Covid-19 : là où on en fait (encore) trop, là où on en fait (toujours pas) assez<!-- --> | Atlantico.fr
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coronavirus covid-19 France
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©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Lutte contre le coronavirus

Alors que le gouvernement est mobilisé dans la lutte contre la Covid-19 et pour la survie de l'économie, le Dr Guy-André Pelouze dresse un bilan de la situation sur le coronavirus à travers l'Hexagone.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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C’est une pandémie et les scientifiques ne l’ont jamais sous estimée; le 23 Janvier 2020, A. Fauci écrivait dans le JAMA: “Bien que la trajectoire de cette épidémie soit impossible à prédire, une réponse efficace nécessite une action rapide du point de vue des stratégies classiques de santé publique jusqu'à l'élaboration et la mise en œuvre en temps opportun de contre-mesures efficaces. L'émergence d'une nouvelle maladie humaine épidémique causée par un agent pathogène d'une famille virale autrefois considérée comme relativement bénigne souligne le défi perpétuel des maladies infectieuses émergentes et l'importance d'une préparation soutenue.”

Nous sommes en train de la vivre et chaque pays se bat pour sa survie, celle de ses citoyens et celle de son économie. Comme dans toutes les pandémies le conspirationnisme prospère dans les esprits apeurés. Les gouvernements régaliens tiennent le cap. Ceux qui ont failli trouvent là un allié car il leur faut à tout prix effacer les traces de leur incompétence ou de leurs mauvais choix. Je veux parler des pays où il n’y a plus de gouvernement régalien mais simplement une agence sociale de redistribution doublée d’une agence fiscale de prélèvements obligatoires. Je veux aussi parler des gouvernements où la sous estimation s’est agrégée en une attitude politique au motif qu’il fallait à tout prix maintenir l’économie. Tous ceux là ont fait comme si rien n’était arrivé à Wuhan, et prêché le laisser faire. Ils savaient pourquoi. Ils n’avaient ni plan, ni moyens élémentaires, ni vision pour s’opposer à la propagation du virus et ensuite à sa transmission dans le pays. Ils ont pratiqué la cavalerie politique où un nouveau mensonge sert à cacher un précédent. Cette fois les résultats ne seront pas, comme souvent en politique, pour les suivants, les politiques vont devoir assumer ce qui n’a pas marché. Dans ce contexte les résultats des organisations sanitaires sont gratuitement à la disposition de tout habitant de la terre. Les différences de mortalité par million d’habitants dans les pays libres sont considérables et ne peuvent être expliquées par des différences de métrologie. C’est bien l’organisation sanitaire et les mesures qui sont au centre de la causalité. C’est bien le timing des décisions ou le délai dans le déni qui ont fait la différence. On pouvait en douter en Juin mais plus aujourd’hui. La France, pays qui a une dépense publique extravagante aurait dû se trouver aux premières places de cette organisation sanitaire; non pas en intentions mais en résultats. Hélas ce fut le contraire. Et rien ne prouve qu’aujourd’hui nous puissions mieux répondre à une nouvelle pandémie.

Il y a les bonnes nouvelles

La recherche scientifique fonce à un train jamais vu dans une maladie nouvelle. Toutes les équipes dans le monde cherchent à améliorer les traitements et à apporter des solutions thérapeutiques nouvelles. Petit à petit les gouvernements des pays les plus en retard mettent en place des organisations sanitaires.

Les mesures de protection personnelle marchent, pour la Covid mais aussi la grippe

Comme souvent les réactions binaires sans preuve sur le masque, l’éloignement interpersonnel ou bien l’hygiène sont de peu d’intérêt. Faire des expériences est plus utile. Le 13 Août dans Nature cette question a été traitée en détail. Après les preuves de l’efficacité du masque dans les espaces clos, ces auteurs insistent sur la protection des plus fragiles. En particulier quand la ressource vient à manquer. Ainsi le port généralisé du masque est efficace et celui des seules personnes âgées quasiment aussi protecteur (Figure N°1). C’est pourquoi il faut privilégier l'observance maximale au besoin par l’obligation quand elle est la plus efficace. Nous avons déjà dit que l’extension du port du masque en extérieur tout le temps était plus un accès d’autorité des maires qu’une mesure qui allait épargner des vies. Dans notre pays le respect des mesures de protection personnelle dans les espaces clos laisse beaucoup à désirer. Centres commerciaux, administrations et d’autres lieux clos ne sont pas au niveau d’organisation nécessaire. C’est là que les autorités doivent agir pas dans les rues. Le gouvernement fait état d’une amélioration du port du masque sans donner beaucoup de détails (Augmentation de l’utilisation du masque : + 7 points en 4 semaines (61,2 à 68,6%)) qui est en fait un aveu de faiblesse car nous sommes loin de l’observance efficace qui est à plus de 80%. Dans ce contexte il faut cibler l'exigence, renforcer la contrainte là où elle est fondée et la relâcher en extérieur quitte à préciser des recommandations pour les jours de grande affluence qui sont connus.

Figure N°1: Chaque graphique représente l'efficacité du masque en termes de protection relative et de confinement. Les niveaux de confinement a-c de 25%, d-f de 50%, g-i de 75% sont indiqués avec des niveaux de protection variables; c représente le masque le moins efficace et g le masque le plus efficace. Les masques sont fournis sans savoir (distribution aléatoire dans la population) (rose), priorisés aux personnes âgées (jaune), conservés pour les cas détectés (rouge) ou équilibrés à différents niveaux entre les individus en bonne santé, en donnant la priorité aux personnes âgées et les cas détectés (en bleu). Les points d'inflexion se produisent au point où les fournitures sont épuisées, et l'épidémie se poursuit sans qu'aucune nouvelle personne n'adopte des masques. Ici, 30% des infections sont supposées ne pas être détectées. Voir «Méthodes» pour plus de détails. Article d’accès non payant.

Quand on prend des mesures pour casser la transmission elles sont efficaces contre toutes les maladies infectieuses transmissibles par voie aérienne. C’est ce que détermine (Figure N°2) ce travail d’auteurs japonais. La grippe en 2019-2020 a été impactée par les mesures de protection personnelle. Les asiatiques avaient déjà établi ce constat lors des épidémies meurtrières passées. Il serait souhaitable mais rien n’est moins sûr, qu’à l’avenir les patients symptomatiques d’un syndrome grippal portent un masque dans les espaces clos et en particulier dans la salle d’attente de leur médecin s’ils s’y rendent. Pour cela nous médecins avons un rôle important d’éducation et de signalement.

Figure N°2: Les auteurs japonais ont rapporté la corrélation entre les cas de grippe (pas les décès) et les évènements de lutte contre la transmission de la Covid-19. Au Japon, l’épidémie de grippe semble avoir été entravée par les mesures anti- transmission.

Le traitement de base, Standard Of Care (SOC) guérit de plus en plus de patients

Les cliniciens (réanimateurs, infectiologues et spécialistes d’organe) ont extraordinairement avancé. La mortalité en réanimation a été divisée par deux. C’est inédit dans une pathologie inconnue il y a peu. Les cyniques qui ont raillé le doliprane (qui soit dit en passant n’a rien à voir avec le SOC) en sont pour leurs frais. De l’assistance respiratoire aux médicaments dont l’efficacité est prouvée, c’est à dire dans des essais cliniques randomisés, nos pratiques évoluent chaque jour, et les résultats aussi. En résumé, l’oxygène, l’héparine, la dexaméthasone, le remdésivir et quelques autres médicaments actuellement en cours d’essai sont utilisés pour les patients graves, en plus des techniques non spécifiques comme l’antibiothérapie des surinfections, les amines dans le choc septique, l’épuration extra-rénale, la circulation extracorporelle. Pour avoir une idée, nous sommes passés chez les patients ventilés d’une mortalité de 60-80% à 30-40%.

L’immunité est mieux connue, la vaccination proche

L’immunité acquise est durable, chez l’immense majorité des patients une immunité cellulaire (lymphocytes T mémoire) se développe et dure au delà de la chute du taux d’anticorps. La réinfection est donc une exception même si elle a été sur représentée récemment. Les vaccins avancent en suivant les phases habituelles d’évaluation dans un contexte où les équipes travaillent à fond et où les volontaires semblent très nombreux à vouloir participer. L’agenda est tenable pour le début 2021, les immuno-fragiles seront alors ceux qui seront vaccinés en premier. Cette campagne de vaccination des patients immuno-fragiles va une fois de plus mettre en exergue la non utilisation des données de soins dans notre pays, ce qui coûte des vies. Il est urgent que ces patients soient tous identifiés dans la base de données de la sécu et que l’information soit clairement envoyée à ces patients. Ils sont plusieurs millions.

Et les moins bonnes nouvelles

L'été 2020 se solde par une accélération de la transmission

C’est un fait (Figure N°3) il y a une progression exponentielle de la transmission du SARS-COV-2. Non ce n’est pas parce qu’on teste plus. Non ce n’est pas parce qu’on détecte des asymptomatiques. Ces arguments sont le leitmotiv de ceux qui croient encore que c’est une grippe et que “Alors, tout ça, c'est impossible. Il ne peut pas y avoir de seconde vague parce que c'est une maladie virale classique en cloche. Je l’ai vu sur YouTube…”. Ce sont des résurgences. C’est exponentiel comme toute transmission non entravée dès lors que certains seuils sont dépassés. Cette résurgence est plus importante que les précédentes depuis la fin de la phase sporadique parce que les facteurs d’accélération se sont cumulés dans le temps et dans l’espace:

-abandon des mesures de protection personnelle

-beaucoup de tests mais peu de traçage et peu d’isolement

-rassemblements y compris en intérieur

-mobilité et migration concentrées dans l’hexagone (l’augmentation exponentielle des cas positifs au retour confirment que la mobilité est un immense brassage transmissionnel mais à condition d’être précédée d’une période suffisamment longue où la protection personnelle est abandonnée)

-absence de contrôle des frontières.

Dans un premier temps ce sont les personnes mobiles, prenant des risques qui sont touchées et ensuite ce sera d’autres personnes en raison de la transmission dans les foyers familiaux où l’isolement n’est pas pratiqué et dans d’autres lieux clos. Il y aura beaucoup moins de décès mais en revanche on peut estimer que 20% de ceux qui vont être malades auront des manifestations au delà de 7 jours. Une minorité sera hospitalisée et très peu auront besoin d’être admis en réanimation. Ces prévisions sont faites sur la base de l’âge et des facteurs de morbidité de la population qui se contamine actuellement. Personne ne sait quelle sera la suite dans les populations à risque mais il semble inévitable qu’un débordement de l’infection se fasse en particulier dans les EHPAD. Enfin il faut rappeler que si avant 65 ans la mortalité s’effondre il n’en est pas de même de la morbidité. Arrêts de travail, Long Covid (cf infra) et séquelles sont le lot de patients “jeunes”. Il est particulièrement hasardeux de laisser faire la transmission. L’immunité grégaire est une option rationnelle pour les maladies virales bénignes. La Covid-19 n’en est pas une. C’est pourquoi la santé des populations et la santé de l’économie sont intimement liées. La bonne marche de la machine économique nécessite la maîtrise de la transmission jusqu’à la vaccination ou la découverte d’antiviraux efficaces en ambulatoire.

Figure N°3: Les nouveaux cas détectés sont principalement des Français qui décident de se faire tester. Dans les foyers très actifs le taux de positivité des tests est supérieur à 8%. La dynamique de la transmission est manifestement en pleine accélération ce qui signifie qu’il y aura et qu’il y a déjà plus de personnes symptomatiques, plus de personnes nécessitant une hospitalisation et plus de personnes en réanimation.

Les enfants transmettent, tous

Les enfants ont la même charge virale que les adultes. Après 10 ans, les enfants transmettent autant que les adultes. Avant 10 ans la transmission est diminuée de 15% environ. Mais les jeunes enfants ont beaucoup plus d’interactions humaines qu’un adulte surtout à l'école et maîtrisent moins leur comportement, c'est la même chose pour les enfants plus âgés. La somme de ces déterminants pourrait être qu'ils transmettent plus à la maison et à l'école! Même s'ils n'éternuent pas… Ceci a été établi par des études minutieuses en particulier en Corée.

Taux de coronavirus parmi les contacts familiaux et non familiaux, Corée du Sud, 20 janvier-27 mars 2020

Tableau N°1: Taux de coronavirus parmi les contacts familiaux et non familiaux, Corée du Sud, 20 janvier-27 mars 2020, Les familles sont un foyer de transmission 5 fois plus puissant en moyenne. L’absence d’isolement des adultes positifs (pas en Corée mais chez nous par exemple), les enfants comme vecteurs clandestins, la vie à l'intérieur avec des fenêtres fermées (nous sommes fin janvier 2020 au début de l’étude, mais c’est ce qui va se produire avec l’arrivée de l’automne), tous ces facteurs expliquent ces résultats.

Précédemment Christian Drosten avait montré que les enfants avaient la même charge virale que les adultes. Dans ces conditions les conditions de la transmission dans les écoles et autres établissements scolaires sont clairement favorables à une accélération de l’épidémie. Il faut donc faire un compromis et isoler très vite tous les foyers afin que l’enseignement reprenne mais que le risque soit diminué au maximum. Car comme pour d’autres situations les enfants transmettent mais les malades seront leurs enseignants ou leurs ainés (Tableau N°1).

Les écoles, les lycées et collèges, les universités sont à très haut risque

Dans les établissements la transmission est contrôlable mais demande une organisation minutieuse et stricte. Un certain nombre  d’activités et de services ne peuvent être maintenus sans annihiler les efforts effectués au cours des heures de classe. La première des précautions est bien sur la détection des personnes malades par exemple avec la prise systématique de la température soit directement soit à distance par caméra ce qui est sûr et plus rapide. Ensuite tant que cela est possible il faut insister sur la ventilation des locaux en ouvrant les fenêtres et en laissant les salles bien ventilées lorsqu’elles sont vides. Dans le cas où les ouvrants ne permettent pas une large ouverture il faut laisser ces ouvrants ouverts en permanence. L’éloignement interpersonnel doit être respecté et cela nécessite des ajustements d’horaires et d’emploi du temps qui sont difficiles. Les réunions physiques doivent être supprimées. Des rassemblements de pré-rentrée semblent avoir lieu encore mais ils devraient être supprimés. Cela a été répété il faut s’installer dans la durée et dans un fonctionnement hybride où les cours sur place sont remplacés chaque fois que nécessaire par l’enseignement à distance. Ce n’est pas une option c’est une organisation indispensable pour toute cette année scolaire. Ce qui est assez incompréhensible c’est qu’avec autant de temps pour se préparer (calculez) les syndicats enseignants n'aient rien trouvé de mieux que d'appeler au report de la rentrée et que les associations de parents soient aussi peu innovantes dans leurs propositions. C’est une forme d’irresponsabilité. Il reste donc aux directeurs d'établissement à prendre leur responsabilité en particulier pour fermer des classes si nécessaire mais aussi pour les rouvrir au plus tôt. Un certain nombre de ressources numériques d’enseignement sont disponibles c’est un fait il faut ensuite les utiliser. Le concours de la médecine scolaire est indispensable dans cette période. Comment s’organise-t-il?

Le coeur serait, dans certains cas atteint, par le virus au niveau de sa machinerie contractile

La Covid-19 provoque un dysfonctionnement cardiaque chez les patients symptomatiques (jusqu'à 50%), mais la pathogénie demeure obscure. L'infection des cardiomyocytes humains (les cellules musculaires du coeur) par le SRAS-CoV-2 s'est révélée à la source de dommages morphologiques. À côté de la myocardite rencontrée dans d’autres virose on observe un modèle distinct de fragmentation du sarcomère, avec clivage des filaments épais et l’absence d’ADN nucléaire chez de nombreux cardiomyocytes. Ces lésions peuvent expliquer la détérioration des performances cardiovasculaires chez certains sportifs.

Les diabétiques sont aussi victimes d’une attaque directe du virus au niveau des cellules qui produisent l’insuline

Contrairement à ce qui a été avancé un peu vite, les obèses, les diabétiques type 2 ne sont pas uniquement victimes de leurs habitudes de vie. Cette déduction qui a parfois été accompagnée de remarques cyniques comme celle concernant les personnes âgées, est une interprétation rapide des statistiques descriptives des cohortes à propos des facteurs de risque. Ce qui a intrigué les cliniciens ce sont des signes cliniques et biologiques qui laissaient à penser que le virus attaquait les cellules productrices de l’insuline dans le pancréas. D’autres perturbations liées à l’inflammation pourraient aussi contribuer à déclencher ou à aggraver un diabète. Le diabète type 2 est un facteur de risque de la Covid, d’ailleurs pas le plus fréquemment rencontré c’est l’hypertension, mais le SARS-CoV-2 attaque les cellules productrices d’insuline et disrupte l’utilisation périphérique et même hépatique du glucose.

Chaque diminution des mesures anti-transmission et chaque augmentation de la mobilité entraîne une dégradation sanitaire et grippe la reprise économique

C’est assez simple à comprendre. C’est une maladie et il n’y a pas d’un côté des jeunes “warriors” qui traversent la pandémie en chantant et des vieux qui meurent parce qu’ils devaient mourir. Il y a des jeunes qui sont malades 8 jours ou plusieurs semaines, il y a des quadras qui ont du mal pendant la convalescence de ce qu’ils croyaient être une grippe, il y a des oenologues qui ont perdu le goût depuis plus de trois mois, il y a des salariés de 60 ans qui eux sont en arrêt maladie pour des difficultés respiratoires persistantes, bref une échelle de gris. Comme on pouvait s’y attendre dès que l’on a compris les mécanismes de la maladie. Le retour de vacances dans les administrations et dans les entreprises s’annonce avec toutes ces nuances de gris. Nous n’avons pas du tout intérêt à transmettre. Car des administrations, des écoles fermeront, des entreprises auront des difficultés pour fonctionner (de multiples exemples l’ont déjà démontré). En attendant la vaccination, laisser la transmission se faire sans protection c’est provoquer une activité économique chaotique et un prix élevé en terme de mortalité. Nos concurrents peuvent se réjouir de notre désorganisation mais nous, nous la paierons en points de PIB. L'économie reste sur les rails lorsque vous maîtrisez le virus. C'est la leçon que nous pouvons tirer de l'analyse comparative des politiques nationales dans le monde. C'est un enseignement gratuit pour tous ceux qui savent lire les nombres.

Faire en sorte que la protection personnelle soit effective partout où à l'intérieur il a des rassemblements

En premier lieu dans les centres commerciaux. J’observe chaque fois que je me déplace les conditions de transmission. Nous sommes loin d’être observants en particulier me semble-t-il dans les centres commerciaux où il y a à la fois beaucoup de personnes, qui se côtoient de très près, qui n’ont pas à 100% des masques et/ou qui ne les portent pas correctement.  De surcroît il n’y a pas toujours de stand de nettoyage des mains à l’entrée dans les magasins ni de nettoyage des chariots. Cela fait vraiment beaucoup. Les petits commerçants font souvent beaucoup mieux que les grandes surfaces. Il n’est pas rationnel qu’un restaurateur respecte un quota de clients par surface disponible et qu’une grande surface s’en dispense. L’état régalien doit faire en sorte qu’il n’y ait pas de si grosses failles dans le dispositif anti-transmission.

L’action la plus efficace est l’isolement pas le test “pour savoir”

Nous testons enfin mais nous traçons peu et nous isolons encore moins. Il ne s’agit pas de contraindre mais d’accompagner intelligemment avec des incentives. Les brigades semblent ne pas fonctionner. En effet aucun suivi n'est disponible pour connaître: le taux de contacts tracés pour chaque cas positif et le taux d’isolement organisé et vérifié pour toute personne ayant un test rt PCR positif et remboursé. En l’absence de ces informations les articles qui paraissent sur le sujet ressemblent à des reportages d’amateurs sur le Tour de France. Dans ce contexte la réduction de la période d’isolement est scientifiquement possible mais son agenda est contre productif sauf dans les pays où cet isolement est effectué à 100%  et où il est contrôlé. Chez nous c’est vraiment le genre de débat surréaliste qui distrait de l’objectif à atteindre. Mais depuis le début de cette pandémie nous y sommes malheureusement habitués. Le message d’un ministre doit être avant tout de souligner que nous n’isolons pas de manière suffisante et correcte les cas positifs avant de parler de raccourcir la période de quarantaine. S’isoler ce n’est pas se mettre en arrêt de travail. Mais voilà les indicateurs sur le nombre de test pratiqués sont à peu près fiables mais aucune statistique n’est communiquée sur le suivi. Parce qu’il n’y en a pas. Comme il n’y a aucun reporting sur l’action des “brigades”. Dans ce domaine de l’isolement en quarantaine c’est le flou le plus total depuis le début. Deux raisons principales, la positivité n’est pas adressée aux brigades ce qui laisse l’isolement à l’initiative de la personne testée. Ceci est très grave, ce d’autant que pour les tests à l’entrée du territoire c’est le même laxisme; rien n’est imposé aux personnes qui arrivent en France ni avant le résultat ni après. C’est tellement le flou que bien sûr chacun a sa solution basée sur aucune expérience étrangère mais ce n’est pas grave on est les meilleurs en quelque sorte. Exemples:

 -«Il vaut mieux huit jours bien respectés que 14 jours mal respectés», bien sur que non rien ne l’atteste au contraire. Dans un pays où on ne fait pas respecter les deux semaines on ne fera pas plus respecter la moitié.

-«on a du mal à savoir si les Français respectent», «on contrôle peu», c’est exactement cela ce que l’on ne mesure pas est en général très très loin de l’objectif. Le sport nous apprend cela tous les jours mais les politiques n’en tiennent pas compte.

-«la mesure serait mieux acceptée socialement», nous y voilà le mot magique, l’acceptation sociale. La plupart du temps c’est l’argument qui précède ou masque le renoncement. En réalité le problème est économique. Et pas seulement pour les plus précaires. Pour tous. C’est la raison pour laquelle certains ne divulguent pas le résultat positif du test. Ils ne veulent pas perdre de l’argent en étant contraint à un arrêt de travail de deux semaines. Il est très paradoxal qu’on chipote sur le paiement intégral du salaire pendant l’isolement alors qu’on laisse des gens en arrêt de travail pendant des semaines sans contrôle comme le démontre la croissance inexpliquée des indemnités journalières en France. Encore une fois n’oublions pas les solutions de télétravail quand c’est possible et surtout le rôle de la médecine du travail qui devrait être aux avant postes de cette organisation pour les salariés. Ces dispositions de paiement du salaire intégral doivent bien sûr s’appliquer à un parent lorsque la quarantaine concerne un enfant.

-«Il faudrait d'abord trier les bonnes et les mauvaises quatorzaines, car aujourd'hui 90% sont inutiles» . On ne sait pas ou on ne veut pas faire les choses simples mais voilà que certains veulent inventer une raquette à trous de dimension variable. C’est typiquement choisir de faire compliqué pour échouer encore plus. La quarantaine et demain l’isolement d’une semaine doivent être imposés et contrôlés pour tous les porteurs du virus, avec la logistique nécessaire.

À ce stade de la pandémie et même si on peut raisonnablement douter des statistiques de mortalité chinoises il est important de comprendre ce qui sépare les pays asiatiques et l’Europe du Sud en matière de quarantaine. Ce n’est pas la liberté car nous sommes dans des temps exceptionnels c’est autre chose: une détermination farouche d’un côté et des valses hésitations de l’autre. Et pour se rendre compte rien de mieux que de lire l’expérience d’un Français qui a été deux fois à l’épreuve de la quarantaine en Chine, c’est passionant.

Le contrôle des frontières doit être efficace 

Il n’est jamais trop tard pour changer, et dans ce domaine c’est crucial. La pandémie n’est pas terminée et les flux aux frontières sont un facteur important de la circulation du virus en France. Tous les autres pays le font, cela devrait nous inciter à abandonner cette politique laxiste aux frontières du pays. Je rappelle qu’il faut être en état d’urgence sanitaire et non seulement en zone rouge pour qu’un test virologique soit imposé aux personnes qui voyagent en avion en provenance ou à destination des collectivités ou des pays où le virus est très endémique. En sachant que les modalités cruciales d’isolement en attente des résultats ne sont pas claires. Enfin les consignes à destination ou en provenance de pays où l’activité du SARS-CoV-2 est importante sont extrêmement diverses et incohérentes faisant courir le risque d’entrée sur le territoire de personnes Covid-19 positives. La passion de la technocratie française pour les attestations est totalement inefficace comme pendant le confinement et l’isolement recommandé sans contrôle est un signe de laxisme insupportable quand on impose le masque dans les rues sous peine d’amende.

Le long Covid est une préoccupation médicale

Fiona Godlee l’éditrice en chef du British Medical Journal a très bien décrit ce qui apparaît maintenant dans les consultations médicales. La phase sporadique est terminée, la submersion des services médicaux aussi, laissant place à un travail médical classique de consultation, d’évaluation et de recherche concernant tous les patients qui ont eu la Covid et ont survécu. Or certains de ces patients ont des symptômes persistants.

« Alors que la plupart des gens se remettent rapidement et complètement du virus, les histoires de symptômes persistants et troublants sont maintenant passées de l'anecdote aux preuves de cohortes provenant de la population. Les rapports suggèrent qu'une personne sur trois n’est pas complètement rétablie plusieurs semaines après la maladie initiale. Une proportion plus petite mais toujours importante présente des symptômes et des difficultés qui persistent pendant des mois. Ce ne sont pas des personnes qui ont été gravement malades à l'hôpital, dont le difficile parcours de guérison est mieux compris. Ce sont souvent des personnes en bonne forme physique, des personnes plus jeunes qui signalent une intolérance persistante à l'effort, un essoufflement et une toux, de l'anxiété, des palpitations et une mauvaise concentration. Paul Garner décrit cette évolution en dents de scie - l'illusion de la récupération pour retomber dans l'épuisement mental et physique. Ces fausses aubes s'ajoutent au fardeau des «patients symptomatiques longtemps», dit-il, ce qui pour lui comprend une fatigue intense, des sautes d'humeur, des douleurs musculaires et articulaires, des maux de tête et un brouillard cérébral. »

Le principal problème est que ces symptômes sont suffisamment gênants pour entraver dans certains cas la reprise du travail. Des questions se posent car nous ne savons pas traiter ces Long Covid et d’autres part il y a un retard de prise en charge en raison de l’incrédulité d’une partie du corps médical notamment ceux qui considèrent toujours qu’il s’agit d’une grippe voire d’un rhume.

Cette pandémie va être vaincue mais nous ne sommes pas du tout à la fin des épreuves. Il faut persévérer dans la rigueur. Nous avons peu de moyens thérapeutiques. Il faut donc les utiliser à fond. La Covid-19 est une maladie virale systémique débutant dans les voies respiratoires. Sa transmission interhumaine est essentiellement aérienne. L’entrée du virus mais aussi ses attaques sont sélectivement permises par les récepteurs ACE 2 qui sont abondants chez l’être humain. Ainsi ces attaques spécifiques sur le métabolisme cellulaire sont multiples comme la perturbation de la machinerie contractile des cellules cardiaques ou d'autres interférences spécifiques dans le cerveau, le tube digestif ou le système immunitaire. C’est pourquoi il existe, encore aujourd’hui, une grande incertitude que nous devons admettre et réduire par la médecine expérimentale la plus sophistiquée. Les pandémies ont été dans le passé des périodes troubles où le conspirationnisme a tué des innocents. Aujourd’hui c’est différent même si ses adeptes sont bruyants et violents. En revanche il est tragique de voir que parfois le cynisme et le renoncement s’installent. Ces deux comportements mènent à la double peine: une mortalité élevée et une économie chaotique.

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