Coronavirus : et si une seconde vague arrive en France, serons-nous capables de la repérer et de réagir à temps ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Coronavirus : et si une seconde vague arrive en France, serons-nous capables de la repérer et de réagir à temps ?
©Thomas SAMSON / AFP / POOL

En cas de malheur

Le pays a souffert de la Covid-19 et doit se renforcer pour panser ses plaies et se préparer en cas de deuxième vague.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

Voir la bio »

La COVID-19 est une pandémie en évolution 

Malgré tous les efforts des complotistes pour nous faire croire à une petite grippe le virus, envahisseur aveugle et sans dessein, continue à se répliquer. En effet les populations sont largement naïves et les hôtes humains susceptibles d’héberger le virus ne manquent pas. En Suède le taux de personnes immunisées est de  6,1% (https://www.medscape.com/viewarticle/932550). En Espagne une étude récente (http://ow.ly/WukM50AsBkS) aboutit à la conclusion que seulement 5% de la population est immunisée. Même si ces moyennes cachent des disparités régionales importantes héritées des foyers initiaux. À l’heure actuelle les personnes immunisées sont peu nombreuses c’est pourquoi le virus se redistribue avec la reprise des transports. Encore un échec des avocats de l’immunité grégaire qui proposaient de laisser faire et d’attendre la production collective d’anticorps. Une barrière incertaine à plusieurs dizaines de milliers de morts si on les avait écoutés.

Cette phase endémique qui a débuté à la fin de la phase sporadique qui a coûté la vie à 500 000 humains est différente. Alors que la première était liée à l’arrivée du virus transporté par des hôtes humains voyageant depuis le foyer initial et donc assez prévisibles, cette phase est plus aléatoire car elle dépend de porteurs viraux qui provoquent des foyers liés à l’inobservance des comportements anti-transmission. Cette phase endémique peut aussi être amplifiée par des facteurs saisonniers comme la température, l’humidité ou l’ensoleillement.

Enfin, la durée de l’immunité elle même est peut être un facteur favorisant si des individus perdent cette mémoire immune et sont susceptibles de se réinfecter.

Continuer à casser la transmission: voilà où nos forces doivent s’exercer

Contrairement aux premiers mois nous savons précisément comment préserver les vies humaines et notre économie. Les deux objectifs rappelons le ne sont pas contradictoires, ils sont synergiques. Pas question de refaire l’erreur du confinement indifférencié prolongé de 55 jours. 

Nous avons quelques indicateurs avancés 

Le nombre de cas porteurs du virus dépend certes du nombre de tests effectués mais il s’agit d’un bon indicateur géolocalisateur des foyers. La présence d’ARN viral dans les eaux usées aussi avec une puissance plus grande et un coût plus faible. Un de ses avantages est de précéder la maladie clinique chez les pré symptomatiques d’une semaine. Où en sommes nous dans les stations d’épuration? Quel est l’impact de la migration estivale? Le SARS-CoV-2 serait réapparu fin juin dans les eaux usées parisiennes.

Encore une fois aucune université ne suit ces données et c’est une faiblesse alors que nous avons les scientifiques, les moyens et le temps de le faire.

Mais ces indicateurs ne sont utiles que si les 3T sont effectués sans faille

Le test n’est pas utile si l’information n’est pas partagée et les mesures suivies en cas de positivité. Tout test remboursé par l’assurance maladie doit être transmis au médecin traitant et aux ARS. Mais ce n’est pas suffisant, les contacts doivent être  tous testés et l’isolement avec un nouveau test à deux trois semaines doit être effectif. Il est certain que nous avons des progrès à faire dans ce domaine car il existe encore beaucoup trop de trous dans la raquette des ARS.

Notre dispositif de prévention est il complet et pleinement appliqué?

Le virus est transmis par l’air. Mais à côté des gouttelettes que nous connaissons depuis longtemps le rôle des aérosols dans des espaces clos est à nouveau au devant de la scène de la transmission. Tous les espaces clos, tous les aérosols. Et comme nos systèmes de climatisation ou de ventilation ni ne filtrent ni ne stérilisent le sujet est sensible. En dehors des avions de ligne dont le système de ventilation est muni d’un filtre HEPA, tous les autres moyens de transport recirculent du virus dès lors qu’un porteur est monté à bord. L’avion, cible des écologistes, est le moyen de transport le plus sûr du point de vue du risque de contracter le SARS-CoV-2. Ce d’autant que le port du masque est obligatoire. Il reste beaucoup à faire pour rendre Covid compatibles les autres moyens de transport. Pour les bâtiments ce sont d’abord les EHPA qui doivent tous modifier, remplacer ou arrêter le système de climatisation collective. En pleine période estivale c’est à la fois urgent et difficile mais c’est un impératif. Dans les hôpitaux la situation est complexe mais le danger est important vis à vis des autres patients et du personnel. Chaque cas doit été réévalué compte tenu de l’ancienneté des systèmes en place. La plupart du temps les filtres de type HEPA ne sont présents que sur le circuit du bloc opératoire. Partout où les fenêtres peuvent être laissées ouvertes cette solution est préférable à une ventilation ou à son absence dans un espace clos. Dans ce contexte il est important de porter un masque dans les espaces clos ou bien lorsque l’éloignement interpersonnel est impossible. Les masques ne sont pas tous égaux. Des dispositifs innovants apparaissent et sont testés actuellement en particulier pour diminuer la charge virale qui peut pénétrer dans l’air inspiré. Ils sont utiles pour les soignants mais aussi pour les personnes immuno-fragiles qui sont plusieurs millions en France.

Le système de soins et de santé comme l’économie doivent être le plus rapidement possible COVID-19 compatibles

La mise à  niveau du système de santé et du système de soins est une condition nécessaire du rétablissement économique.

Il ne s'agit pas de distribuer dans six mois et après un mélodrame syndical des primes aux soignants. Un employeur responsable prend des décisions rapides et celle de reconnaître les risques et le travail accompli devrait être déjà prise et l’argent versé. Il est irresponsable que les syndicats aient refusé ces primes au motif d’un égalitarisme sans fondement. Rappelons qu’il s’agissait de 7 à 8 milliards d’euros. La question fondamentale est tout autre: c’est de réparer les insuffisances tant organisationnelles que techniques. Plusieurs sujets sont à traiter d’urgence. Le système de santé aux populations est inopérant et le système de soins est totalement étatisé. Dans ce contexte l’inutilité des ARS doit être traitée afin d’appliquer le principe de subsidiarité et de simplifier l’administration de l’état. D’autre part une insuffisance de lits techniques opérationnels ou déployables en cas de catastrophe est apparue alors que de nombreux établissements ont beaucoup de lits non techniques utilisés pour de l’hébergement. Dans ce domaine et suivant le même principe les directions d’hôpitaux doivent pouvoir décider en responsabilité de l’orientation et de l’équipement de leurs lits. La poursuite et l’amplification des soins ambulatoires n’a pas fini de transformer nos hôpitaux et cette autonomie est nécessaire pour une adaptation de l’offre sans retard ni carence. L’ancien directeur des hôpitaux devenu premier ministre et son ministre de la santé doivent agir vite sous peine de voir se répéter les erreurs tragiques du début de la pandémie. Tout doit être en place à la rentrée ce qui représente un véritable défi (https://actu17.fr/coronavirus-un-plan-de-reconfinement-cible-est-pret-en-cas-de-seconde-vague-affirme-jean-castex/).

Une économie COVID-19 compatible et plus efficiente c’est possible

Les annonces sur les liquidités, les subventions et les prêts ont donné le tourni aux  Français car elles ont été mal expliquées. Cet argent est nécessaire pour éviter l’arrêt de l’économie favorisé par un trop long lockdown (le confinement indifférencié prolongé). C’est un fusil à un coup, il est donc impératif de rendre notre économie complètement COVID-19 compatible pour les années à venir. Or nous en sommes loin. 

Par exemple l’utilisation des équipements personnels de protection n’est pas généralisée, beaucoup de commerces ne sont pas organisés pour casser la transmission en premier lieu desquels les grands centres commerciaux qui ne font respecter en pratique ni l’éloignement interpersonnel ni le port du masque. La sécurité des salariés et des clients doit être une priorité car nous sommes loin de la phase aiguë où le matériel était en grande pénurie. 

Concernant la supply chain des biens et services médicaux il faut dire la vérité aux Français. L’état n’a jamais inventé ni découvert un médicament. Il n’a jamais inventé de nouvelles techniques d’imagerie, de traitement. Si notre industrie du médicament, des biotechnologies et des équipements techniques de soin n’a pas prospéré ces 40 dernières années c’est en raison d’un environnement adverse. Pourtant nous étions présent sur tous ces fronts depuis la recherche développement jusqu'à la production. C’est pourquoi on peut sourire quand un responsable politique saute comme un cabri en parlant de souveraineté économique ou qu’un membre du gouvernement prétend savoir quelle molécule il faut produire en France en l’occurrence le paracétamol. Sans un Big Bang fiscal, réglementaire et social cette chaîne vitale continuera à fonctionner préférentiellement à l’étranger. Notre dépendance dans ce domaine est une conséquence dont il faut traiter les causes. C’est donc le moment d’accélérer l’amélioration de l’environnement des entreprises et de laisser les entrepreneurs décider de leur projet, leur recherche et leur production. 

Cette compatibilité des activités humaines avec l’évolution de la pandémie nécessite des dépenses qui sont des investissements pour garantir la continuité de l’activité économique. C’est à la fois par l’innovation, l’investissement et l’audace que nous rendrons à l’économie son efficience et aux Français la confiance. Cette audace qui consiste à avoir des résultats dans l’action politique et non des intentions vites évanouies.

Encore et toujours notre principal adversaire c’est d’abord le temps. C’est pourquoi un changement de gouvernement alors même que la pandémie n’est pas maîtrisée est risqué. On peut se demander si l’objectif est politique, électoral ou technique. Pour autant il faut réussir. Certaines déclarations d’intention des ministres nouveaux arrivants se caractérisent par un irréalisme choquant. Avant de vouloir réinventer la France ce qui est bien au dessus de leur agenda, il faut le renforcer car il est affaibli. À cette fin le gouvernement serait bien inspiré de s’appuyer sur la société civile qui a montré beaucoup de courage et d’initiative pendant cette pandémie. Il devrait aussi accepter d’être besogneux et comptable de ses résultats.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !