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Le match du plan de relance allemand et français
©STEPHANIE LECOCQ / POOL / AFP

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Le plan de relance décidé par la France est bien loin de soutenir la comparaison avec celui mis en place outre-Rhin.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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La parution récente des chiffres de la conjoncture française (- 13,8% de recul du PIB au deuxième trimestre) montre l'ampleur de l'impact de la récession sur l'emploi, sur la situation financière des entreprises et à titre de corollaire sur le futur tassement des rentrées fiscales. La situation préoccupante rend urgente la mise en place du plan de relance qui ne sera rendu public que le 24 Août 2020 ce qui paraît objectivement tardif.

Les mesures prises en avril et mai par le Gouvernement ont aidé la trésorerie des entreprises notamment via l'endettement généré par le système des prêts garantis par l'État (PGE) par l'entremise de BPI France. A l'heure actuelle, nombre de firmes présentent un bilan dégradé et se posent donc la question de la conversion de certaines dettes en quasi-fonds propres (avances conditionnées, obligations convertibles en actions sans droit de vote) voire en instruments de capital.

En effet, les entreprises qui redémarrent ont besoin d'un fonds de roulement pour amorcer leur cycle de production, pour acquérir leurs volumes d'intrants requis à leur exploitation.

Pour l'heure, Bruno Le Maire s'exprime sur beaucoup de sujets mais n'a pas abordé de solutions opérationnelles pour la bonne salubrité faciale des bilans et surtout pour la reprise des exploitations au moyen de sources innovantes de fonds de roulement.

Il serait opportun que le plan de relance de 100 milliards d'euros du mois d'Août comporte des réponses à ce double défi.

On pourrait aussi former le vœu que ce plan puisse soutenir la comparaison avec ce qui se passe en Allemagne.

Outre-Rhin, un plan immédiatement qualifié de "bazooka" a été décidé au Printemps et recouvre plusieurs mesures.

Rompant avec la sempiternelle logique de rigueur budgétaire, le Bundestag a voté un plan de 1100 milliards d'euros (soit près d'un tiers du PIB du pays !) qui se parcourt selon trois axes forts.

D'une part, il est instauré un fonds de soutien destiné aux grandes entreprises. D'un total de 600 milliards d'euros, ce fonds est ainsi composé : 400 milliards de garanties à destination des dettes des entreprises (ce qui dépasse déjà le volume de nos 300 milliards de PGE). 100 milliards pour des prêts ou même des prises de participations. 100 autres milliards pour renforcer la banque publique d'investissement nommée : KfW (fondée en 1948).

Puis, il a été voté une recapitalisation de 357 milliards de KfW qui sera ainsi en mesure d'apporter sa garantie à 822 milliards d'euros de prêts. Là, notre pays ne tient pas la comparaison et de loin par-delà les assertions médiatiques récentes de BPI France dont il est à craindre une dégradation du bilan sous 2 ou 3 ans. Les banquiers qui disent "oui" trop facilement sur injonction étatique sont, à la fin du film, ceux dont le bilan fait dire "ouille" aux contribuables. Il suffit de relire un certain rapport parlementaire de Philippe Seguin relatif au Crédit Lyonnais de ce cher président Haberer.

Enfin, une enveloppe de 100 milliards de crédits budgétaires (au niveau fédéral) sera destinée au soutien aux PME voire à leurs salariés.

Loin de la politique du "zéro déficit", l'Allemagne est rentrée dans une phase de sérieux interventionnisme étatique qui n'exclut pas des prises de participations de la Puissance publique au goût et saveur de nationalisations indirectes.

Enfin, ce plan s'accompagne d'étalements de paiements de certains impôts et de charges sociales.

Concernant son plan de relance, l'Allemagne a tracé un sillon cher aux méso-économistes : autrement dit, des aides structurelles répondant à un plan de cohérence sectorielle.

En France, selon les propres dires de Jean Castex, il risque de s'agir d'un plan de relance de type saupoudrage sans véritable portée contra-cyclique qui est pourtant son carburant intellectuel premier. Pour ceux qui sont friands d'histoire économique, c'est exactement l'erreur qui fût commise en 1975 par le plan Chirac-Fourcade qui n'est pas parvenu à éviter la forte hausse de la sinistralité industrielle (Creusot-Loire, etc).

S'agissant du plan du 24 Août (la Saint-Barthélémy…) la France escompte que l'Union européenne lui finance 40% des 100 milliards ce qui nous imposerait de dédier 30 milliards au volet vert de ce plan.

Il n'est pas inutile de rappeler que le trop fameux plan européen de 750 milliards comporte des points de conditionnalité sur lesquels le président Macron est resté silencieux.

Dans la mesure où le plan européen requiert l'accord des 27 parlements, un temps certain va donc s'écouler avant que les mesures fassent véritablement effet.

Quid des 40 milliards (au sein des 100) et de leur disponibilité en 2020 ?

Depuis le nouveau gouvernement, la France a des dirigeants qui parlent beaucoup, à l'inverse des conseils de retenue verbale de feu Jacques Pilhan, et qui sont brouillés avec le calendrier. Pendant ce temps-là, on ne peut que constater que l'Allemagne décide, exécute et avance. Et qu'en plus, son recul du PIB est inférieur de près de 4 points (- 10,6%) au nôtre.

Ce ne sont là que des faits assortis d'une amertume issue de " l'impuissance publique " française qui avait été décrite par Denis Ollivennes et Nicolas Baverez.

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