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La droite, seule menace aux yeux d’Emmanuel Macron
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

La menace droite

Saveria Rojek vient de publier un livre sur la folle campagne parisienne qui a changé la politique et prend le temps d'analyser avec nous les menaces qui pèsent sur la fin du mandat d'Emmanuel Macron.

Saveria Rojek

Saveria Rojek

Saveria Rojek est journaliste et éditorialiste politique à France Info. Elle est l'autrice de plusieurs ouvrages, dont Impitoyable sur les élections municipales à Paris. Son prochain livre, Résurrection - Les coulisses d'une reconquête (éditions Stock) sera publié le 11 mai.

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Atlantico.fr : Vous venez de publier un livre sur les municipales et la folle campagne parisienne qui a changé la politique. Alors qu’un nouveau gouvernement a été nommé dans la foulée des élections et que le président de la République doit s’exprimer pour le 14 juillet, pensez-vous qu’Emmanuel Macron ait répondu efficacement aux attentes exprimées par les Français lors de ces élections ? [Et qu’aurait-il intérêt à dire dans son intervention ?]

Saveria Rojek : Je ne suis pas certaine que Jean Castex et les personnalités nommées dans le gouvernement incarnent le tournant que les Français ont exprimé dans les urnes lors des municipales. Les électeurs, par leur vote en faveur de figures issues de la société civile, de femmes, d’alliances PS-Verts, demandent de façon forte et limpide une mue sociale et écologique. Le nouveau Premier ministre n’incarne ni la gauche, ni la féminisation, ni une nouvelle génération politique.

Cependant, je comprends les motivations du chef de l’Etat, pour qui ce choix correspond à une « équipe de combat » face à la crise colossale qui frappe notre pays. Par ailleurs, on peut également y lire un calcul plus politicien qui est, pour Emmanuel Macron, de renforcer son électorat de centre-droit.

Ensuite, je suis convaincue qu’il faut se garder de calquer les résultats d’un scrutin à l’autre. Cette forte poussée écologiste et sociale ne peut pas se transposer symétriquement à un scrutin présidentiel pour lequel les enjeux et les candidats sont complétement différents. Preuve en est -je ne cite que cet exemple, mais il y en a d’autres- le faible score que prévoient aujourd’hui les sondages à Yannick Jadot en vue de 2022. 

Atlantico.fr : A Paris, la preuve a été faite qu’une gauche unie pouvait gagner, cette leçon est-elle vraiment transposable au niveau national dans la mesure où, derrière une même mise en avant des défis environnementaux, les cultures politiques et économiques des Verts ou du PS restent sensiblement différentes ? 

Saveria Rojek : La gauche unie est victorieuse non seulement à Paris, mais également, à Lyon, à Marseille… donc si l’on opère une grille de lecture simpliste oui, mathématiquement une gauche unie peut remporter des élections, y compris des élections nationales. L’autre enseignement de ce scrutin, et c’est l’analyse que me livre François Hollande dans mon ouvrage, est qu’on a tous cru les vieux partis que sont le Parti Socialiste et les Républicains morts et enterrés après 2017, et bien non seulement ils bougent encore, mais ils sont même, à la sortie de ces municipales, les premiers partis de France.

En ce qui concerne la gauche, oui elle peut l’emporter mais l’union nécessaire pour se faire parait, il est vrai, très lointaine. Qui de Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Olivier Faure, acceptera de s’effacer au profit des autres ? et comment s’assurer que tout l’appareil politique de leurs partis respectifs suivra ? La route parait longue, vous avez raison.

Emmanuel Macron parie d’ailleurs sur cet émiettement des candidatures à gauche pour penser que ni les Verts ni le PS ne seront au second tour, il continue donc de siphonner à sa droite, seule réelle menace à ses yeux.

Atlantico.fr : Anne Hidalgo pourrait-elle être la championne de cette nouvelle gauche ?

Saveria Rojek : Elle s’en défend ! Pendant toute la campagne, elle n’a eu de cesse de clamer qu’elle ne serait pas candidate en 2022. Je la crois sur un aspect : elle a très peu gouté la violence politique des attaques dont elle a été la cible ces dernières années. Son objectif, ce sont les Jeux Olympiques de 2024 à Paris.

Maintenant il est vrai que sa victoire nette dans la capitale et ce qu’elle est, une femme clairement identifiée à gauche, sociale-démocrate, aux fortes convictions écologiques, en font une figure à même de fédérer la gauche en 2022. Emmanuel Macron la considère d’ailleurs comme une adversaire « redoutable » en vue de cette échéance.

Par ailleurs, je pense qu’elle aura une certaine pression de son camp et de son entourage pour se présenter. Son proche Jean-Louis Missika œuvre déjà pour transformer Paris en Commun, la plateforme imaginée pour la campagne municipale, en structure pérenne. Résistera-t-elle à cette pression ? l’avenir nous le dira. Il est encore tôt.

Atlantico.fr : La mairie de Paris paraissait sociologiquement comme politiquement imperdable pour LREM. La cinglante défaite d’Agnès Bouzy est-elle le révélateur de l’échec définitif du pari fait par Emmanuel Macron de créer un nouveau parti incontournable, comme si le président avait dégagé un espace politique avec son élection mais pas su créer le mouvement pour le cultiver ?

Saveria Rojek : C’est surtout l’échec du « en même temps ». Le « en même temps » n’est pas transposable au niveau local, le ni droite ni gauche n’imprime pas. Surtout dans le cas d’un scrutin local, où le maire est une figure clairement identifiée par ses concitoyens. Paris était en effet imperdable, une maire mal aimée, un vote macroniste au zénith lors des précédents scrutins, une sociologie favorable, et pourtant l’échec est calamiteux. Paris devait être le trophée d’Emmanuel Macron -et lui permettre d’éliminer une rivale potentielle en 2022-, c’est devenu son chemin de croix.

Je pense que la transformation du parti est le prochain chantier du chef de l’Etat. La République En Marche aujourd’hui n’est pas un parti politique au sens premier du terme, la majorité des élus sont méconnus, le débat d’idées existe peu, ce parti ne contrôle rien localement, dans les villes, dans les régions, dans les exécutifs locaux.  

En Marche s’est surtout trouvée incapable, on l’a vu de façon terrible à Paris, d’anéantir la candidature dissidente de Cédric Villani si mortifère dans cette campagne. Donc oui, reconstruire, ou plutôt construire un parti digne de ce nom est le prochain chantier du Président. Il s’y attèlera à la rentrée.

Quant à 2022, Emmanuel Macron retrouvera t’il la séduction impérieuse qui a tant séduit les Français en 2017 ? comment susciter un véritable vote d’adhésion et non un vote de rejet face au Rassemblement National au second tour ? c’est tout le défi pour les dix-huit mois qu’ils restent au chef de l’Etat.

Atlantico.fr : Peut-il y avoir un avenir pour LR sans alliance, soit avec le pôle macroniste soit avec un RN light version Menard ou Alliot ?

Saveria Rojek : Je crois l’alliance avec le RN mortifère pour la droite. Regardez la campagne et les résultats de Rachida Dati à Paris. Certes, vous allez me dire, elle aurait pu faire mieux en tant que figure de l’opposition à Anne Hidalgo, mais néanmoins, elle a ressuscité une droite exsangue, minée par des défaites électorales et des dissensions internes.

Mais la droite que présente Dati aux électeurs, c’est la vraie droite sarkozyste, sécuritaire, claire dans sa ligne, et qui a toujours refusé une quelconque alliance avec l’extrême droite. Je pense que Rachida Dati a prouvé par sa campagne qu’il y avait encore un espace pour cette droite républicaine, sans être absorbée par un RN light. Je suis convaincue que les électeurs font encore la différence.

En ce qui concerne les alliances avec En Marche, les frontières sont beaucoup plus floues. Si LR s’allie avec Emmanuel Macron, surtout dans un scrutin aussi symbolique qu’une présidentielle, ça en sera fini des Républicains.

Mais une autre question que nous pose la configuration actuelle de notre pays est également, En Marche pourrait-il avoir un avenir à la UDF, et finir dissout dans un nouveau RPR ? Je n’y crois pas, car tant qu’Emmanuel Macron portera cette formation, elle écrasera de sa puissance centriste les partis voisins. 

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Saveria Rojek, "Impitoyable : Mairie de Paris : la folle campagne qui a changé la politique", publié aux éditions Stock 

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