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Macron/Collomb : le match du meilleur instinct pour 2022
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Mains tendues

Alors que le maire de Lyon avait été l’un des premiers à croire au potentiel d'Emmanuel Macron, il fait désormais le choix de s'allier avec Les Républicains. Emmanuel Macron lui semble miser sur une relance de son quinquennat par la justice sociale et l’écologie. Laquelle de ces deux stratégies a le meilleur potentiel ?

Daniel Perron

Daniel Perron

Daniel Perron est docteur en droit (Histoire du droit) et expert en politiques publiques rurales.

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Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico : Après avoir été le premier à croire en Emmanuel Macron, Gérard Collomb a poussé la logique du "en même temps" jusqu'à faire alliance avec les Républicains en vue des municipales. De son côté Emmanuel Macron tente lui, de décaler son positionnement politique vers la gauche. Laquelle de ces deux figures politiques possède le meilleur instinct politique ?

Chloé Morin et Daniel Perron : En réalité, à ce stade, rien ne dit vraiment qu'Emmanuel Macron ait choisi de "décaler son positionnement" vers la gauche. Certes, il a dit "quoi qu'il en coûte". Il a dit qu'il devait "se réinventer", donner des moyens aux hôpitaux... mais qui, de l'extrême droite à l'extrême gauche, n'a pas également dit cela? 

C'est d'ailleurs bien le problème : depuis le discours du 13 avril, il n'y a pas réellement eu de discours "fort" du Président. On peine à voir quel cap il veut fixer à la suite de l'épreuve que nous avons connue. Du coup, cela donne un sentiment de flottement, voire d'instabilité. 

Or, il faut rappeler, comme nous le faisons dans l'essai sur les partis politiques publié à la Fondation Jean Jaurès, que dans notre système institutionnel, tout repose sur le Président. Clé de voûte du système, il donne le "la" à la majorité, qui a été élue grâce à lui, et au gouvernement, dont il a nommé le premier ministre. De ce fait, quand le Président ne cadre pas, quand il ne dit pas où l'on va, tout le système paraît flotter. On l'a vu ces derniers jours avec des ministres affichant des ambitions primo ministérielles, mais sans trop en dire de peur que les orientations présidentielles futures ne viennent les invalider. On l'a vu, aussi, avec un concours de propositions parlementaires partant sur la droite ou la gauche... Et finalement, l'initiative de Gérard Collomb dont vous parlez peut aussi être lue à cette aune : quand le "chef" ne pose pas de limites, il ne reste plus que des ambitions personnelles, des calculs électoraux locaux, détachés de tout socle idéologique commun. Notre système institutionnel, et singulièrement dans ce moment de crise aigüe, a besoin d'une parole présidentielle claire. Emmanuel Macron doit parler et orienter maintenant, ne serait-ce que pour empêcher le flou de cultiver des fantasmes. 

Yves Michaud : Du point de vue local, c'est-à-dire lyonnais, le plus fin politique est Collomb. Il sait que Lyon est plutôt une ville centriste/centre-droit (voir la longue présence de Raymond Barre). Bruno Bonnell député LREM de Villeurbanne ne condamne pas le choix de Collomb : Lyon n'a vraiment pas vocation à se faire « hidalguiser » avec une coalition de pure opportunité entre LREM, et le parti vert-rouge, écolos radicaux+ socialos.

Du point de vue non pas national mais des ambitions de la personne Macron à la course à la réélection, l'alliance écolos-roses-LREM se comprend mais est risquée : je ne suis pas certain que l'électorat de gauche se macronise avec jubilation et quant aux écologistes, le jour où ils feront autre chose que leurs propres affaires, on en reparlera.

Dernière constatation, le retrait « parisien » et centralisateur de l'investiture LREM à Collomb confirme que Macron fait diriger par Guerini, Legendre (celui qui est trop intelligent pour nous les pauvres Français!) et Ferrand un parti de godillots, le fait obéir à ses calculs et qu'il a une personnalité déplorable où prédomine une méchanceté vindicative et mesquine. Collomb n'a jamais trahi les socialistes : il fut toujours un social-démocrate bon teint, un peu moins que Jean-Marie Bockel mais dans la même ligne. S'il fallait parler des vrais traîtres socialistes, Ferrand serait plus dans le rôle et avant lui un quidam dont on n'entend plus parler et qui s'appelait Eric Besson.

Au regard du champ politique actuel tant sur la situation des partis que sur la capacité de l'électorat à se déplacer, le centre a-t-il vocation à se décaler vers sa droite pour peser dans l'opinion aux prochaines élections ?

Chloé Morin et Daniel Perron : Nous sommes à un moment de retour du clivage droite gauche. Emmanuel Macron pourrait faire le choix d'un gouvernement d'Union nationale pour sortir de la crise qui s'annonce terrible. Après tout, la promesse du "en même temps" de 2017 pouvait laisser envisager une telle posture que les Français ont semblé approuver. Encore faut-il trouver les hommes et les femmes pour ce faire. S'il ne le fait pas, il devra dire clairement le chemin qu'il veut emprunter, et ce, dans l'ambiance de crispation que nous connaissons. 

Nous voyons avec la création de deux groupes supplémentaires à l'Assemblée nationale que l'équilibre commence à être instable et les ambitions, à deux ans de la présidentielles, s'aiguisent. On sent que chacun veut tirer l'équilibre à soi et que la loyauté s'érode devant les difficultés électorales et politiques. 
Si l'on considère LREM comme "le centre", choisir de se déporter à droite pose une question dont nous voyons bien avec l'affaire Collomb qu'elle fracture le parti. Se déporter à gauche pourrait avoir les mêmes effets. Quoi qu'il en soit, LREM pèsera dans les élections à venir, ne serait-ce que parce que tout tourne autour de la personne du président Macron et que l'on se positionnera aussi en regard de son action. Mais attention, il reste encore18 mois réellement efficaces pour le Gouvernement. Emmanuel Macron peut donc parfaitement (re)trouver l'équilibre.

Yves Michaud : Je pense que le centre a effectivement intérêt à se décaler sur sa droite – mais serait-ce même un décalage plutôt que du sur-place ? -. Quant au centrisme de gauche type « radicaux-de-gauche » ou Baylet, c'est une variété du cassoulet et.surtout une manière d'obtenir des sièges de sénateurs et des postes de ministres. Il y d'ailleurs a un équivalent de ces partis « alimentaire » à droite : l'AGIR de Riester et Bournazel – sans le cassoulet hélas !

Les municipales sont-elles un laboratoire qui permettrait aux partis politiques  de préparer leur futur positionnement aux élections présidentielles ? 

Yves Michaud : Non et pour trois raisons.

D'abord ces municipales ont été rendues insignifiantes par le taux d'abstention phénoménal du premier tour, par l'intervalle de trois mois entre les deux tours (3 mois!) et l'absence de campagne électorale. Les électeurs n'y voient donc pas grand intérêt ni même enjeu. La légende voulait que dans un village de la région lyonnaise, on laisse rouler une courge le long d'un pré en pente et que celui qui l'attrapait serait maire – souvent c'était un cochon qui allait le plus vite... Sans être désobligeant, j'ai peut que le cochon ce soient ici les écologistes....

Ensuite la crise du Corona a surpris tout le monde, déjoué tous les plans, elle n'est pas finie et quand on va voir pour de bon l'ardoise économique et sociale, beaucoup de gens auront un coup au cœur et un coup au porte-monnaie. Beaucoup n'auront même plus de porte-monnaie.

Enfin, Macron se retrouve dans une situation aussi contradictoire que comique: il s'est fait élire en libéral réformateur et se retrouve à devoir faire une politique à la Mauroy 1981-1984 -nationalisations comprises!. C'est un peu comme si on engageait Mbappé pour le faire jouer arrière central. Ma brillante comparaison a en plus une limite : un oligarque ne deviendra jamais un Mbappé. Bref, Le « en-même-temps » va devenir du« ni-ni ».

Chloé Morin et Daniel Perron : Les municipales sont des élections très particulières, dans le sens où l'étiquette pèse moins que la personnalité des candidats, que l'on connait, et que souvent on apprécie. Cette fois-ci, on a même vu très peu de candidats revendiquer leur étiquette partisane, beaucoup l'ont cachée comme si elle était honteuse...

Reste que les résultats du second tour donneront une idée du rapport de force territorial entre les partis. Déjà, on voit la faiblesse du parti présidentiel, qui n'est pas parvenu à s'ancrer dans les territoires. On voit aussi que le PS et Les Républicains, que l'on voulait enterrer, en sortiront renforcés - il est même possible, à l'heure qu'il est, que des coalitions rassemblées autour et par le PS gagnent des villes importantes comme Marseille, ce qui eût été impensable il y a quelques mois... Souvent, on constate que là où la gauche a su se rassembler - écologistes, socialistes, etc -, elle a été en mesure de faire de bons scores. Cela peut enclencher une dynamique nationale, et enfin inciter à l'union des appareils partisans qui jusqu'ici étaient terriblement divisés.

Donc les municipales vont nécessairement peser dans les rapports de force, et les alliances en vue des élections futures. D'abord pour les régionales, sans doute, puis peut-être pour la Présidentielle. 

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