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Alliance LREM / LR : le baiser de la mort... mais pour qui ?
©JEFF PACHOUD / AFP

Stratégie risquée ?

Après le cas de Gérard Collomb à Lyon, plusieurs alliances de second tour entre LREM et LR aux municipales se profilent, notamment à Bordeaux. Un aveu de faiblesse de LREM mais un baiser de la mort potentiel pour LR si l'accord revient à une répartition nationale pour En Marche. Cette stratégie pourrait avoir un rôle central dans la course pour l'élection présidentielle également.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico.fr :  Après Lyon, les alliances entre LREM et LR semblent fleurir sur le territoire français à l'approche des municipales. À la vue du paysage politique actuel, quels sont les intérêts et les risques d'une telle stratégie pour la droite française ?

Jean Petaux : Il me semble qu’il faut veiller à ne pas considérer les alliances LR / LREM comme identiques et relevant toutes des mêmes causes ou des mêmes conséquences. On peut bien sûr les analyser comme des convergences internes aux différentes sensibilités de droite et/ou de centre droit. Si ce n’est pas une lecture stupide, elle est sans doute un peu sommaire.

Des « produits finis » peuvent sembler, voire, être identiques, pour autant ils ont mobilisé des ingrédients très différents et un « procès » de fabrication également divergent d’un produit à l’autre. Typiquement par exemple l’alliance qui se profile à Bordeaux (et qui n’est pas encore officialisée à l’instant où je vous réponds) entre le maire sortant Nicolas Florian, successeur d’Alain Juppé depuis le 1er mars 2019, à la tête d’une liste LR alliée localement au MODEM, et Thomas Cazenave, ancien délégué interministériel à la modernisation de l’Etat, proche d’Emmanuel Macron dont il partage comme lui d’être membre du corps des Inspecteurs des Finances, à la tête d’une liste LREM, cette alliance donc n’a rien à voir avec la situation lyonnaise. La potentielle alliance bordelaise est d’abord claire : la liste Florian arrivée en tête avec une toute petite avance de 96 voix sur la liste conduite par le Vert Pierre Hurmic qui rassemble toutes les composantes de la gauche « républicaine » (EELV, PS, PCF et divers gauche), s’associe avec la liste arrivée en 3ème position, celle de Cazenave (12,69% des suffrages exprimés), laquelle est arrivée au 1er tour devant la liste d’extrême-gauche emmenée par Philippe Poutou, deux fois candidats NPA à la présidentielle et déjà une fois candidat à Bordeaux en 2014. Ensuite le fait que le MODEM local et son leader, le jeune Fabien Robert, ancien adjoint de Juppé et premier adjoint de Florian, ait poursuivi cette alliance locale LR/MODEM (bénie par François Bayrou, « le voisin palois ») préfigurait en quelque sorte une fusion entre les deux listes, LR (tendance Pécresse, mais surtout proche d’Edouard Philippe sous l’ombre tutélaire d’Alain Juppé) + MODEM + LREM : on est plutôt dans une configuration assez proche de la situation nationale. On voit bien comment la « bouillie bordelaise » est tout différente de la « sauce lyonnaise » où l’ombre « menaçante » de Laurent Wauquiez plane au-dessus de l’accord passé dans la capitale des Gaules entre Collomb et Buffet…

Le principal risque pour la droite française, LR pour tout dire, est de « récupérer » la charge négative dont sont désormais porteuses les listes LREM avant et depuis le 15 mars et le premier tour. En ce sens plus que d’un baiser de la mort que le mouvement macroniste offrirait à la droite française il serait plus juste de parler du syndrome du noyé qui voit celui-ci entrainer au fond de l’eau son sauveteur… ou celui qui voulait d’abord éviter au noyé une mort certaine, le ramener sur le sable et… lui faire les poches au passage. Car ne nous trompons pas, une alliance LR / LREM, des deux côtés des acteurs, est d’abord une alliance d’intérêts mutuellement consentis et partagés. En réalité tout va dépendre de « l’étrange campagne » qui va débuter à partir du 3 juin au matin (officieusement puisque le début de la campagne officielle serait fixé au 15 juin) jusqu’au 26 juin minuit. Si  la notion « d’union sacrée » parvient à s’inscrire dans les esprits, une alliance entre LR et LREM n’apparaitra pas comme purement fictive et « politicienne ». Dans le cas contraire, chaque contexte local jouera à plein et au final, les LR risquent de laisser « autant de plumes » que LREM dans ces fusions qui ne seront pas parvenues à apparaitre comme autre chose que « de circonstances ».

Si Emmanuel Macron ne parvenait pas à se représenter en 2022, pourrions-nous nous attendre à un nouveau déchirement de la droite entre successeurs des "constructifs", partisans de Valérie Pécresse et fidèles de Wauquiez.

Ce déchirement auquel vous faites allusion ne dépend en rien, à mon sens, de la candidature de Macron à un deuxième mandat. On peut d’ailleurs s’interroger sur les obstacles à une second mandature pour le Présdent. Il n’y en a pas. En tous les cas beaucoup moins que pour son prédécesseur qui s’est enfermé  dans d’hypothétiques primaires synonymes éventuellement d’une humiliation administrée par les seuls électeurs de gauche et qui auraient donc « pourri » les six derniers mois de sa présidence. Macron, issu d’un mouvement qu’il a créé ex-nihilo, fondamentalement césariste dans sa naissance, son fonctionnement et son rapport à son « géniteur / leader » n’est aucunement susceptible d’être empêtré dans une querelle de succession. C’est lui ou rien pour LREM. Cela a le mérite de la simplicité.

De ce fait la droite peut très bien s’entre-déchirer dans un combat « fratricide » bien plus dur que ce que nous ont montré les primaires novembre 2016 pour LR, avec ou sans Macron dans le paysage. Vous citez Pécresse et Wauquiez, mais quid de Baroin qui ne cache même pas qu’il se prépare, de Larcher qui y pense certainement tous les matins en se rasant, de Retailleau qui s’y voit aussi, et, évidemment de Xavier Bertrand. Tous les noms que je viens de citer n’empêcheront même pas un.e énième candidat.e de sortir du bois. Il est bien évident qu’Emmanuel Macron, habile dans « la discorde chez l’ennemi » aura tendance à souffler sur les braises des droites pour tirer ses propres marrants du feu. Ce dont on peut être certain c’est qu’il n’aura même pas besoin d’acheter le carburant, ni même les allumettes…

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