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Des scientifiques américains découvrent le trou noir le plus proche de notre système solaire
©M. KORNMESSER / EUROPEAN SOUTHERN OBSERVATORY / AFP

Proche si proche

Des astronomes de l'Observatoire européen austral (ESO) ont découvert un trou noir de petite taille à seulement 1.000 années-lumière de la Terre. Cette découverte inattendue laisse présumer que la Voie lactée compte bien plus de trous noirs qu'on ne le pense.

Guy Perrin

Guy Perrin

Guy Perrin est Directeur adjoint scientifique chargé de l’astronomie au CNRS/INSU. Guy Perrin est ancien élève de l’École polytechnique et docteur en astrophysique et techniques spatiales de l’université Paris 7. Il est spécialiste de haute résolution angulaire et s’intéresse aux étoiles évoluées, aux noyaux actifs de galaxies et au trou noir super-massif au centre de notre galaxie, Sgr A*. Il a été Co-PI de l’instrument MIDI du ESO/VLTI, a dirigé l’équipe ‘OHANA qui a démontré la recombinaison de télescopes optiques par fibres monomodes et est le responsable de la contribution française à l’instrument GRAVITY dont l’objectif phare est l’étude de Sgr A* et les tests de la relativité générale en champ fort. Il a été vice-président du Conseil Scientifique de l’Observatoire de Paris et directeur du Domaine d’intérêt Majeur Astrophysique et Conditions d’Apparition de la Vie de la Région Île-de-France. Il a reçu le prix jeune chercheur de la SF2A en 2005, le grand prix scientifique Simone et Cino del Duca de l’Institut de France en 2015 et avec son équipe, le prix La Recherche en 2019. Il est également, depuis 2019, Chevalier de l’ordre national du mérite. 

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Une équipe d'astronomes de l'Observatoire européen austral (ESO) et d'autres instituts a découvert un trou noir situé à seulement 1000 années-lumière de la Terre, dans la constellation appelée « Télescope ». Le trou noir est plus proche de notre système solaire que tout autre à ce jour et fait partie d'un système triple qui peut être vu à l'œil nu. 

Que savait-on jusque-là des trous noirs situés dans la Voie lactée ?

Guy Perrin : On savait déjà beaucoup de choses quand même. Le premier trou noir dit stellaire à avoir été découvert, dans les années 60, est Cygnus X-1. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une source de rayons X due à du gaz chauffé dans un disque d’accrétion autour d’un trou noir. Ce fut d’ailleurs le premier candidat trou noir. La masse estimée de Cygnus X-1 est d’environ 9 masses solaires. À l’autre bout du spectre, le trou noir super-massif au centre de la Galaxie, Sgr A* dont notre équipe, la collaboration GRAVITY, estime la masse à environ 4 millions de fois la masse du Soleil. Des trous noirs, dits de masse intermédiaire de quelques milliers de masses solaires, sont aussi attendus. Un candidat au sein d’un amas du Toucan a été détecté.

En quoi cette découverte est-elle particulièrement remarquable ?

La découverte est remarquable par la méthode. Habituellement les trous noirs de masses stellaires (c’est-à-dire de quelque fois la masse du Soleil par opposition aux trois noirs super-massifs de quelques millions à quelques milliards de masses solaires ou aux trous noirs de masses intermédiaires de typiquement quelques milliers de masses solaires) sont découverts par le fort rayonnement X émis par le gaz en orbite autour de ces trous noirs. Cette méthode classique nécessite donc que du gaz puisse être accrété par le trou noir, ce qui biaise la détection vers un type particulier de système. Dans le cas de HR 6819, ce n’est pas l’émission en rayons X due à du gaz chauffé par l’attraction gravitationnelle d’un trou noir qui a été mesurée mais, à l’instar de la détection d’exoplanètes, le mouvement induit sur des étoiles visibles par l’attraction gravitationnelle de l’objet invisible interprété comme un trou noir. Plus besoin de gaz chaud par cette méthode pour permettre la détection.

Publiée dans Astronomy & Astrophysics, l’étude inique également que de nombreux trous noirs similaires pourraient être trouvés à l'avenir. Qu’apporte la connaissance d’un trou noir supplémentaire aux recherches astronomiques ?

Le trou noir en lui-même n’apporte pas grand chose ou peu. En revanche comprendre quelle est la population de trous noirs stellaires donne des informations sur les scénarios de formation d’étoiles et sur l’évolution des systèmes multiples. Ces trous noirs sont les reliquats d’étoiles massives qui ont par conséquent des durées de vie bien plus courtes que celle du Soleil (quelques millions d’années contre 10 milliards d’années). Détecter ces trous noirs c’est un peu faire de l’archéologie des étoiles massives qui ne sont plus visibles. 

Comment expliquer que ce trou noir ait été découvert si tardivement ? Faut-il s’inquiéter de sa proximité ?

Ce trou noir n’était pas recherché ! C’est ce que l’on appelle une sérendipité. Il a été découvert en étudiant des étoiles doubles. On peut imaginer que d’autres soient maintenant découverts par cette méthode grâce à un relevé systématique. 

Il ne faut absolument pas s’inquiéter de sa proximité. Son influence sur le système solaire est plus qu’infime et très inférieure à celle des étoiles qui sont plusieurs centaines de fois plus proches de nous. À grande distance, seule la masse importe et sa masse n’est que de 4 fois celle du Soleil environ. Le fait qu’il soit un trou noir n’a aucune influence. 

Cette découverte d’un trou noir proche du système solaire contredit-il les théories précédentes ? Que penser, par exemple, de la théorie de Stephen Hawking selon laquelle les trous noirs sont franchissables et mènent à un univers parallèle ?

Pas du tout, cela ne contredit aucune théorie. Il pourrait y avoir des trous noirs encore plus proches. On sait par exemple que le système solaire se trouve dans l’environnement proche d’une supernova ancienne en raison d’éléments que l’on trouve sur Terre. Cette supernova a peut-être donné naissance à un trou noir stellaire bien plus proche que celui qui vient d’être découvert. 

Quant à la théorie de Stephen Hawking, elle prouve la différence entre théorie et observation. Cette théorie physique fonctionne mais ses effets n’ont pu être observés et l’on ne peut donc dire si un tel phénomène existe dans la nature. Peut-être sera-t-on un jour en capacité de contredire ou de confirmer cette théorie. L’observation a fait beaucoup de progrès et nous avons maintenant des données sur deux trous noirs super-massifs, Sagittarius A* au centre de notre galaxie et M87*, qui permettent d’étudier les régions très proches du bord de ces trous noirs que l’on appelle l’horizon des événements. On est à quelques rayons de leur frontière. 

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