Un virus qui sévit sur les plantes pourrait devenir un allié important dans la lutte contre le cancer<!-- --> | Atlantico.fr
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©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Quête d'un traitement

Une nouvelle forme de traitement contre les cellules cancéreuses est en phase de test. Que représente cette avancée pour la recherche contre le cancer ?

Alain Toledano

Alain Toledano

Le Dr Alain Toledano est cancérologue radiothérapeute au centre de radiothérapie Hartmann, Spécialiste du cancer et des modalités thérapeutiques modernes et Directeur chaire Santé Intégrative, Conservatoire National Arts & Métiers

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Atlantico.fr : Une nouvelle forme de traitement contre les cellules cancéreuses est en phase de test par des chercheurs américains, à base d’un virus qui touche certaines plantes le Cowpea mosaic virus (CPMV). Comment les chercheurs en sont arrivés à trouver un tel traitement et en quoi représente-t-il une avancée ?

Alain Toledano : On a besoin de nouveaux traitements et toutes les informations tombent à pic. Il est vrai qu’en ce moment, on est un peu accaparé par le virus du Covid et donc à chaque fois qu’on peut avoir une information positive avec un virus qui nous permettra de lutter contre le cancer, c’est quand même une information cruciale. Ce n’est pas nouveau qu’on essaye de moduler l’immunité du corps pour combattre un cancer. Parce que, ce qu’il se passe en cancérologie c’est que quand le cancer entre dans votre organisme, il devrait être reconnu comme étranger et le système immunitaire devrait le détruire. Mais il y a une espèce de verrou et le système immunitaire se met en repos par rapport au cancer et le laisse vivre et se développer. Toute la stratégie, depuis plus de 50 ans, a toujours été d’essayer de réactiver le système immunitaire contre le cancer. Donc on a eu pendant quelques temps, des médicaments qui n’étaient pas spécifiques, comme l’Interféron et d’autres médicaments qu’on connait bien depuis plusieurs dizaines d’années, qui étaient partiellement efficaces. Et aujourd’hui on a plusieurs types d’immunothérapies et c’est le sujet. Le cancer se comporte un peu comme un gaz soporifique qui calme l’immunité. On a des médicaments qui lèvent ce gaz, ce qui permet à l’immunité de réagir contre le cancer. Mais on a aussi d’autres formes de traitements immunitaires, comme les virus des plantes, les phytovirus, qu’on connait depuis plusieurs années, dont le CPMV. Ces virus on va faire en sorte qu’ils infectent les cellules cancéreuses pour qu’elles deviennent plus sensibles au système immunitaire. Cela s’appelle des virus oncolytiques. C’est une belle piste. On a effectivement testé chez l’animal et on sait que ce ne sont pas exactement les mêmes propriétés que chez l’homme. C’est intéressant pour l’étudier mais, par exemple, dans les cancers de la gorge chez l’animal, il y a un taux de rechute qui n’est pas celui de l’homme, donc il y a des mécanismes qui ne sont pas exactement les mêmes. Même si c’est encourageant, il va falloir travailler chez l’homme pour affiner l’utilisation de ce type de traitement.

Ce virus spécifique, est-il plus prometteur que d’autres préalablement testés ? Où en est-on dans cette voie ? Peut-on espérer voir une application dans un futur proche ?

Spécifiquement cette famille de virus, de phytovirus a des propriétés très intéressantes en immunothérapie parce qu’en fait il y a des virus dont vous pouvez désactiver le pouvoir pathogène, donc ils ne sont pas pathologiques, mais ils sont encapsulés et ils vont avoir à leur surface des protéines qui vont être reconnues, des signaux qui vont être faciles à manipuler. Donc en fait ce virus-là, c’est un premier de classe. C’est un acteur important de cette recherche-là, de virus oncolytiques. Donc il porte un concept mais il porte aussi techniquement du potentiel pour arriver à défricher cette voie là de traitement.

L’immunothérapie depuis quelques années va assez vite, parce qu’on a énormément de médicaments sur ces voies de signalisation. L’industrie s’est accaparée ces voies là et on a déjà d'excellents résultats. Maintenant, la manipulation des virus dans l’immunothérapie n’est pas en première ligne parce qu’il y a un peu plus de maîtrise, un peu plus de technique à avoir, et de recul. A moyen terme, on va pouvoir s’en emparer. Et ce virus-là, spécifiquement, dans les biotechnologies, la manipulation des biotechnologies du vivant, il est assez prometteur. Et comme beaucoup de particules qu’on appelle les nanoparticules, on commence à les intégrer dans des programmes de traitement. Il y a des nanoparticules qui permettent d'augmenter la sensibilité aux rayons, par des moyens physiques et là ce sont des nanoparticules virales qui vont augmenter la sensibilité aux rayons par des moyens biologiques. Donc on n’en est pas exactement là, mais on à le droit d’espérer car on maîtrise mieux les techniques pour arriver à les utiliser. Comme dans les dernières années on a eu beaucoup d’avancées en immunothérapie, autrefois sur un concept on aurait dit 10 ans, maintenant on dit 5. C’est intéressant. En plus, quand on commence à avoir des données chez l’animal, ce n’est plus trop un concept théorique, mais il faut quand même faire le travail chez l’humain, c’est normal. A partir du moment où vous avez les données d’efficacité chez l’animal, ensuite on cherche des sujets sains pour tester les toxicités et des sujets malades pour tester l’efficacité et donc il faut encadrer cela. Il y a une législation de la recherche. Il est important de respecter les phases. Nos patients à chaque fois qu’ils lisent quelque chose ils sont très contents car cela apporte de l’espoir. Donc il faut bien expliquer que nos patients ne sont pas des petits animaux. Avant qu’ils bénéficient de toutes ces idées importantes et de leur mise en application, il faut faire des tests très précautionneux pour éviter d’avoir des toxicités et obtenir de l’efficacité à la fois chez l’homme et chez l’animal. On est à la fois porteur d’espoir, mais il faut donner la mesure de tout ce qui est important pour le valider.

Peut-on espérer voir apparaître des tests sur l’homme prochainement ?

C’est certain. Lorsque l’on a ce niveau de résultats chez l’animal, et en plus on commence à maîtriser les technologies de l’immuno-modulation, et bien on va passer en application, puisqu’il y a énormément de laboratoires qui travaillent sur l’immunologie et le cancer. Ce n’est pas une voie d’avenir, c’est une voie du présent. Il y a des milliers de laboratoires dans le monde qui travaillent sur ces thématiques. Donc les virus oncolytiques qu’on maîtrise ça fait partie comme d’autres traitements d’immuno-modulation, des pistes très sérieuses. On a entendu défrayer la chronique à propos de cellules de l’immunité qu’on allait fabriquer en laboratoire, les Car-T cells, qui sont déjà actives aux Etats-Unis à des prix démesurés, mais qui sont porteuses d’espoir. Donc on voit que cela fait partie des quatre ou cinq grandes voies de recherche en immunologie et cancer. Les millions de Français, et les centaines de millions de gens dans le monde qui se soucient des traitements du cancer, dès qu’ils entendent les concepts de l’immunité qui sont applicables, cela apporte de l’espoir. Ils sont très friands de cela et ils ont raison. La recherche commence par une bonne idée qui est mise en application. On a quand même plusieurs phases qui ont été franchies. On ne crie pas victoire trop tôt pour ne pas créer de déconvenues mais ça fait partie du chemin que prennent les nouvelles pistes.

Le Dr Alain Toledano est cancérologue radiothérapeute au centre de radiothérapie Hartmann et Spécialiste du cancer et des modalités thérapeutiques modernes.

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