Présidentielle 2022 : pourquoi le duel tant annoncé n’aura pas lieu<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Emmanuel Macron Marine Le Pen vote
Emmanuel Macron Marine Le Pen vote
©Eric Feferberg

Macron - Le Pen

Un sondage Ifop place Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour de la prochaine élection présidentielle en 2022, loin devant tous les autres concurrents. Si en apparence, la situation politique conduit à un match retour entre les deux protagonistes de l’édition précédente, plusieurs points laissent imaginer un tout autre scénario.

William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

Voir la bio »
Marion  P.

Marion P.

Marion P. est Secrétaire générale du Millénaire.

Voir la bio »

Le rapport de force n’évolue pas malgré la crise sanitaire

Le rapport de force évalué par le sondage Ifop publié le 22 juin dernier ne diffère pas de celui de l’enquête précédente menée en octobre 2019, bien que le contexte ait largement évolué avec la crise sanitaire à laquelle s’ajoute une inévitable crise économique et sociale. Cela peut s’expliquer notamment par une cristallisation des supporters du camp présidentiel comme de ceux de Marine Le Pen. D’un côté, ceux qui était déjà convaincu par le président de la République le reste, et ceux qui s’opposait déjà à lui, continue à le faire. Le premier enseignement du sondage est que la crise sanitaire n’a pas bouleversé cette équation.

Toutefois, plusieurs signaux d’alerte se posent à la fois pour Emmanuel Macron et pour Marine Le Pen à deux ans de l’échéance présidentielle. Les Français ne souhaitent pas dans une large majorité (80%) un duel entre ces deux personnalités, comme le soulignait un sondage Elabe publié en février dernier. Cette donnée peut être mise en lien avec un sondage du même type réalisé sous le quinquennat précédent qui révélait que 75% des Français ne souhaitaient pas d’un duel entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. De plus, des indications permettent de souligner les faiblesses d’un hypothétique match retour.

Marine Le Pen n’a pas de dynamique

Avant chaque élection présidentielle, le score de Marine Le Pen estimé par les sondages bénéficie de sa notoriété nationale et du flou qui entoure le choix du candidat de l’opposition. Lors des précédentes élections, à une année de l’échéance, la candidate du Rassemblement nationale obtenait ainsi systématiquement des sondages plus favorables que son score final. En avril 2011, Harris Interactive et OpinionWay laissait entrevoir la possibilité pour elle d’accéder au second tour de l’élection présidentielle de 2012, ce qui ne fut plus le cas après la désignation de François Hollande, vainqueur de la primaire socialiste en 2011.  De même pour l’élection présidentielle 2017, Marine Le Pen était régulièrement testé aux alentours de 30% avant de retomber progressivement à 21% suite à la désignation de François Fillon en novembre 2016. 

De plus, l’accession au second tour de l’élection présidentielle pour Marine Le Pen devait conduire dans la logique de l’élection présidentielle à deux tours, à son inscription comme la principale opposante à Emmanuel Macron. Cette stature aurait pu conduire son parti à bénéficier ainsi de la prime qui profitent aux partis d’opposition lors des scrutins locaux et obtenir de meilleurs résultats aux élections intermédiaires. Pourtant, les résultats des dernières élections européennes et des élections municipales ne reflètent pas une progression mais, au mieux, une stagnation du Rassemblement national en comparaison avec les scrutins de 2014.

Emmanuel Macron n’a pas de certitude

De son côté, l’analyse du sondage permet de tirer deux enseignements sur le vote macroniste. D’abord, le président de la République a durablement décroché auprès d’une partie de son électorat de gauche qui l’avait soutenu à l’élection présidentielle de 2017, mais qui est retourné à gauche lors des dernières élections européennes 2019. Par ailleurs, l’expérience des élections municipales a démontré que, de manière similaire, lorsque la droite républicaine était en capacité de l’emporter, les électeurs préféraient gagner sous leur propre couleur plutôt que d’accorder leur suffrage aux candidats de la majorité présidentielle. L’électorat potentiel du président demeure donc très volatile, quand il ne s’est pas déjà détourné.

L’analyse historique révèle également des signaux d’alerte pour le chef de l’État. En effet, l’alignement du mandat présidentiel et législatif avec la mise en place du quinquennat réduit les perspectives pour le président de la République d’instaurer une politique de long terme, en commençant par l’opportunité de réaliser deux mandats. Si Emmanuel Macron était réélu en 2022, il serait le premier depuis le général de Gaulle en 1965 à le faire en ayant toujours une majorité parlementaire. Un second fait souligne que les présidents sortants lorsqu’ils étaient de nouveau candidat font un moins bon score à la seconde élection (excepté François Mitterrand en 1988 mais qui bénéficiait de la cohabitation). La configuration actuelle du gouvernement joue ainsi en défaveur du chef de l’Etat pour l’élection à venir.

Des perspectives pour les autres

Le décrochage d’Emmanuel Macron sur sa gauche libère un espace politique. Toutefois, il existe une compétition pour le leadership de ce positionnement entre les verts (qui pourraient profiter de leur dynamique aux élections intermédiaires), le Parti socialiste et la France insoumise. Les polémiques entourant Jean-Luc Mélenchon ont réduit ses chances à prétendre être un nouveau François Mitterrand, particulièrement dans ses capacités à incarner la fonction présidentielle. Pour les deux autres formations politiques, les résultats aux élections municipales, départementales et régionales pourraient consacrer le leadership dans un sens ou dans l’autre. C’est ainsi un duel entre le PS et EELV qui commence ce dimanche, avec une attention soutenue pour les conquêtes politiques des écologistes. Une victoire dans plusieurs métropoles pourrait ainsi permettre à un candidat écologiste de prendre le leadership sur la gauche comme François Mitterrand l’a prise dans les années 70.

De l’autre côté, le score des deux candidats de la droite testés par Ifop, même s’il n’est pas important, ouvre des perspectives. En effet, contrairement aux figures de proue du RN et de LREM, les candidats testés sont encore inconnus pour une partie de la population. En effet, dans une enquête IPSOS de juin 2020, plus 25% ne se prononce pas sur l’action de Xavier Bertrand et plus de 28% sur François Baroin (contre respectivement 3 et 6% pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen). Ces chiffres sont encore plus marqués sur les catégories d’âges les plus jeunes, puisque plus de 40% des moins de 35 ans ne souhaitent pas porter un avis sur ces deux candidats. Ainsi, il n’est pas choquant en prenant ces paramètres que ces deux candidats recueillent si peu d’intention de vote dans ces catégories d’âges. Cette donnée ne doit pas, par contre, conduire la droite à faire l’économie du travail sur son projet politique, puisque la dernière élection présidentielle avait souligné son incapacité à s’adresser à tous les électeurs, par son ciblage de certaines catégories (les plus aisés, les seniors, etc.)  

Si l’explosion de la scène politique en 2017 rend les oppositions difficilement lisibles pour l’instant, au fur et à mesure que l’échéance présidentielle s’approchera, il est probable que les écarts d’intention de vote se resserrent. L’affaiblissement du socle électoral du président de la République sur sa gauche et l’expérience des élections municipales laissent envisager un espoir pour ces candidats. En raison de la fragmentation du système politique, il est ainsi possible que nous ne retrouvions ni l’un ni l’autre des deux favoris au second tour de la prochaine élection présidentielle.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !