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Survivre : la quête de l’espèce humaine face aux multiples menaces
©Marco BERTORELLO / AFP

Bonnes feuilles

Bryan Walsh publie "Le guide des fins du monde" chez FYP éditions, 2020. L'humanité est plus en danger qu'elle ne l'a été tout au long de son existence. Pandémies, biotechnologies, guerre nucléaire, dérèglement climatique, astéroïdes... Bryan Walsh propose un panorama complet des menaces qui pèsent sur l'espèce humaine. Extrait 2/2.

Bryan Walsh

Bryan Walsh

Journaliste d'investigation scientifique, Bryan Walsh a été rédacteur en chef du Time pendant plus de 20 ans. Il a livré des enquêtes à travers le monde sur des sujets environnementaux et sur les extinctions de masse. Aujourd'hui, il couvre les technologies émergentes et les grandes tendances pour Bloomberg, Newsweek et Axios. Bryan Walsh a également créé Ecocentric, un site d'information dédié à l'environnement qui a été primé à plusieurs reprises.

 

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Nous voulons tous sauver le monde. Dans presque tous les récits sur la fin du monde, au dernier moment, des héros désamorcent le compte à rebours nucléaire, inventent un vaccin pour arrêter une pandémie, triomphent d’une armée de machines malveillantes ou d’envahisseurs extraterrestres. C’est ce qui se passe aussi dans la réalité. Des héros comme Vasili Arkhipov ont pris des décisions difficiles qui ont permis d’éviter une catastrophe mondiale. À maintes reprises, nous avons simplement eu de la chance, mais chaque fois que le monde a frôlé l’apocalypse, celle-ci a été repoussée. Enfin, jusqu’à présent.

Durant la plus grande partie de notre existence, la survie de l’humanité a été une question de chance. Comme pour la majorité des espèces de notre planète, notre bonne fortune — notre « ombre anthropique » — fait que nous n’avons pas disparu. Aujourd’hui nous n’en sommes plus là. Désormais, la survie ou l’extinction de notre espèce dépend principalement de nos propres décisions : serons-nous à la hauteur de la tâche qui consiste à nous sauver, y compris de nous-mêmes ?

Cependant, même les plus avisés d’entre nous finiront par se tromper. Si l’on se projette dans le futur, tôt ou tard, une catastrophe mondiale, due à une guerre nucléaire, un supervolcan ou un virus, se produira. Mais la fin n’est pas toujours la fin de tout. D’un côté, il y a des menaces qui causeront l’extinction définitive de notre espèce et, de l’autre, une catastrophe qui laissera entrevoir une possibilité de survie. Or les enjeux du risque existentiel sont permanents. Si nous pouvons survivre et rebondir après une catastrophe, quelle qu’en soit la gravité, notre histoire se poursuivra et cette catastrophe deviendra une page historique, tout comme la super-éruption de Toba il y a des dizaines de milliers d’années.

L’énergie que nous parvenons à mobiliser sur le risque existentiel est surtout consacrée à la prévention de catastrophes, mais elle ne prépare pas aux terribles conséquences qui s’ensuivent. Personne ne souhaite contempler la dernière agonie de notre monde. Cependant, pour nous préparer au pire, nous avons besoin non seulement de prévention, mais aussi de résilience.

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Au cours des sept premiers jours qui suivirent l’élection de Donald Trump en 2016, 13 401 Américains se sont inscrits auprès des autorités de l’immigration en Nouvelle-Zélande. Mais ce n’est pas pour répondre à un ardent désir de voir les lieux du tournage de la trilogie du Seigneur des Anneaux. La Nouvelle-Zélande, accessible par avion privé, est devenue le refuge des super-riches et des ploutocrates qui peuvent s’y terrer en cas de catastrophe majeure. Pour l’élite survivaliste, la Nouvelle-Zélande représente ce que les îles Caïmans ont longtemps été pour leurs comptes bancaires. Des géants de la technologie, comme Peter Thiel, y ont acheté des terres dans le but de survivre à l’apocalypse. Thiel est même allé jusqu’à obtenir la nationalité néo-zélandaise après avoir passé seulement douze jours dans le pays.

L’explosion des « retraites discrètes » en Nouvelle-Zélande est la parfaite expression d’une époque où les riches revendiquent toujours plus de choses pour eux-mêmes, y compris récupérer tous les gilets de sauvetage.

Il n’y a pas que les ultra-riches qui ont des plans de survie pour échapper au pire. En 2017, deux tiers des Américains ont déclaré avoir constitué des stocks de fournitures pour survivre à une catastrophe naturelle. Plus de trois millions d’Américains se revendiquent survivalistes (doomsday preppers77) et se préparent activement à survivre à des catastrophes naturelles, mais aussi à des fléaux d’ordre mondial. Ils se retrouvent dans des organisations comme l’American Preppers Network, lisent des magazines tels que Recoil OffGrid, partagent des podcasts et des blogs ou se rendent dans des salons comme le Survival Expo ou le Self-Reliance Expo. On y trouve toutes sortes de conseils pour préparer l’apocalypse ou pour accéder, sans autorisation, à des sites sécurisés (une technique dite de talonnage, ou tailgating), et des idées de cadeaux pour la fête des mères ou de pères — par exemple le Rocket Stove, un excellent outil pour cuisiner et se chauffer en cas d’effondrement total du réseau électrique.

Une enquête du National Geographic Channel a révélé que 40 % des Américains pensent que la préparation d’un abri anti-atomique ou le stockage de fournitures est un meilleur investissement que le financement d’un plan d’épargne retraite. Si vous faites partie de ceux-là, il existe de nombreux services prêts à prendre votre argent. Vous pouvez acheter un bunker de luxe auprès de la société Vivos pour 20 000 à 50 000 dollars, y compris dans un ancien dépôt de munitions de l’armée dans le Dakota du Sud qui est considéré comme « la plus grande communauté de survie sur Terre ». Si vous préférez attendre l’apocalypse chez vous, Atlas Survival Shelters, qui vend des abris antiatomiques depuis la guerre froide, vous construira un habitat personnel adapté à une éventuelle apocalypse. La version en dôme de béton vous coûtera un demi-million de dollars et, s’il vous reste un peu de pécune, vous pourrez vous procurer le sac contenant un kit de survie complet pour deux personnes (le Prepster Ultra Advanced Fireproof Emergency Bag) pour de 4 995 dollars. Ce serait dommage de s’en priver et de se passer d’articles tels que les produits de toilette Malin+Goetz, le dentifrice Marvis ou les barres de chocolat Mast Brothers. Après tout, que serait la fin des temps sans confiseries !

Ces tendances expriment en réalité une profonde inquiétude et la plupart de nos craintes sont souvent justifiées. Mais nous préférerons nous livrer à des mesures de survie individualistes, plutôt que de retrousser nos manches et relever le défi collectif du risque existentiel. Chacun de nous peut mettre de côté des provisions pour faire face à une catastrophe, d’origine naturelle ou humaine, qui perturbe l’approvisionnement en eau et en nourriture pendant plusieurs jours. Une réserve de médicaments, un sac de voyage, des photocopies de documents importants, tout le monde devrait les avoir à portée de main. Toutefois, un plan de survie qui se concentre uniquement sur les individus et les familles ne suffira pas pour faire face à une catastrophe existentielle. Ce type de comportement correspond au principe individualiste de nos sociétés. Il est choquant, par exemple, de voir qu’un pays qui se prépare à l’apocalypse se soit montré peu disposé à aider ses concitoyens les plus vulnérables lors de catastrophes telles que l’ouragan de Porto Rico, en 2017, ou le Covid-19, en 2020, et soit incapable de traiter des menaces à plus long terme comme le dérèglement climatique.

Planifier les catastrophes majeures au niveau national fait partie de l’héritage des grands plans de défense civile de l’époque de la guerre froide. Entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1960, quelque 7 000 volontaires ont participé à la construction d’abris d’urgence, certains pouvant accueillir une famille, d’autres plus de 1 000 personnes. Ces essais ont conduit à l’élaboration de normes nationales pour les abris souterrains destinés à protéger d’un holocauste nucléaire. Mais les abris et les recommandations qui consistent à conserver une réserve de nourriture n’auraient pas été d’une grande utilité en cas d’holocauste nucléaire causé par le surarmement — ce que les Américains eux-mêmes ont fini par admettre.

Une fois que chacun, y compris les responsables chargés de la sécurité nationale les plus belliqueux, a fini par admettre que les survivants d’une guerre nucléaire ne peuvent qu’envier le sort des morts, tous les plans de défense civile ont été remis en question. Les opposants aux armes nucléaires pensaient que les actions de défense civile ne faisaient que souligner la folie du risque nucléaire — et ils avaient raison. Aujourd’hui, au lieu de se préparer en tant que société à une guerre nucléaire et à d’autres menaces existentielles, la plupart d’entre nous choisissent simplement d’ignorer le risque, tandis que les survivalistes et les preppers, une minorité d’individus cherchant tous les moyens pour survivre à une apocalypse, en sont obnubilés.

Il est faux de croire que les plans nationaux de survie et de défense civile sont inutiles, mais il est tout aussi fantaisiste de penser qu’un survivaliste pourrait affronter à lui seul une catastrophe existentielle, peu importe le niveau de sa préparation ou de sa fortune. Pour le théoricien Douglas Rushkoff, « être un humain n’est pas qu’une question de survie individuelle. C’est un sport d’équipe. Quel que soit l’avenir de l’humanité, il sera collectif. » Cela concerne aussi la survie de notre espèce.

A lire aussi : Oubliez astéroïdes et guerres nucléaires : au XXIe siècle, le principal danger pour l'humanité est les pandémies et maladies infectieuses

Extrait du livre de Bryan Walsh, "Le guide des fins du monde", publié chez FYP éditions, 2020

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