« L’alliance du thé au lait » : le mouvement du refus de l’expansionnisme chinois s’étend en Asie<!-- --> | Atlantico.fr
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Chine MilkTea
Chine MilkTea
©STR / AFP

MilkTea

Né sur Twitter, le slogan #milkteaalliance est utilisé par des internautes asiatiques pour tourner en dérision l’autoritarisme chinois.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : D'où vient ce mouvement lancé sur les réseaux sociaux sous le hashtag #MilkTeaAlliance, littéralement l’alliance du thé au lait ?

Emmanuel Lincot : Il vient des pays situés dans la périphérie de la Chine et plus particulièrement Taïwan et la Thaïlande. Le nom même est intéressant puisqu’il désigne une communauté d’appartenance qui est celle des consommateurs de thé au lait. En Asie, c’est une pratique commune aux peuples himalayens, Tibétains en particulier, et de culture bouddhiste. Cette pratique a ensuite été reprise par les Britanniques durant la colonisation de l’espace indien. « A tea with a cloud of milk » est devenu depuis une expression courante dans le monde anglophone. Le hashtag MilkTeaAlliance est donc un marqueur identitaire, une distinction à la fois politique, sociale et ethnique opposée à la Chine qui, elle, traditionnellement consomme du thé sans lait. C’est un phénomène panasiatique et viral, qui n’a pas de précédent. Il prend fait et cause contre l’autoritarisme en général et le nationalisme chinois plus particulièrement. MilkTeaAlliance a un nombre croissant d’adeptes inquiets de l’agressivité chinoise partout en Asie et dans la façon dont le régime de Pékin a géré la COVID-19.

Le sentiment anti-chinois est-il plus fort chez les jeunes, qui l'expriment ouvertement sur internet ?

C’est l’expression géographique d’une colère, et par le recours à la toile et aux réseaux sociaux se crée également une solidarité entre des jeunes dont les aspirations démocratiques sont fortes. Avec une singularité, c’est que ces aspirations émanent de sociétés civiles qui ne sont pas directement soutenues par le pouvoir régalien. Tsai Yin-wen, présidente de Taïwan, voit sans doute ce mouvement avec sympathie, mais sans lui apporter de soutien officiel. Et en Thaïlande, ce mouvement conteste sans ambages la monarchie. De grandes voix de la dissidence Hong Kongaise y adhèrent comme celle de Joshua Wong. J’y vois une solidarité citoyenne horizontale bravant l’autorité verticale des pouvoirs répressifs. Toutes sortes de sujets sont abordés : des exactions commises contre les Ouïgours aux différences vestimentaires entre jeunes taïwanais et ceux du continent. Ces derniers se voient confortés dans leur paranoïa d’autant que les Taïwanais peuvent communiquer dans une relation transnationale avec leurs contemporains thaïlandais via Twitter, ce qui est en revanche interdit en Chine. 

Une alliance transasiatique contre l'autoritarisme chinois, emmenée par la jeunesse, est-elle possible ?

C’est avant tout un style de vie décomplexé qui est défendu comme celui que promouvait Voice of America en diffusant dans le bloc soviétique le rock des Beatles et des Rolling Stones. Toutefois, Voice of America était un relais de la contre-propagande américaine pour déstabiliser les sociétés communistes. Rien à voir avec la MilkTeaAlliance même si l’on peut à terme imaginer des apparentements entre la stratégie américaine engagée dans la région contre la Chine et ce mouvement protéiforme et prodémocratique. L’élection américaine et la radicalisation des positions qui s’ensuivra le décidera.

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