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Des archéologues fouillent les restes de toilettes médiévales afin de mieux comprendre l'impact de notre régime alimentaire sur notre santé
©Bernard Gagnon - Wikimedia Commons

Latrines

Des chercheurs analysent les dépôts de latrines médiévales afin de retrouver des traces du microbiome de nos ancêtres.

Alain Froment

Alain Froment

Le Dr Alain Froment est l'ancien responsable des Collections d'Anthropologie au Musée de l'Homme (Muséum national d'histoire naturelle) à Paris. Il est l'auteur d'Anatomie impertinente, Le corps humain et l'évolution, paru chez Odile Jacob (avril 2013).

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Atlantico : Des chercheurs ont analysé les dépôts de deux latrines médiévales de Lettonie et d’Israël. En quoi consiste cette étude ?

Dr Alain Froment : Cette étude résulte des progrès de la métagénomique, dans un domaine qu’on appelle l’ADN environnemental, qui consiste à amplifier (par PCR) un échantillon de sédiment pour y reconnaître toutes les traces des bactéries, virus, parasites etc. qui ont pu persister dans la terre. Les latrines sont évidemment le lieu idéal à échantillonner pour rechercher le microbiome intestinal, ce que l’on appelait auparavant la flore intestinale, des populations du passé. Il y a en préalable un gros travail pour éliminer tous les microbes connus pour vivre naturellement dans le sol, et ne garder que ceux qui proviennent de l’intestin des gens qui ont utilisé ces latrines. L’intérêt de cette étude est de livrer un profil de microbiome vieux de plusieurs siècles, donc venu d’un contexte alimentaire, climatique et sanitaire différent du nôtre, au surplus dans deux écosystèmes géographiquement éloignés, ce qui permet de riches comparaisons avec l’époque actuelle.

Quelles sont les différences entre le microbiome d'un homme du Moyen-âge et celui d'un homme moderne ?

Au Moyen-Age, le régime alimentaire était sensiblement différent du nôtre, avec une grande quantité de fibres d’origine végétale, beaucoup moins de viande (sauf dans la classe sociale la plus riche), peu de produits laitiers, peu de sel, pas du tout de sucre raffiné, de thé, de café ou de tabac, et bien entendu aucun de ces aliments ultra-transformés dont on abuse aujourd’hui, alors qu’ils exercent une influence nuisible sur la santé. De plus, on sait que l’usage intensif des antibiotiques, depuis une soixantaine d’années, a eu un rôle très destructeur sur notre microbiome, il est donc particulièrement intéressant de connaître la situation antérieure à ces traitements de masse. En outre l’étude de ces sédiments montre que nos ancêtres étaient largement parasités par des vers intestinaux, comme les ascaris, dont les auteurs de cette étude ont aussi retrouvé les œufs, visibles au microscope, et la signature génétique. Ces vers ont chez nous disparu sous l’effet d’une meilleure hygiène fécale, dont la latrine est du reste un élément, ainsi que par un large emploi de traitements vermifuges à faible coût.

Les éléments prélevés peuvent-ils nous aider à mieux comprendre les maladies d'aujourd'hui ?

On sait que le microbiome joue un rôle très important dans la digestion, la production de vitamines, la régulation du poids corporel, l’immunité, et bien d’autres fonctions qu’on commence à peine à soupçonner. Globalement, les citadins d’aujourd’hui ont un profil bactérien appauvri, en diversité, par rapport à celui des ruraux, notamment des pays du Sud, ou des peuples d’autrefois, tels qu’étudiés dans la publication. Une partie des pathologies chroniques qu’on observe actuellement, en particulier la diabésité (diabète et obésité), sont imputables à cette altération récente du microbiome, qu’elle soit due à l’usage d’antibiotiques ou à une alimentation fautive. On sait aussi que les parasites intestinaux entraînent une réponse immunitaire spécifique, relayée par une fraction des globules blancs du sang, nommés éosinophiles. Un certain nombre de médecins pensent que l’émergence actuelle d’allergies violentes comme l’asthme, est due à une désorientation de ce système, liée à la disparition, dans les pays développés, de ce parasitisme qui accompagnait l’humanité depuis toujours. De nombreuses équipes, y compris la nôtre au Musée de l’Homme, vont échantillonner les populations aux régimes alimentaires les plus divers, afin de définir le profil optimal des bactéries intestinales qui convient à notre espèce, et de proposer, via les probiotiques ou d’autres moyens, de repeupler l’intestin de nos contemporains avec les bactéries les plus utiles à leur santé.

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