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Contamination à la Covid-19 : ces éléments scientifiques qui permettent la timide reprise des orchestres et des chorales après la pandémie
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Propagation du virus

Les orchestres et les chorales font face à de nombreuses interrogations sur le plan sanitaire et sur les mesures à adopter pour limiter au maximum les risques de diffusion du coronavirus. Quels défis doivent relever les orchestres en cette période de pandémie et face à la menace de la Covid-19 ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Quels défis doivent affronter les orchestres en cette période de pandémie ?

Jouer dans une salle vide ?

Stéphane Gayet : Il est évident que les concerts en présence d’un public ont été annulés. Non seulement leurs annulations occasionnent un manque à gagner conséquent, mais c’est mauvais pour le moral des musiciens et du chef d’orchestre. Ils jouent de leur instrument à domicile – c’est en général possible -, mais les répétitions en orchestre constitué sont indispensables et font durement défaut. On a donc mis sur pied – en France comme dans d’autres pays – des concerts sans présence de public. On effectue bien sûr une captation vidéo qui est transmise en direct et en différé. Mais c’est particulièrement frustrant tant pour les musiciens, que pour le chef d’orchestre et le public.

Quand une salle est comble, cela stimule les artistes : ils sont portés et même galvanisés par le public qui crée une ambiance à la fois chaleureuse et exigeante. Le public est captivé et vibre émotionnellement ; il est en communion avec l’orchestre et ne pense plus qu’à lui et à la magie de sa prestation ; le silence absolu règne et personne ne doit tousser.

Mais circonstance oblige, les musiciens ont dû apprendre à se passer du public : une sorte de fausse répétition qui est en même temps un pseudo concert… dans une salle vide. En dehors de l’aspect vibrant de l’orchestre lorsqu’il joue dans une salle pleine et qui fait ici défaut, il y a la qualité de la captation phonique. Le son analogique magique de l’orchestre dans une salle de concert est converti en un son numérique compressé par la captation ; et le compte n’y est pas. En dépit de tous les efforts des techniciens du son, ce n’est qu’un son numérique compressé ; cela n’a rien à voir avec le son analogique qui remplit la salle de concert et émerveille le public passionné. Bien sûr, les musiciens baignent dans le son analogique réel qu’ils produisent, mais chacun est concentré sur sa partition ; quant aux téléspectateurs qui sont devant leur écran et se contentent de leurs enceintes à haute-fidélité, ils restent sur leur faim.

Éviter les contaminations au sein de l’orchestre

En ce qui concerne les instruments à cordes et les instruments à percussion, ce n’est qu’une question de prévention simple de la contamination interhumaine grâce à la distance de sécurité et au port du masque. Mais si les musiciens sont trop distants les uns des autres, cela nuit à la qualité de la symphonie.

Le vrai problème se situe du côté des instruments à vent dans lesquels le musicien souffle (par opposition à l’accordéon et au bandonéon). Lors de la pratique de ces instruments irremplaçables, le musicien produit une grande quantité d’aérosols humides (microgouttelettes ou « droplets ») et d’aérosols secs (noyaux de condensation ou « droplets nuclei »). Les microgouttelettes ont un diamètre qui va de 5 à 150 microns (millièmes de millimètre), une forte densité, une portée de 1,50 mètre et elles sédimentent rapidement ; les noyaux de condensation ont un diamètre inférieur à 5 microns, une faible densité, une portée de plusieurs mètres et ils restent longtemps en suspension dans l’air (particules dites aéroportées). Les aérosols humides proviennent surtout de la partie supérieure des voies aériennes (pharynx, larynx, trachée et grosses bronches), tandis que les aérosols secs proviennent surtout de la partie inférieure ou profonde des voies aériennes (petites bronches et bronchioles).

Tous les microorganismes en cause dans les diverses infections des voies aériennes sont véhiculés par des microgouttelettes ; c’est donc le cas des coronavirus. Seul, un très petit nombre de microorganismes peut être transmis en plus par des particules aéroportées (virus de la rougeole et de la varicelle, bacille de la tuberculose) ; la question n’est toujours pas vraiment tranchée pour les coronavirus (certains affirment qu’ils sont transmis par des noyaux de condensation ou particules aéroportées).

Quoiqu’il en soit, le défi est de permettre aux musiciens d’exercer leur art tout en évitant la transmission du virus au sein de l’orchestre, car les conditions sont très favorables à cette transmission avec les instruments à vent, sans parler des choristes qui sont les plus dangereux sur ce plan.

Tous les instruments diffusent-ils le virus de la même manière ?

Il existe des différences selon l’orifice de soufflage, la forme et la dimension de l’instrument.

Sur le plan de l’orifice de soufflage, on distingue les anches et les embouchures.

L'anche équipe de nombreux instruments. C’est une pièce à bouche constituée d’un bec contenant un petit morceau de roseau qui est travaillé. Le musicien serre ses lèvres autour de l’anche et la fait vibrer en soufflant. En vibrant, l’anche produit un son qui résonne dans l’instrument. L’anche peut être simple (saxophone, clarinette) ou bien double (hautbois, basson).

L’embouchure équipe surtout les instruments en cuivre. C’est une pièce à bouche métallique qui a une forme d’entonnoir. Le musicien pose ses lèvres sur l’embouchure et ce sont elles qui vibrent pour produire un son.

Le risque de diffusion de microgouttelettes paraît plus important avec les instruments à embouchure qu’avec les instruments à anche, mais à dire vrai cela n’a pas été vraiment étudié. S’agissant du risque de diffusion de particules aéroportées, il est a priori le même dans les deux types.

La taille et la forme de l’instrument comptent probablement davantage que l’orifice buccal.

Plus l’instrument est volumineux et contourné (tuba, trombone, saxophone) et plus le flux d’air de sortie a une vitesse lente et se disperse ; il s’opère une condensation interne sur les parois, ce qui décharge d’autant le flux d’air de sortie.

Plus l’instrument et petit et droit (flûte à bec, hautbois) et plus le flux d’air de sortie a une vitesse rapide et se trouve concentré en particules ; il y a moins de condensation interne.

Les instruments petits et droits seraient donc plus disséminateurs de particules que les instruments volumineux et contournés.

Comment limiter l'impact de la diffusion du CoVid-19 dans les orchestres ?

Plusieurs mesures peuvent permettre de limiter la transmission du virus parmi les musiciens.

Il est recommandé de prendre la température des artistes avant qu’ils ne s’installent et d’exclure tous les fébriles ainsi que les tousseurs. On peut proposer une détection virale systématique (par prélèvement nasal) chez les musiciens d’orchestre – tout particulièrement ceux qui jouent d’un instrument à vent - mais cela est contraignant et coûteux.

La distance entre les musiciens à vent doit être augmentée à deux mètres. Les cloisons en plexiglas ne sont pas très adaptées à un orchestre, car elles peuvent altérer la qualité de la symphonie.

Le mieux serait, pendant l’épidémie, d’éviter les œuvres musicales impliquant les instruments les plus disséminateurs.

On peut également avoir une action sur l’air de la salle de concert, en mettant en place un système d’extraction d’air à haut débit ; mais ce système est assez bruyant et coûteux.

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