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Vous ne connaissez pas Paulette Sarcey ? Elle a pourtant écrit, avec d’autres, une des plus belles pages de l’histoire de France
©Archive de la préfecture de Police

Pour elle

Elle vient de mourir. Et avec elle une merveilleuse voix disparaît.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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De son vrai nom elle s’appelait Paulette Sliwka. Une Juive polonaise. Avec un prénom très français parce que ses parents voulaient qu’elle soit française. Paulette donc pour épouser la France.

Elle avait 16 ans en juillet 1942 au moment de la rafle du Vel d’Hiv. Clandestine déjà car elle militait dans les rangs des Jeunesses communistes juives du 11e arrondissement.  Apprenant que la rafle était en cours elle accourût Rue d’Angoulême (Jean-Pierre Timbaud aujourd’hui) pour prévenir ses parents qui y habitaient. Elle arriva trop tard et vit son père et sa mère embarqués par la police de Pétain. Ils ne revinrent pas.

Je l’ai rencontrée longuement et à plusieurs reprises pour un livre que j’écrivais*. Paulette m’a donné à voir et à entendre un monde disparu que je n’avais ni vu, ni connu. Elle habitait rue des Immeubles-Industriels et avait pour copains nombre des fusillés de l’Affiche Rouge. Avec elle, grâce à elle, a ressuscité le 11eme arrondissement de Paris.

Un quartier populaire, essentiellement juif, et le plus souvent communisant. Et alors dans un cortège magnifique et joyeux, la vie est revenue. J’ai vu des mosaïstes-doreurs, des polisseurs de glace, des imprimeurs sur étoffes, des vernisseurs sur métaux, des argenteurs, des quadrilleurs de peau, des finisseuses, des taillandiers, des ouvriers ébénistes, des piqueurs sur tige, des fondeurs de fer. Sont venues danser les cartonnières, les boutonnières, les couturières, les marchandes de quatre-saisons.

Ces Juifs-là savaient rêver et le rêve projeta sur eux une éblouissante et merveilleuse lumière. C’est ce rêve qui fit de beaucoup d’entre eux, notamment chez les plus jeunes, des gens de courage et de dignité, prêts à défier le ciel. Paulette me confia que quand elle était aux Jeunesses communistes, elle chantait une très ancienne chanson yiddish : « quand je regarde le ciel, je n’y vois pas Dieu ». Elle a ajouté que maintenant elle avait envie d’y croire « car alors le ciel paraît plus beau et la vie toujours pleine d’espoir ».

En ces années de joie, de souffrance et de combat on s’aimait très jeune. Le premier amant de Paulette s’appelait Henri Krasucki, de deux ans plus âgé qu’elle, qui devint plus tard le patron de la CGT. Paulette, Juive polonaise, était française bien plus que beaucoup de descendants d’immigrés qui aujourd’hui ne savent pas ou ne veulent pas l’être. J’ai passé de belles heures à écouter Paulette. Comme je lui suis redevable de beaucoup, je lui dois aussi ces quelques lignes.  

* « L’Affiche Rouge », Benoît Rayski, Editions Denoël 

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