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Vague de chaleur et coupures massives d’électricité : la Californie victime de ses investissements dans les énergies renouvelables ?
©000_Was1108999 Robyn beck

ÉNERGIES

Vendredi 14 août, la Californie a ordonné des coupures de courant pour la première fois depuis 2011, alors qu’une vague de chaleur a mis à rude épreuve son système électrique. Philippe Charlez dresse le bilan mitigé des investissements californiens en terme d'énergies.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico : Le choix de bâtir un système électrique basé sur les énergies renouvelables est-il responsable des coupures qui ont touché la Californie dernièrement ?  

Philippe Charlez : Oui et de façon très claire. Alors que la Californie vivait une journée de canicule avec des températures atteignant 44°C (110 °F), en rentrant du travail vers 17 heures, les californiens ont tous branché leur climatisation augmentant soudainement la demande d’électricité. En même temps alors que le soleil commençait à se coucher, la capacité solaire a perdu près de 1GW de puissance. Parallèlement, comme c’est souvent le cas en pleine canicule, il n’y avait pas un souffle de vent ce qui a privé les californiens de leur électricité éolienne. Moralité l’opérateur a d’abord demandé aux usagers de réduire leur consommation puis a dû couper l’électricité à près de 500 000 foyers durant une partie de la nuit. En pleine pandémie du COVID 19 qui sévit toujours en Californie, on ne connait pas les conséquences notamment sanitaires de ce blackout. Fier de sa transition énergétique, la Californie produit aujourd’hui un tiers de son électricité à partir d’énergies renouvelables intermittentes. On aurait tendance à dire un tiers heureusement. On a peine à imaginer ce qui se serait passé si l’état le plus peuplé des US produisait la moitié voire la totalité de son énergie à partie des ENR intermittentes. De nombreux experts et observateurs alertent depuis des années sur le risque de dépasser le seuil de 30% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique sans prévoir en back-up des unités pilotables capables de prendre le relai.

Quelles sont les limites de l'énergie solaire, dont l'utilisation apparaît souvent comme une alternative énergétique efficace face à l'augmentation globale des températures ? 

Les énergies renouvelables, solaire et éolien pour l’essentiel sont intermittentes. En France, le soleil ne brille en moyenne que 1000 heures par an (soit 12% du temps) et le vent ne souffle que 2000 heures par an (soit un peu plus de 20% du temps). En moyenne, un mix 100% solaire ce serait accepter de l’électricité un jour sur dix et un mix 100% éolien ce serait en accepter un jour sur cinq. Par contre les énergies pilotables (charbon, gaz, nucléaire) sont capable, à la maintenance près, de fournir de l’électricité 100% du temps. Mais, en dehors de cette notion d’intermittence, l’éolien et surtout le solaire dépendent des aléas climatiques. Ainsi, si l’efficacité d’une cellule solaire s’accroit avec l’ensoleillement (durée et intensité), elle décroit avec l’accroissement de température. Ainsi, des cellules photovoltaïques placées en plein désert ne pourront être efficaces qu’à condition d’être réfrigérées. Mais, l’antipathie de la nature vis-à-vis du solaire ne s’arrête pas aux canicules. Là où il a de l’espace et du soleil (le désert) il y a aussi malheureusement…du sable. Les grands projets solaires émiratis et chiliens se sont ainsi cassé le nez face aux tempêtes de sable qui rendent les panneaux solaires inopérant en les couvrant de sable. Les nettoyer est un casse-tête : les balayer à sec griffe les panneaux, les nettoyer à l’eau de mer les couvre d’une croute de sel. Quant à l’eau douce tout le monde conviendra qu’elle n’est que très peu disponible…dans le désert. Aussi les émiratis ont mis la pédale douce sur leurs projets solaires pharaoniques et se sont tournés vers le…nucléaire.

Et comme indiqué ci-dessus, il y a finalement peu de complémentarité entre le vent et le soleil : en cas de tempête il n’y a pas de soleil et en cas de canicule il n’y a pas de vent. Rien de surprenant : le solaire et l’éolien sont tous deux dépendants des volontés de « dame nature » qui décide à notre place quand, où et combien d’électricité elle est disposée à nous donner au temps t. Et peu lui importe s’il fait chaud ou froid, si c’est le matin ou le soir ou si les respirateurs COVID 19 ont besoin d’électricité pour sauver des vies!

Quelles alternatives énergétiques crédibles peuvent être utilisées en complément ou la place de ces systèmes de stockage basés sur les énergies renouvelables ?

Comme déjà mentionné dans de nombreux articles, il est illusoire de miser sur le stockage pour compenser les lacunes des renouvelables à grande échelle. En particulier, les batteries ne peuvent assurer qu’un stockage journalier : on ne peut stocker de l’électricité en juin quand il y a beaucoup de soleil pour les restituer en janvier quand il y en a très peu. Comme nous le montre aujourd’hui l’exemple californien, les renouvelables ne pourront jamais excéder 30% du mix électrique  et devront dans tous les cas être secourus par un ami pilotable dont la capacité devra couvrir en back-up la totalité celle des renouvelables. C’est le prix à payer et celui-ci doit être pris en compte dans le prix du MWh éolien ou solaire ce qui n’est pas aujourd’hui le cas. Les prix avancés aujourd’hui (70€/MWh pour l’éolien et 80€/MWh pour le solaire) qui ne considèrent en rien le prix de l’ami sauveur n’ont pour cette raison aucun sens économique. Réfutant le charbon, cet ami ne peut être que le gaz ou le nucléaire. Mais contrairement au nucléaire, le gaz est émetteur de carbone. Si à moyen terme il peut intervenir comme énergie de transition, à long terme seul le nucléaire peut conduire à la neutralité carbone souhaitée par tous en 2050. Le GIEC et l’AIE l’ont bien compris stipulant que « sans nucléaire les objectifs d’électricité verte étaient inatteignables ». Un message que les écologistes déchirés entre leur chromosome climatique et leur chromosome pacifiste ne semblent toujours pas avoir compris.

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