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Le divorce entre les élites et la réalité, premier des séparatismes ?
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Gouffre

Plusieurs études montrent que les Français ne croient plus aux discours sur la République ou la laïcité, car ils observent des élites qui par bien des aspects parlent et agissent comme si le réel n’existait pas vraiment.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Michel Maffesoli

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli est membre de l’Institut universitaire de France, Professeur Émérite à la Sorbonne. Il a  publié en janvier 2023 deux livres intitulés "Le temps des peurs" et "Logique de l'assentiment" (Editions du Cerf). Il est également l'auteur de livres encore "Écosophie" (Ed du Cerf, 2017), "Êtres postmoderne" ( Ed du Cerf 2018), "La nostalgie du sacré" ( Ed du Cerf, 2020).

 

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Comme le montrent plusieurs sondages faits par Atlantico depuis 2015, les Français ne croient plus aux discours sur la République ou la laïcité. Pas parce qu’ils n’adhèrent pas à ses valeurs mais parce qu’ils ne peuvent que constater le gouffre entre la théorie et la réalité. Et qu’ils sont confrontés à des élites qui par bien des aspects parlent et agissent comme si ce réel n’existait pas vraiment. 

Ils le prennent en compte dans leurs mots mais pour mieux l’anesthésier. Quand Emmanuel Macron dit que la République ne tolérera pas la violence contre ses élus ou ses forces de l’ordre, il admet l’existence de cette violence. Mais se contente d’une fausse martialité dans le ton pour mieux éviter d’aller au bout de la réflexion...

Car la question n’est pas que le président de la République ait à rappeler des évidences (respecter les élus et la police) comme il l’a fait dans son discours au Panthéon ce vendredi contre les séparatismes, l’enjeu de fond est celui de la responsabilité d’un certain nombre de magistrats idéologisés qui entretiennent une culture de l’excuse toxique. 

L’enjeu est aussi celui des moyens de la police qui souffre cruellement d’un déficit de formation de ses agents et d’un encadrement qui n’est plus à la hauteur. C’est ce que montre d’ailleurs le livre de Valentin Gendrot, ce journaliste infiltré dans les rangs de la police nationale pendant 18 mois. Sauf que ces moyens n’existeront pas aussi longtemps que l’État ne s’attaquera pas au problème du nombre de ceux de ses fonctionnaires qui ne sont plus dans la productivité. Les débats idéologiques sur le poids global de la fonction publique n’ont du reste pas de sens aussi longtemps qu’on ne l’aborde pas de manière fine afin d’apprécier les secteurs démunis des services surstaffés alors que leurs missions ne le justifient pas ou plus.

Les élites du capitalisme mondialisé allié à la technostructure française ont laissé se créer un monde qui leur convient encore mais qui laisse les autres sur le bas côté Comme le mouvement des gilets jaunes la abondamment démontré, quels qu’aient finis par être ses travers dans la durée. Et les néo-identitaires progressistes sont souvent les alliés objectifs et/ou les idiots utiles de ce monde deterritorialisé. 

Atlantico : Les discours et même la loi à venir sur les séparatismes sont-ils à la hauteur du défi ?  Car la réalité, ce sont par exemple 19% de Français qui croient à des hypothèses complotistes sur les attentats de Charlie Hebdo et de l’HyperCacher. Ils existent, on les a laissé exister. Est-il trop tard pour se contenter de faire la grosse voix de temps à autre sans se poser la question plus vaste des racines de la crise de défiance que nous traversons ?

Sébastien Laye : Eructer contre le supposé complotisme de certains de nos concitoyens, leur prétendue inculture ou leur populisme, n'a guère de sens et témoigne de la grande immaturité de nos élites. Le Réel est, point, il faut l'expliquer et apporter des réponses. Il faut d'abord comprendre les ressorts de la défiance contre les élites. Par pur constructivisme, elles ont construit dans les années 1990 un monde déconnecté des Etats et du fait national, sans l'assentiment populaire. Cette sécession des élites, parfaitement décrite en son temps par Christopher Lasch, a naturellement engendré un retrait des masses populaires du débat public et meme désormais du jeu politique: c'est une secessio plebis, un gigantesque retrait sur l'Aventin du bon sens. Ce qu'on appelle le populisme - et j'emprunte cette définition au professeur de Philosophie Vincent Coussediere- n'est que la situation d'un peuple à l'instant t qui ne considère ne plus etre représenté par ses élites officielles. La Puissance instituante et sociétale continue à vivre entre désespoir économico-sociale et hédonisme, ignorant la classe jacassante et le Pouvoir officiel: cause toujours tu m'interesses. Ainsi, il n'y a plus de référent accepté, le jeu démocratique est mis sur pause comme lors des trente dernières années de la Republique Romaine. Les grands concepts (Republique, Democratie, laicité, etc...) sont épuisés car les citoyens les retournent contre leurs dirigeants: vos mots sont creux alors je vais me permettre de les mépriser. Preuve que la rhétorique n'a qu'un effet limité: les francais savent très bien que nos dirigeants n'adhèrent plus qu'en théorie à ces valeurs....

Pour sortir de la crise de défiance, il faut nécessairement production d'une nouvelle élite ayant valeur d'exemple et capable de redonner aux citoyens leurs libertés essentielles.

Michel Maffesoli : Durkheim, le père fondateur de la sociologie française le disait déjà : « la loi suit les mœurs ». Et le fait de vouloir par une loi changer les croyances et l’imaginaire populaire témoigne du fossé immense qui s’est creusé entre le peuple et les soit-disant élites, disons entre l’opinion publique et l’opinion publiée. Ce n’est bien sûr pas une loi qui pourra faire adhérer la majorité de l’opinion à des valeurs et à un imaginaire qui sont largement saturés. Toute mon œuvre tend à montrer, depuis mes premiers ouvrages (Le temps des tribus, le déclin de l’individualisme dans les sociétés de masse, 1988, 4e édition, La Table ronde, 2019) comment nous sortons d’une époque, celle de la modernité pour entrer dans une autre époque qu’avec quelques autres je nomme la postmodernité. Or justement, cette question de la République, au sens de la modernité, une République Une et Indivisible, une République censée diffuser dans le monde entier ses valeurs universalistes, cette question est bien au cœur de l’évolution que je décris.

Nous sommes passés du temps de l’individualisme, du contrat social construit sur des bases juridiques à celui du tribalisme, du vivre ensemble construit sur un pacte auquel doivent adhérer les peuples. A l’enfermement dans des frontières géographiques et culturelles nationales a succédé un nomadisme généralisé : migrations massives, tourisme et bien sûr circumnavigation au travers d’Internet. Ces évolutions se font pour le meilleur et pour le pire, mais rien ne sert de dénier cette évolution, qui remet effectivement en question notre modèle républicain.

Traiter cette question du vivre ensemble au travers des concepts de séparatisme et de républicanisme me semble tout à fait anachronique et inadapté.

Comme Jérôme Fourquet l’a repris tardivement dans ses ouvrages récents, je pense que nous sommes passés d’une république une et indivisible à une mosaïque de communautés, ce que j’ai appelé, dès 1988, le tribalisme. Ces communautés sont diverses, pas seulement des communautés ethniques, géographiques, mais également des communautés plus versatiles, des agrégations autour d’un goût commun, d’une croyance, d’une passion.

Bien sûr on a tendance à juger les nombreux mouvements identitaires à l’aune des concepts politiques, et ce sont souvent ces mots qu’empruntent les souverainistes, les identitaires, les jeunes issus (souvent à la troisième génération) de l’immigration. Mais on oublie que ces mouvements se situent dans la configuration tribale postmoderne : ce n’est plus l’individu à l’identité, stable et pérenne qui prédomine, mais la personne, c’est-à-dire les multiples identifications, selon les moments, les situations que vit chacun. Il y a donc une relativisation, c’est-à-dire une mise en relation de ces vérités entre elles, y compris pour le même individu. Et hormis des individus obtus et peut-être quelque peu obsessionnels qui miseront toute leur vie sur une seule identité, il y a un va et vient constant de toutes et de tous entre différents systèmes de valeurs. On peut être bon musulman le vendredi ou pendant le Ramadan, mais ne pas dédaigner une petite sortie parfois même alcoolisée avec des potes et partager avec des personnes d’autres religions ou sans religion des passions sportives, musicales voire affirmer avec force une identité ethnique (Arabe, Africain) manger halal et en même temps fréquenter des sites échangistes ou avoir de telles pratiques transgressives !

Avant de vouloir « lutter » contre ces formes de regroupement communautaire, ce que j’ai appelé le retour de l’idéal communautaire, il faut s’attacher à comprendre la société telle qu’elle est et non pas telle qu’on voudrait qu’elle soit.

Car rien n’est plus contreproductif que le discours incantatoire.

Voyons plutôt ce qui rassemble (ces solidarités, ces partages sportifs, culturels etc.) et n’agitons pas le spectre du séparatisme.

Bien sûr il y a une défiance énorme des classes populaires vis-à-vis des élites, jusqu’à mettre en cause des « faits objectifs ». Mais je pense que cette défiance est justement provoquée par le refus des élites, ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire, de prendre en compte l’idéal communautaire. A dénier le besoin de solidarités de proximité, de liens chaleureux, de rassemblements émotionnels et à agiter sans cesse le chiffon rouge du communautarisme ou du séparatisme on ne fait que creuser encore plus le fossé.

Luc Rouban : Ce n’est pas la loi qui va résoudre les enjeux sociétaux. Le dispositif juridique existe déjà, on n’a pas besoin de créer de nouvelles lois. Le problème vient d’un dérèglement de la société Française que les élites n’arrivent pas à comprendre et à résoudre. Il y a un déphasage entre une réalité vécue, ressentie par les Français, et un discours officiel qui se rattache à ses idoles ainsi que ces totems comme la IIIème République. Les discours comportent un rappel permanent à ces beaux principes alors qu’ils ne sont plus du tout en phase avec la réalité.

En France, l’organisation du système des élites pose une vraie question et on se demande si les dirigeants sont à la hauteur de l’enjeu actuel. Il y a un système très sélectif mais qui souvent finit par se transformer en un système de fausse monnaie. Pour devenir membre d’une élite il faut passer par un concours prestigieux mais ce mécanisme est une perversion de la méritocratie Républicaine. Alors que le concours est fait pour sélectionner les meilleurs et les plus compétents on en arrive aujourd’hui à penser que la seule réussite au concours fait que l’on est compétent. On a trop confondu élites, diplômes et compétences sur la base d’un méritocratie mythique qui existe très peu en réalité. Il y a eu un renversement de la situation et le seul titre vaut désormais reconnaissance officielle de compétence. .

Le mécanisme s’est perverti à partir des années 70-80 avec la mondialisation. Il favorise des élites qui ont beaucoup de ressources sociales mais qui vont regarder ailleurs que dans le public. L’élite se fracture entre des gens compétents et sérieux qui font bien leur métier mais qui ont des carrières moyennes et tous ceux qui vont accéder au rang supérieur et s’affranchir du cadre national. En interne, il y a une crise de l’État comme dans l’hôpital ou à l’université qui subissent les décisions prises par de petits états majors remplis de personnes aux carrières ultra rapides.

On reconstitue ce qui avait provoqué la révolution de 1789. Une élite de l’élite qui est coupée de tout et même des compétences. Tant qu’il y a des personnes compétentes qui souhaitent se sacrifier dans les hôpitaux, dans les universités, la police le système fonctionne. Mais elles commencent à partir…

Comment des élites qui parviennent à échapper à la pesanteur que confère le fait d’être enraciné dans un territoire peuvent-elles se faire entendre de ceux qui se trouvent de facto assignés à résidence ? Quelle est la part de leur propre responsabilité ?

Sébastien Laye : David Goodhart a mis en exergue cette dialectique entre Somewhere et Anywhere mais elle recouvre une réalité plus complexe: les élites des générations précédentes étaient aussi nomades et fluides mais elles n'imposaient pas leur modèle et respectaient l'horizon de la plupart de nos concitoyens, qui restent ancrés dans leur territoire. C'est l'outrecuidance des quarantenaires ou quinquagénaires aujourd'hui au pouvoir en France  qui est insupportable: surtout qu'eux mêmes, comparés aux élites d'autres pays, sont plutôt les perdants de la mondialisation: excessivement parisiens, mauvais en langues, souvent plus littéraires que manipulateurs de symboles, ils sont incapables d’entraîner notre peuple et se contentent,tels des pervers narcissiques, de le ramener à sa piteuse condition. Il n'y a pas comme le croit Jérôme Sainte Marie , un sujet entre le bloc élitaire et le bloc populaire. Il y a un véritable problème au sein de l'élite française, avec quelques innovateurs et entrepreneurs perdus au sein d'une horde de castes et de rentiers.

Michel Maffesoli : Il est vrai que nos élites sont plutôt cosmopolites et tendraient à faire de cet universalisme une valeur républicaine. Il n’empêche, l’assignation à résidence n’est pas forcément l’apanage des classes populaires, ni des ruraux. Internet aidant, même dans les campagnes on est sorti de son trou. Il ne faut pas prendre les ruraux et le peuple pour plus ignare et rétrograde qu’il n’est !

Ce qu’on constate dans la postmodernité, c’est justement la fin de cette dichotomie entre ceux qui sont assignés à résidence, à identité et ceux qui au contraire parcourraient le grand monde.

En ce sens le cosmopolitisme exacerbé du capitalisme marchand et financier comme le souverainisme rétrograde des nationalistes ou des identitaires sont également obsolètes. L’imaginaire postmoderne n’est pas dans l’opposition : ou bien le mondialisme ou bien le localisme, le nationalisme ou le régionalisme, le culte des origines et des racines ou l’assimilation et l’oubli des racines. La figure rhétorique de la postmodernité est l’oxymore : non pas ou bien, ou bien, mais et, et. Et donc la mondialisation et le local. Internet et le jardin potager, le Mac do et le cassoulet.

Les jeunes générations sont particulièrement bien armés dans ce va et vient entre l’ici et l’ailleurs, ce que le sociologue Georg Simmel nommait le pont et la porte. Mais même les plus anciens participent à cette découverte de l’ailleurs et cette redécouverte du local. Le tourisme de masse, la fréquentation des sites Internet, les échanges étudiants et l’accueil, même s’il n’est pas bienveillant, de nouvelles populations, tout ceci conforte l’intérêt et la connaissance de l’autre. Mais le souci écosophique pour la nature environnante, l’intérêt pour le voisinage, l’environnement proche, tout ceci montre qu’il y a aussi un très fort localisme.

Gardons-nous donc de les opposer et sachons repérer un enracinement dynamique plutôt que de prétendre qu’il faut faire du passé table rase.

Ce fut une des grandes fragilités de la république que de penser qu’il fallait couper les Français de leurs racines et plus encore quand celles-ci étaient lointaines. Alors qu’il était possible de conserver ces racines tout en les intégrant dans un nouveau vivre ensemble.

Luc Rouban : Le problème de la territorialisation est revenu de manière évidente avec la crise sanitaire notamment avec le problème des maires. On a besoin d’une légitimité qui s’appuie sur la connaissance du terrain, une relation immédiate avec les habitants et les administrés et dans la crise sanitaire on a vu des situations ridicules où des collectivités locales prenaient des décisions adaptées au terrain et qui ne pouvaient pas les appliquer car l’État s’y opposait. Nous sommes arrivés à un moment où on ne sait plus qui prend la décision finale. La grande différence de notre époque est que cela se fait maintenant sous le regard direct des administrés qui ont de moins en moins confiance dans le système. Il y a une crise du modèle actuel qui s’est développé sur la base des grandes métropoles et des grandes villes. Nous assistons à une crise d’une vision économiste de la politique, tout ce qu’on a fait était conçu pour rationaliser la consommation, la production et réduire les coûts sauf que l’on a créé des métropoles bureaucratisées en abandonnant les maires ruraux.

Le travail n’est pas fait sur le terrain qui amène les élites à être hors-sol.

Quels sont les noeuds gordiens (notamment parmi les questions évoquées en introduction) qu’il conviendrait de trancher avant d’espérer obtenir des résultats durables sur le front des séparatismes ?

Sébastien Laye : Le Pouvoir politique doit rappeler et expliciter le lien inaliénable entre la Nation, l'Etat, et le Territoire, et rappeler que la première mission de notre Etat n'est pas celle d’être un Etat Providence mais un Etat régalien, ne tolérant aucune zone de non droit, de communautarisme ou de séparatisme sur son Territoire.  Il doit aussi réitérer le sens du Bien Commun, dans la version de Thomas d'Aquin, avec les droits mais aussi les devoirs qui en découlent et incombent à chacun. Celà suppose aussi que tout un chacun soit conscient de la possibilité de l'usage de la force par notre Etat régalien, qui est inscrit dans sa genèse même: fort avec les faibles (gilets jaunes), faibles avec les forts (criminels et trafiquants sur le sol français), l'Etat français est devenu incapable de projeter sa propre force et son monopole- théorique mais bien disputé!- de la violence légitime. Il est temps de revenir aux fondamentaux, d'oublier les comités théodules et les 96 sous préfets à la relance et d'exister à nouveau en tant qu'Etat régalien implacable.

Michel Maffesoli : La fin d’un monde n’est pas la fin du monde, voilà trente ans que je répète cela. Rien ne sert de dénier la réalité, il faut savoir raison garder.

La république signifie la chose publique, c’est-à-dire la manière dont nous organisons notre vivre ensemble, la manière dont nous gérons les espaces, les temps, les biens communs.

Dans le modèle républicain issu de la Révolution française, la république doit être Une et Indivisible. Une seule langue, une seule histoire, une seule Nation et pas de communautés. Y compris les vieilles communautés issues de la longue histoire de notre pays ; communautés religieuses, corporations professionnelles, confréries caritatives.

Cet idéal démocratique (au sens de Hannah Arendt) est de fait en train de laisser place à un idéal communautaire. N’ayons pas peur du changement et n’agitons pas le chiffon rouge des guerres civiles.

A la république une et indivisible succède une sorte de république mosaïque. Aux identités stables et figées succèdent des identifications multiples.

Au patriotisme et à la solidarité nationale succèdent des solidarités de proximité, des sentiments régionalistes et européens.

Non pas régionalisme au sens de l’appareil politico-bureaucratique, mais une redécouverte des rituels, des coutumes et du patrimoine régionaux. Non pas l’europhilie au sens de la bureaucratie bruxelloise, mais un sentiment d’appartenance à un bassin culturel et à des racines communes.

Plutôt que de trancher, interdire et autres attitudes guerrières, il vaut mieux promouvoir un vivre ensemble solidaire, local et réellement populaire.

C’est cela la révolution copernicienne qui permettra à l’idéal républicain de trouver un nouveau souffle et à fonder un vivre ensemble dynamique et enraciné.

Luc Rouban : Pour dénouer les noeuds, on devrait mettre à plat le système corporatiste français. Si les élites sont corporatisées, pourquoi n’y aurait-il pas un communautarisme en face ? Si l’exemple ne vient pas d’en haut, il n’existe pas et c’est du chacun pour soi et on se rabat sur ce que l’on a. On voit actuellement une réaction de défiance avec une énorme abstention.

Si le modèle n’est pas clair, on ne peut pas chercher une intégration quelle qu’elle soit. Ainsi on ne peut pas empêcher une privatisation de l’espace public, des replis dans l’entre-soi et une fragmentation de la société. La plupart des violences contre les maires et les représentants des institutions sont liées à l’absence d’un cadre normatif et symbolique. C’est une forme d’anarchie où les caïds font la loi. À partir du moment où on renvoie les citoyens à leur sphère privée,ls agissent comme des consommateurs et prennent les décideurs politiques comme des distributeurs de ressources.

Le commerce social est devenu un vrai commerce, on en veut pour son argent. On va agresser son maire car on estime que l’on en a pas assez avec ses impôts locaux.

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