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Retraites : ce qu’il faut comprendre entre les lignes des déclarations sibyllines de Jean Castex
©OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP

Le retour du débat

La réforme des retraites retrouve sa place au coeur du débat public, après la longue parenthèse imposée par le confinement.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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À la surprise générale, Jean Castex a annoncé vouloir clore rapidement le dossier avec les partenaires sociaux, en accord avec les propos précédents d'Emmanuel Macron. Les soutiens du gouvernement comme la CFDT et le MEDEF sont hostiles à ce retour aux clivages du monde d'avant. Mais Bruxelles laisse-t-il le choix à l'exécutif français ? L'heure des vraies additions commence. 

Jean Castex a surpris son monde hier en annonçant son intention de rouvrir le dialogue sur la réforme des retraites. Ce sujet explosif ne paraît guère prioritaire sur la scène intérieure, d'autant qu'il risque de diviser fameusement des salariés inquiets par la mauvaise tournure des événements économiques. La CFDT et le MEDEF ont commencé à monter au créneau pour dissuader le gouvernement de rouvrir une plaie mal fermée par le confinement. Mais Castex semble bien décidé à consacrer son été à traiter ce dossier épineux. Mais pourquoi cette soudaine précipitation ?

Bruxelles impose la réforme des retraites

La solution n'est pas à chercher dans une quelconque lubie qui s'emparerait du nouveau Premier Ministre, mais dans une discrète et mal assumée exigence bruxelloise à l'approche du conseil européen du 17 juillet où Merkel, nouvelle présidente de l'Union pour 6 mois, doit faire valider le plan franco-allemand à 500 milliards de dettes mutualisées. Il n'y a évidemment qu'en France où des esprits naïfs croient que nos partenaires septentrionaux qui combattent farouchement depuis plus de dix ans toute mutualisation des dettes se seraient ralliés à des positions contraires sans aucune contrepartie. 

La réalité de l'Europe est un peu différente, et même si, en France, il est de bon ton de vanter l'Europe sans comprendre nos voisins, les faits sont têtus. Pour l'instant, seuls les Pays-Bas ont entrouvert la porte à une solution sur les 500 milliards du plan franco-allemand. Mais Mark Rutte, le Premier batave qui a fait tomber la dette publique néerlandaise autour de 40% du PIB après un effort budgétaire important, demandera des contreparties. 

Et parmi celles-ci, la réforme des retraites est la plus visible et la plus immédiate. La France bat en effet des records mondiaux avec 14% de son PIB consacrés à ses retraités, quand la moyenne flirte plutôt avec les 10%. Il n'est donc pas envisageable que les Européens avancent sur la question des coronabonds si la France ne se met pas en ordre de bataille pour diminuer ses dépenses publiques. 

Les Français sont hors sol sur la question des dépenses publiques

Au demeurant, les exigences de nos partenaires sur nos dépenses publiques et nos déficits abyssaux n'ont rien de choquant. Nous sollicitons leur solidarité, et ils nous demandent un effort en échange. Il n'y a qu'en France où la notion d'équilibre des comptes publics est perçue comme un gros mot ou une pensée vulgaire, et on peut reprocher à nos élites de partager cette insouciance bien commode, qui leur permet de conserver leur pouvoir sans susciter de vague dans l'opinion. Il est vrai que la "pédagogie du changement" et l'art de la réforme ne font guère partie des compétences déployées par la technostructure qui nous dirige. Il est plus facile de recourir à la dette pour maintenir un statu quo ruineux qui profite aux fonctionnaires et se justifie au nom du "ce pays n'est pas réformable". 

Les frugaux vont nous imposer une cure d'austérité

Pour nos voisins septentrionaux ou germaniques qui sont attachés à la maîtrise de leurs dépenses publiques, ce laxisme français, et singulièrement ce laxisme des élites françaises n'est guère soutenable. Pour obtenir un financement généreux de son probable plan de relance et de ses dettes inextinguibles destinées à assurer sa réélection, Emmanuel Macron devra montrer, la semaine prochaine, à ses partenaires européens, sa détermination à préserver de grands équilibres par des réformes structurelles. 

Pour l'exécutif français, la situation est assez simple : pas de dettes mutualisées sans réforme systémique des retraites. Sans réforme systémique des retraites, pas de dettes mutualisées. 

La grande naïveté des Européens est de croire que la réforme engagée par Emmanuel Macron permettra de réduire les dépenses et de rétablir l'équilibre des comptes. Elle n'a jamais été présentée sous ce jour jusqu'ici, et il va falloir opérer un sérieux retour en arrière, condamné par avance par la CFDT, pour y parvenir. 

Négocier pendant l'été, la grosse ficelle du monde d'avant

Pour parvenir à ce revirement drastique très orthogonal avec la promesse macronienne du "quoiqu'il en coûte" et du "je n'augmenterai pas les impôts", Castex recourt à une grosse ficelle de l'ancien monde : négocier entre le 14 juillet et le 31 août, au moment où les Français sont sur la plage et ne peuvent plus battre le pavé. 

En soi, ce choix est toujours perçu comme une forfaiture. Il y a des règles dans ce pays. En août, on se baigne, on ne négocie pas d'accord dans le dos des absents. Pour les raisons que nous venons d'exposer, Castex n'a guère le choix du calendrier, mais il a un intérêt objectif à faire vite désormais, quitte à laisser des traces durables dans ses relations avec l'opinion. 

Mais il est vrai que la période est tragique, même si les Français ne s'en rendent pas compte. Il faudra faire des choix impopulaires. Et après tout, Castex est recruté pour ça : faire le sale boulot sans demander son dû. 

Négocier pendant l'été, la grosse ficelle du monde d'avant

Pour parvenir à ce revirement drastique très orthogonal avec la promesse macronienne du "quoiqu'il en coûte" et du "je n'augmenterai pas les impôts", Castex recourt à une grosse ficelle de l'ancien monde : négocier entre le 14 juillet et le 31 août, au moment où les Français sont sur la plage et ne peuvent plus battre le pavé. 

En soi, ce choix est toujours perçu comme une forfaiture. Il y a des règles dans ce pays. En août, on se baigne, on ne négocie pas d'accord dans le dos des absents. Pour les raisons que nous venons d'exposer, Castex n'a guère le choix du calendrier, mais il a un intérêt objectif à faire vite désormais, quitte à laisser des traces durables dans ses relations avec l'opinion. 

Mais il est vrai que la période est tragique, même si les Français ne s'en rendent pas compte. Il faudra faire des choix impopulaires. Et après tout, Castex est recruté pour ça : faire le sale boulot sans demander son dû. 

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