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©KARIM JAAFAR / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Dov Zerah revient cette semaine sur l'influence et l'activisme du Qatar au Proche Orient.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Dans un Proche Orient en pleine ébullition, le Qatar rôle a un acteur important.

Le monde musulman a principalement deux mouvements, le sunnisme et le chiisme. Parallèlement aux quatre écoles de pensée du sunnisme (hanafite,malikite, chaféite, hanbalite), existe la confrérie des « Frères musulmans ».

Le schisme entre le sunnisme le chiisme repose sur une querelle d’héritage survenue à la mort de Mahomet. Les sunnites ont reconnu les trois premiers califes et leurs successeurs alors que les chiites n’ont considéré comme légitime que le quatrième calife, Ali, cousin du prophète ayant épousé sa fille Fatima, et ses héritiers. Pour les deux branches de l’Islam, Mahomet est le seul prophète, mais les chiites reconnaissent également les enseignements de Fatima et des douze Imams.

Les sunnites représentent 90 % des musulmans. Les chiites sont majoritaires à Bahreïn dont la famille régnante est sunnite, en Irak, et en Iran dont elle est la religion officielle. Au Liban et en Syrie, des minorités chiites coexistent avec une majorité sunnite. Le Qatar a une religion d’État, l’Islam d’obédience wahhabite ; ses habitants sont sunnites, tendance « Frères musulmans ».

Avec une superficie de11 586 km2, le Qatar est un petit émirat proche-oriental avec Doha pour capitale dont la superficie ne cesse de s’étendre sur le désert ; 95 % de la population se concentre sur 10 % du territoire et principalement à Doha et sa grande banlieue. Situé sur une petite péninsule s'avançant dans le golfe persique, ou arabique, et reliée à la péninsule arabique au sud, le Qatar a une frontière terrestre avec l'Arabie saoudite.

Malgré un climat aride et difficile, le Qatar a toujours connu une présence humaine et des traces vieilles de 50 000 ans ont été trouvées. La population de plus de 2 700 000 habitants est constituée de plus de deux tiers d’étrangers, nonobstant le refus des autorités de communiquer des statistiques. Les étrangers sont assujettis au statut de « la Kafala », officiellement abandonné ; ils n’ont presque aucun droit.

Après l’adoption, en 628, de la foi musulmane, les tribus arabes locales participent à la croisade contre l'Empire sassanide ; le Qatar a ensuite fait partie des différents empires arabes. Après une occupation portugaise de 1517 à 1538, le Qatar a été rattaché à l'Empire ottoman pendant près de quatre siècles. Les Britanniques ont pris ensuite le relais jusqu’en 1971.

Avant les hydrocarbures, la principale richesse du Qatar était la pèche et les huitres perlières grâce à ses 563 km de côtes. Le Qatar est le quatrième producteur de gaz naturel du monde, et surtout le premier exportateur de gaz naturel liquéfié. Le pays est aussi un moyen producteur de pétrole.

Depuis l’accession au pouvoir en 1995 de Hamad ben Khalifa Al THANI, le Qatar connait un développement économique exceptionnel. Comme aux EAU et à Bahreïn, le modèle économique qatari vise à diversifier l’économie grâce à la rente pétrolière. En 25 ans, le Qatar est devenu l'un des États les plus prospères du monde. Ont poussé comme des champignons gratte-ciel, centres commerciaux, hôtels, lotissements chics, villas luxueuses… Le pays s’est doté de nombreuses infrastructures : plus de 1 500 km de routes, plus de 500 km d'autoroutes, un aéroport international à Doha, des équipements sportifs... L’enseignement est gratuit au Qatar ; le pays a développé une université, des institutions, des musées…

Pour masquer ses faibles performances en matière de rejets de CO², il abrite chaque année des réunions et colloques sur l’environnement. La diversification de l’économie se décline avec la première bourse des matières énergétiques du Moyen-Orient, Energy City qui accueillera les bureaux des sociétés du secteur, ainsi qu’une myriade de services : laboratoires, banques, assurances, centres de formations…

Le Qatar s’est forgé, en quelques années, une image internationale avec la chaine internationale d’informations en continu, Al Jazeera, avec sa compagnie de transport aérien, Qatar Airways, mais également avec le sport. Le Qatar se distingue en ce domaine ; il a :

  • Gagné des médailles aux Jeux olympiques d’été, la Coupe de football des nations asiatiques en 2019
  • Organisé le tournoi annuel de tennis de Doha, le tour annuel cycliste du Qatar, les Jeux asiatiques de 2006, les championnats du monde masculin de hand ball en 2015, d'athlétisme 2019,.. ou obtenu l’organisation des Jeux olympiques d’été de 2020, le championnat du monde de football de 2022, attribution entachée de nombreux soupçons de corruption...
  • Investi le sport équestre et hippique en achetant des haras, en élevant des purs sangs, ou en sponsorisant des prix comme celui de l'Arc de Triomphe… ainsi que le football en achetant des clubs européens de première division…

Cet activisme qatari s’accompagne d’interventions en faveur des « Frères musulmans » :

  • En Egypte, il a soutenu le frère musulman Mohamed MORSI et condamné le coup d’État militaire orchestré par la Maréchal Abdel Fattah Al-SISSI
  • En Libye, il a pris, comme la Turquie, fait et cause pour le gouvernement de Tripoli, dominé par les Frères musulmans
  • Á Gaza, il finance, avec le soutien logistique d’Israël, les « Frères musulmans » du Hamas
  • En Syrie, le Qatar soutient de nombreuses factions rebelles au régime
  • Les autorités qataries ont refusé d'arrêter le président soudanais Omar el-Bechir, en visite officielle dans le pays, malgré un mandat d'arrêt émis à son encontre par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.

Plus généralement, les autorités qataries acceptent d’héberger des prédicateurs salafistes qui haranguent les foules de fidèles avec le discours du Djihad, de la guerre sainte contre les mécréants ; parallèlement, elles financent de par le monde, et plus particulièrement en Europe, des groupes et projets porteurs de l’islam radical et politique.

Pour s’affirmer, le Qatar s’est doté de moyens militaires. Il dispose d’une armée de près de 50 000 hommes dont la moitié de nationaux et l’autre de mercenaires. Elle dispose d’un important matériel sophistiqué et souhaite acquérir des F35. Dans le même temps, il a conclu un accord de défense et de coopération militaire avec la Turquie depuis 2014, la Russie depuis 2017. Quelle que soient les implications qataries dans de nombreuses activités terroristes, les Américains ont une base militaire américaine à Al-Udeid, siège du Commandement central de l'armée américaine pour la région arabe.

L’activisme qatari, le soutien aux mouvements populaires du Printemps arabe, notamment chez son voisin, le Bahreïn, a entrainé une réaction de l’Arabie saoudite et des EAU qui ont décrété un blocus du pays ; s’y sont joints l’Égypte, les Comores, l’Île Maurice, les Maldives, la Mauritanie. Tout comme l’Iran, l’activisme qatari fait peur et explique également le rapprochement de certains pays sunnites avec Israël.

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