de rappeler les différences énormes de mortalité entre les différents pays (Tableau N°2). L’analyse de ces différences est loin d’être effectuée et quoi qu’il en soit nous sommes très loin de la fin de la présence du virus en Europe et dans le monde.

Tableau N°2: Différences énormes de mortalité entre les différents pays et évolution récente

Pendant que se déroule un drame attendu, les Français voient toujours défiler sur les plateaux des télévisions subventionnées des personnes irresponsables qui ont participé au désarmement moral du pays. Persévérer est criminel. Pendant que certains journalistes choisissent toujours le complotisme ou son avatar masqué dans le doute systématique même au sujet de la pluie qui mouille, nous échouons une deuxième fois. La pandémie n’est pas terminée. La voie étroite est celle d’une maîtrise sans faille de la transmission pendant encore de longs mois et d’une économie résiliente par adaptation. Il est intéressant de constater que les pays qui ont plutôt mieux contrôlé l’épidémie ont une plus faible chute de leur PIB. L’étape initiale c’est de ne pas renoncer. Ce n’est pas par du “en même temps”, formule d’impuissance dans le danger, mais c’est l’obligation de faire et d’obtenir des résultats mesurables. Il parait que c'était le but du changement d’équipe gouvernementale.

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