Budget de l’Union européenne : pot commun ou mont-de-piété ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron Angela Merkel sommet européen
Emmanuel Macron Angela Merkel sommet européen
©JOHN THYS / POOL / AFP

"Accord historique"

Après quatre jours et quatre nuits de négociations, les vingt-sept dirigeants de l'Union européenne ont trouvé un accord sur un plan de relance historique de 750 milliards d'euros. Ce projet doit permettre de soutenir les économies des nations fragilisées par la crise du coronavirus.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Après d’âpres négociations, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne viennent de parvenir à un accord sur leurs finances communes. Enfin ! L’Union aura bel et bien un budget pour la période 2021-2017 et un plan de relance conséquent, de 750 milliards d’euros, pour affronter la crise, démontrer sa force de frappe économique et mettre en œuvre les principes de solidarité qui la régissent depuis le Traité de Rome. Si le couple franco-allemand peut se féliciter de ce succès, il ne peut crier victoire : les « Etats frugaux » ont en effet obtenu bien des limites contre la fédéralisation des finances publiques et du plan de relance. L’Union doit encore choisir entre la logique du pot commun, celle d’une famille solidaire y compris avec ses membres les plus turbulents ou les moins responsables, et la logique du mont de piété, où le prêteur prend des gages et des garanties sur son débiteur. C’est la force et la faiblesse de la construction européenne : ses avancées sont toujours tempérées par des concessions qui limitent ses effets. Et ses difficultés sont toujours contrebalancées par des succès appréciables.

Quelques pas vers la logique d’une famille fédérale

Après plusieurs mois de discussions préalables commencées en novembre dernier et après des débats longs et difficiles, les chefs d’Etat et de gouvernement ont fixé le montant total du budget de l’Union pour la période 2021-2017 à 1070 milliards d’euros. Mais ils ont également défini le montant et la composition du plan de relance européen : 750 milliards empruntés sur les marchés financiers par la Commission européenne pour le compte des Etats membres versés ensuite aux pays les plus frappés par les crises sanitaires et économiques sous forme de prêt (360 milliards d’euros) et de subvention (pour le reste).

Le couple franco-allemande, épaulé par la Commission européenne et le président du Conseil européen, ont remporté un succès appréciable. A l’occasion de cette discussion budgétaire, ils ont réussi à approfondir la solidarité intra-européenne. Qu’on mesure la distance parcourue, notamment par l’Allemagne : c’est l’Union qui lèvera des fonds sur les marchés internationaux, c’est la crédibilité budgétaire de l’Europe qui permettra d’obtenir des taux bas et les Etats membres en bonne santé financière ont accepté des versements sans contrepartie, des subventions autrement dit des transferts budgétaires vers les Etats les plus nécessiteux. C’est bien une logique fédérale qui régit cet aspect de l’accord : comme dans une famille soudée, les membres de la communauté font pot commun de leurs ressources et les distribuent même aux parents dont la gestion financière est moins rigoureuse. Les fourmis aident les cigales. Ou, comme on l’entend de plus en plus à Bruxelles, c’est le moment hamiltonien de l’Unio du nom du président américain Hamilton qui avait fédéralisé les dettes des Etats-Unis.

Les "Etats frugaux"

Pourtant il y a loin du succès au triomphe et de la logique actuelle à celle d’un véritable pot commun. Plusieurs Etats ont en effet veillé à conserver la logique d’un syndicat de copropriétaires. A la différence d’une famille, une copropriété n’a qu’une solidarité limitée et conditionnelle. Plusieurs éléments de la négociation le soulignent, le couple franco-allemand n’a pas révolutionné les discussions budgétaires.

D’une part, le montant total du budget européen est sensiblement inférieur à la proposition du Parlement et du président du Conseil européen : comme le budget annuel reste en-dessous des 1% du Revenu National Brut de l’Union, le signal est clair. Les Etats membres ne veulent pas augmenter leurs charges et donc leurs communes. Facteur limitant, les « rabais » concédés à plusieurs pays n’ont pas été annulés. D’autre part, la part des prêts à rembourser dans le plan de relance européen est importante : elle est fixée à 360 milliards d’euros. S’il existe une solidarité notable entre un créancier et son débiteur, elle n’est évidemment pas de même nature que celle qui unit les membres d’une même famille. Un prêteur sur gage a pour objectif premier la maximisation de son profit, pas l’augmentation du bien-être général commun à lui et à son débiteur. Enfin et surtout, les « Etats frugaux » avec le Premier ministre néerlandais à leur tête, ont exigé et obtenu des conditions importantes pour le déblocage des crédits du plan de relance. Impossible pour la France, l’Espagne, l’Italie ou la Grèce de bénéficier de ces fonds sans faire approuver un plan de réformes. Là encore, la solidarité est conditionnelle.

A l’issue du sommet européen, on voit une nouvelle ligne de tensions se dessiner nettement : l’opposition ne passe pas seulement entre les cigales et les fourmis, les radins et les dépensiers ou encore entre les égoïstes et les altruistes. La véritable ligne de division passe entre ceux qui veulent une véritable famille et ceux qui souhaitent en rester à une copropriété. Entre la solidarité réelle et l’association conditionnelle.

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