Explosion de la violence en France : comment expliquer la faillite de l’Etat (puisque le Hezbollah n’y est pour rien ici...) ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Explosion de la violence en France : comment expliquer la faillite de l’Etat (puisque le Hezbollah n’y est pour rien ici...) ?
©Christophe DELATTRE / AFP

Ensauvagement

Un document dressé par les services de police et de gendarmerie montre l'extrême violence qui monte en France. Une violence face à laquelle l'Etat semble désarmé.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

Voir la bio »
Guillaume Bigot

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot est membre des Orwéliens, essayiste, et est aussi le Directeur Général d'une grande école de commercel. Il est également chroniqueur sur C-News. Son huitième ouvrage,  La Populophobie, sort le 15 septembre 2020 aux éditions Plon.

Voir la bio »

Atlantico : Le Figaro s’est procuré un édifiant état des lieux dressé par les services de police et de gendarmerie qui détaille 72 heures de violences au milieu de l'été. Quelle analyse portez-vous sur l’évolution de la violence en France au cours de ces 50 dernières années ?

Philippe Bilger : C’est une évolution extrêmement préoccupante. Pour reprendre les termes du ministre de l’Intérieur, la France fait face aujourd’hui à un véritable « ensauvagement » de certains membres de sa population. Je comprends les résistances face à ce terme : la France est une démocratie riche de sa civilisation, il est difficile qu’elle puisse être porteuse d’une forme de sauvagerie. Pour autant, face au reportage du Figaro qui sur plusieurs jours et sur l’ensemble du territoire, fait l’inventaire de toutes les infractions délictuelles qui ont été commises, nous sommes dans l’obligation de constater que non seulement la délinquance et la criminalité augmentent, mais aussi qu’elles prennent un tournant nouveau et dangereux : la gratuité de cette violence. C’est un tableau effrayant, traumatisant, qui ne peut susciter qu’indignation et horreur. 

Les causes sont profondes et multiples. Il existe dans notre pays une minorité de transgresseurs, qui trouve dans la délinquance et la criminalité de quoi extérioriser une aigreur naturelle, et contre laquelle rien ne pourra jamais être accompli.  

Guillaume Bigot : Le document publié par le Figaro rappelle que, derrière les statistiques du ministère de l’Intérieur, se cachent des éclats d’os et des vies brisées (par des handicaps ou des blessures graves), du sang et des larmes. 

On y retrouve plusieurs trames qui se tissent pour expliquer le caractère protéiforme de l’orange-mécanisation du pays.

L’extrême brutalité des violences conjugales forme une première trame alors qu’Emmanuel Macron avait fait de ce sujet une grande cause du quinquennat.

Cette propagande autour des violences faites aux femmes (qui a parfois viré à la thérapie de groupe destinée à persuader les Français hétérosexuels qu’ils étaient tous des violeurs en puissance) a peut-être servi à faire diversion mais n’a pas servi à dissimuler, qu’en matière de lutte contre la violence, le déclamatoire était vide de sens.

L’unique réponse, nécessaire mais insuffisante face à la violence, c’est l’usage ou la démonstration sans équivoque de la force. 

Le trafic joue un rôle prééminent dans le déchaînement de violences, telle est la deuxième trame.  Les agressions essuyées par les forces de l’ordre (incendies de véhicules, guet-apens) sont presque toujours le fait de jeunes aspirant au statut de dealers ou qui jouent un rôle “mineur” dans le trafic.

La gravité extrême de certains faits constitue la troisième trame.  Pendant des décennies, des sociologues autruches nous ont expliqué que le nombre d’homicides diminuait. Cette tendance est désormais enrayée. Le petit sauvageon est devenu un grand barbare qui désormais brûle, éventre, égorge et décapite ses victimes.

Enfin, l’extrême dissémination géographique de l’ultra violence ne manque pas de frapper.  La France périphérique n’est pas épargnée (Pornic, Loire Atlantique, Avernes Allier, Mirbel les Échelles, Isère, Fomperon, Deux-Sèvres), même si les « quartiers » sont surreprésentés comme producteurs mais aussi, ne l’oublions pas, comme victimes. Si les Maghrébins ou les Français d’origine maghrébine sont à 80 % les auteurs de cet ensauvagement, ils en sont aussi les principales cibles.

Un dernier phénomène saute aux yeux. À lire ce document, on comprend que quelque chose est en train de se passer, dans toutes les strates de la société, quelle que soient les origines ethniques, qui ressemblent à une dé-civilisation. Ce que le philosophe Éric Sadin appelle la montée des légitimes violences.

Quelles sont selon vous les racines idéologiques et intellectuelles de cette violence en France ? Comment expliquer le désarmement de l’État face à celle-ci ?

Guillaume Bigot : Vous voulez me faire dire du mal du gauchisme culturel qui imprègne une partie de notre magistrature et offre une feuille de vigne à l’écologie qui est une idéologie par et pour les nantis. À quoi bon enfoncer le clou sur un cercueil intellectuel et moral qu’à déjà préparé l’histoire sur ce fonds de commerce islamo-gauchiste d’une partie importante de la bourgeoisie française qui était et qui reste collabo dans l’âme ?

Il faut une sacrée dose de mauvaise foi et de lâcheté pour ne pas voir le lien entre le déferlement de violences et le séparatisme.  Un jeune dealer vient d’ailleurs de se faire trancher la main en application de la charia.

Le séparatisme résulte de la convergence de phénomènes, au départ distincts, qui on finit par faire glisser des pans entiers hors du territoire national. Parmi ces phénomènes, on peut citer : la poursuite du regroupement familial dans un contexte de chômage et de désindustrialisation, l’importation de la contre-culture violente du ghetto américain, celle de l’islamisme et enfin, la préférence implicite d’une classe politique assumant un choix complémentaire par rapport à celui du Front National des années 80 (« la France aux Français ») et que l’on peut résumer d’un slogan : « les cités aux blédards. »

L’ascenseur républicain ayant été démonté (la sélection au lycée, le service militaire notamment), le trafic était censé offrir une sorte de monte-charge social dans un contexte de profonde déligitimation de la France par ses élites européistes.

La pègre a toujours été ethno-centrée : la mafia chinoise, italienne ou le milieu corse. A présent, que cela plaise ou non aux tartuffes du soi-disant antiracisme, les Français d’origine maghrébine tiennent le trafic de stupéfiants. 

Face à l’innommable, l’être humain possède une redoutable capacité de déni.

Il serait absurde de comparer la sauvagerie dont sont victimes nos compatriotes avec une violence génocidaire mais les ressorts du déni et les pseudo valeurs mobilisés pour parvenir à tolérer l’intolérable sont les mêmes : pacifisme, angélisme, victimisation des bourreaux.

En confondant des jeunes racailles antisémites, homophobes et misogynes avec des enfants juifs alors qu’ils devenaient de la graine de SS, on tentait de conjurer le pire sans comprendre que l’on préparait son retour sous une autre forme.

Il faut cesser les contre-sens justement. Ce ne sont pas des prêchi-prêcha droits de l’hommistes qui nous ont libéré d’Hitler mais les 300 000 tonnes de bombes incendiaires déversés sur Dresde.

Si l’on veut enrayer cette montée effarante de la violence, il faut réhabiliter le courage. Dans notre psychologie post-moderne ultra féminisée (avec la sacralisation du dialogue), la force est synonyme d’échec de l’intelligence. Aucune civilisation digne de ce nom ne s’est pourtant passée du courage.  Athènes s’était choisie une devise éclairante : courage et culture. Jusque dans les années 80, il n’était pas possible de manquer de respect à un Français sans risquer une riposte. Souvenons-nous de la chanson de Nougaro, « à Toulouse, même les mémés aiment la castagne ».

L’un des points aveugles de ce phénomène de montée de la violence, ce n’est pas l’avènement des loups mais celui d’une société de moutons que l’on refuse de voir.

Le rétablissement du service militaire, garçons et filles (le courage n’est pas l’apanage des garçons) servirait à brasser socialement la France mais à apprendre à certains à canaliser leur violence et à d’autres à y faire face.

Si l’on peut éduquer des enfants sans inspirer la crainte, espérer remettre dans le droit chemin des racailles sans leur faire peur est juste risible.

Les adultes malfaisants des quartiers tiennent des bandes d’adolescents car ils leur font croire qu’ils les dominent. Mais dans ce bluff, il entre une part de sincérité : le courage du dresseur et la réalité de son fouet. Les islamistes ou les trafiquants n’ont pas peur de ces jeunes. Au moindre manque de respect, ces derniers sont assurés d’être réprimés. À présent, tout le monde veut rétablir l’autorité mais personne ne voit qu’une autorité qui ne s’appuie pas sur la force est une chimère. Les éducateurs doivent être craints sinon ce sont des « bouffons » et des « balances » qui ne travaillent qu’avec des gamins de moins de douze ans.

Lacan disait de la socialisation qu’elle servait à maintenir le couvercle sur la tête des gens. C’est un phénomène planétaire dont attestent les rapports de l’aviation civile internationale : chaque année, les "disruptives passengers" sont de plus en plus nombreux et de plus en plus difficiles à maîtriser. Il n’y a pas de raison que la France soit épargnée. Cédric Chouviat dont on fait tout un plat ne méritait évidemment pas de mourir mais c’est tout à fait le genre de personnage qui considérait que toute loi collective était une atteinte insupportable à son bon plaisir.

Philippe Bilger : Au fil des années, une certaine qualité de savoir-vivre, de respect d’autrui, de politesse collective s’effondre. C’est la traduction de l’usure du temps et de la défaillance de toutes ces éducations post 1970. Enfin, l’article du Figaro prouve que nous sommes entrés dans un monde nouveau, un monde où les infractions sont caractérisées par ces atteintes gravissimes aux instances d’autorité. 

Par le passé, les symboles de l’autorité, bien que contestés, n’étaient pas les cibles principales des assauts de la malfaisance. Aujourd’hui, c’est l’autorité en tant que telle, officielle ou intime, qui est en permanence ciblée. Il s’agit de toucher la France en plein coeur dans tout ce qui la définit en tant que démocratie.

Depuis de nombreuses années, l’État de droit a perdu tout sens du courage, de l’autorité et l’autorité du courage. Comment une société pluraliste peut-elle se comporter convenablement à partir du moment où l’État lui-même a jeté l’éponge et n’est plus capable d’avoir le courage de l’ordre ?

Quelles causes institutionnelles peuvent expliquer l'incapacité de notre État à combattre cette violence ?

Philippe Bilger : Il y a d’abord le fait que les élus de toute sorte sont dépassés par ce flux de violence de plus en plus radicale. La tradition française est de croire que nous allons répondre à ce flot de violence gratuite en votant des lois. C’est une tradition perverse. Au fond, la France pense que voter une loi c’est accomplir une action. Ce n’est pas le cas. Faire voter une loi contre l’insécurité et la criminalité n’atteindrait son objectif que s’il y avait une parfaite concordance de vue et d’action entre ceux qui ont édité les lois, ceux qui sont chargés de les appliquer, et ceux qui sont chargés de condamner. Mais la parfaite concordance n’existe pas. À supposer qu’il n’y ait pas de faiblesse du pouvoir politique, il y a parfois un phénomène de débordement de la part des forces de l’ordre qui sont confrontées à des épisodes quotidiens de violence excessive qui les conduisent à être remises en cause sans avoir la possibilité de se permettre d’utiliser tout le pouvoir que la loi leur permet. Quant à la justice, il est clair que l’institution et les instances pénitentiaires ne sont pas à la hauteur du défi de la criminalité actuelle. 

Aujourd’hui, au lieu de comprendre qu’elles doivent participer d’une même action en faveur de l’utilité sociale et du bonheur singulier et collectif des citoyens, les trois instances se contredisent et, parfois, se défient les unes des autres. 

J’espère que la nomination du Premier ministre Jean Castex et de M. Darmanin à l’Intérieur permettra de faire aller les choses dans le bon sens. Un gouvernement qui n’aurait pas peur de l’autorité dont il a la charge pourrait patiemment, vigoureusement, remettre de l’ordre et de la tranquillité dans notre pays. 

Guillaume Bigot : Il faut durcir la riposte pénale, comme l’ont fait les États-Unis. Ce qui implique de multiplier par cinq voire par dix les peines mais aussi de faire plier les magistrats, en obtenant d’eux qu’ils appliquent la loi. Renforcer le poids des jurys populaires, menacer de dénoncer des instruments comme la Convention européenne des droits de l’homme ou réviser la constitution pour limiter les pouvoirs du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel sont des points de passage obligés. En attendant, Messieurs Darmanin et Dupont Moretti pourront s’époumoner, il ne se passera rien.

Si l’on avait mauvais esprit, on se demanderait si le Sarkozy de « descends un peu ici » ou de « casse-toi pauvre con » ou  le Darmanin menaçant de rentrer  dans sa bonne ville de Tourcoing si « papa président » ne lui donnait pas un ministère à la hauteur de ses ambitions n’illustrent pas que cette mentalité « tout-tout de suite » et « je pique ma crise » n’ont pas déjà contaminé jusqu’au plus haut sommet de l’État.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !