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Comment la Chine s’assure le contrôle des institutions internationales : la subordination récente de multiples instances par Pékin
©Fabrice COFFRINI / AFP

Prise de pouvoir

Première partie d'une série de quatre articles dans lesquels Antoine Brunet présente la pénétration des grandes institutions internationales qu’a opérée la Chine après la crise de 2008.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Il n’était pas besoin d’attendre la déclaration du président Trump le 8 avril dernier pour établir ce qui est ma propre conviction depuis environ 10 ans : la Chine a la volonté et la capacité de contrôler et d'instrumentaliser en sa faveur les principales institutions internationales. Cette offensive de la Chine en direction des grandes institutions internationales est même à l'évidence un des axes de la montée en puissance géopolitique que la Chine a entreprise méthodiquement depuis 1990.

La Chine a commencé en 2010 avec le FMI (à l'occasion de la crise de 2008 à laquelle elle avait par ailleurs beaucoup contribué) :  en contrepartie d'un gros prêt exceptionnel qu'elle avait accordé au FMI, la Chine avait alors obtenu de DSK qu'un troisième poste de Deputy Manager Director soit créé pour lui être dédié.

De ce fait, à côté du Managing Director (le N°1) qui est dédié à l'Europe (DSK puis Mme Lagarde puis aujourd’hui Mme Georgieva, Bulgare), à côté du First Deputy Managing Director (le N°2) qui est dédié aux Etats Unis, à côté d'un Deputy Managing Director (le N°3) qui est dédié au Japon et d'un autre Deputy Managing Director (le N°3 Bis) qui est dédié au reste du monde), DSK créait un troisième poste de Deputy Managing Director (le N° 3 Ter). Au total, la Chine disposait désormais d’un des cinq postes-clés à la tête du FMI.

Très vite, ce Deputy Manager Director dédié à la Chine (Tao Zhang) est devenu très actif et très influent au sein du FMI (on rapporte qu’il occupait même un bureau très proche de celui de DSK au FMI). Et cinq ans après avoir obtenu ce siège à la tête du FMI, la Chine obtenait que le yuan soit introduit dans la définition du Droit de Tirage Spécial (DTS, la monnaie du FMI) aux côtés du dollar, du yen, de l’euro et de la livre sterling.

Le Parti Communiste Chinois a par la suite réussi à faire élire par les pays de l'ONU un de ses membres, Meng Hongwei, au poste de président d'Interpol (de 2016 à 2018, année à partir de laquelle le PCC le retint sur le territoire chinois, l'accusa de corruption, lui fit publiquement le reproche de "willfullness", d’«obstination» (ce qui semble signifier que le PCC lui reprochait « une obstination » à agir en tant que président d'Interpol plutôt qu'en tant que membre des instances du PCC). Le PCC l'a ensuite exclu de ses rangs avant de le faire condamner à 13 années d'emprisonnement.

C'est une femme du Parti Communiste Chinois, Madame Chan, que la Chine avait réussi à faire élire à la tête de l'OMS, Organisation Mondiale de la Santé, avant qu'à l'échéance de son deuxième mandat, la Chine s’emploie avec succès à ce que le poste revienne au candidat qu’elle soutenait publiquement, M.Ghebreyesus, antérieurement haut fonctionnaire (et même ancien ministre) de l'Ethiopie, un pays qui est fortement subordonné à la Chine.

Il faut à cet égard relever que l'OMS, ainsi devenue et maintenue prochinoise, s’est avérée particulièrement dommageable pour le monde hors Chine au cours de la crise sanitaire mondiale que nous subissons.

Elle a d’abord fait perdre trois semaines précieuses à la Communauté mondiale pour reconnaître qu’une dangereuse épidémie prenait forme en Chine : dès le 30 décembre, le monde médical à Wuhan savait qu’on était en présence d’une dangereuse épidémie ; et il a fallu que Pékin réduise au silence le 1er janvier le célèbre et héroïque Docteur Li Wenliang pour tenter d’empêcher que cette information ne soit diffusée. Or, comme si l’OMS n’avait absolument rien su de cet épisode, comme si aussi elle avait délibérément ignoré la démarche effectuée par Taïwan le 31 décembre 2019 auprès d’elle pour l’alerter de l’évolution sanitaire en Chine, comme si elle avait obéi aux mêmes pressions que celles qu’avait subies le Docteur Li, c’est seulement le 20 janvier qu’elle accepte enfin de reconnaître et d’annoncer qu’une épidémie s’était répandue en Chine.

L’OMS a ensuite fait perdre sept autres précieuses semaines à la communauté internationale. Après avoir admis le 20 janvier l’existence de l’épidémie en Chine, l’OMS, au cours des réunions successives de son Comité Directeur s’est obstinément refusé longtemps à admettre et à annoncer officiellement que cette épidémie était en réalité une pandémie, c’est-à-dire une épidémie tellement virulente et tellement contagieuse que chacun des pays de la planète en était menacé. C’est ainsi seulement le 11 mars, lorsqu’il était par ailleurs devenu évident à chacun que l’épidémie atteignait toute la planète, que le Directeur de l’OMS se décida à reconnaître que l’épidémie était une pandémie,

Au lieu d'alerter le reste du monde comme cela était son devoir, l'OMS l’a donc délibérément endormi, ce qui a maximisé la contamination au reste du monde et ce qui a maximisé aussi l’énorme déstabilisation économico-socio-politique subie par le reste du monde, particulièrement par les pays démocratiques qui s’avèrent être les pays les plus atteints par la contamination.

La Chine a instrumentalisé l'OMS pour nuire au reste du monde, pour mieux le déstabiliser et pour réussir à vassaliser quelques pays supplémentaires (au premier rang desquels des pays comme l'Italie et peut-être aussi la Belgique, l'Espagne et la France qui, pour obtenir les produits manufacturés que seule la Chine peut produire, vont devoir s'endetter encore davantage auprès de la Chine, une Chine qui alors ne manquera pas d’exiger d'elles toutes sortes de contreparties diplomatiques, en particulier au bénéfice de Huawei et de son projet mondial de téléphonie 5G).

Outre l’OMS, très récemment, le Parti Communiste Chinois a réussi à faire élire en juin 2019 un de ses membres, Qu Dongyu, à la tête de la FAO (Fonds pour l’Alimentation et l’Agriculture). Si comme certains experts commencent à le craindre (du fait de la coïncidence avec la dévastation de l’Afrique Orientale par des vagues successives de criquets), la crise sanitaire s’accompagnait d’une crise alimentaire mondiale, ce serait une FAO contrôlée par le Parti Communiste Chinois qui dicterait au reste du monde la politique à suivre....Gageons qu'en pareil cas, la FAO adopterait des pratiques privilégiant la Chine plutôt que la communauté internationale dans son ensemble.

Outre l’OMS et la FAO, la Chine a réussi à faire nommer Madame Fang Liu à la tête de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO), Monsieur Houlin Zhao à la tête de l’Union Internationale des Télécommunications et Monsieur Li Yong à la tête de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel. Autant de postes très importants qui permettront à Pékin d’accroître son emprise sur la communauté mondiale pour l’orienter dans un sens qui correspond à ses intérêts très spécifiques.

Le plus significatif, de ce point de vue, est la volonté de Pékin de pénétrer toujours plus le Conseil des Droits de l’Homme au sein de l’ONU. Le Parti Communiste Chinois ne fait pourtant pas mystère de son opposition principielle aux Droits de l’Homme. Il refuse de les considérer comme une valeur universelle et il s’obstine à les caractériser comme une valeur seulement occidentale. Sa pratique au sein de ce Conseil montre qu’il n’y est présent que pour neutraliser toute protestation qui émanerait de l’ONU contre les régimes tyranniques et contre les régimes totalitaires.

Les pays démocratiques nous semblent d’ailleurs beaucoup trop complaisants avec toutes ces institutions qui sont désormais contrôlées par la Chine. Pourquoi n’ont-ils pas encore protesté collectivement contre l’OMS pour lui reprocher la lenteur coupable dont elle a fait preuve avant de prononcer que le monde était menacé d’une pandémie ? Pourquoi ne rejoignent-ils pas collectivement les Etats Unis et l’Australie dans leur démarche exigeant qu'une équipe d'experts internationaux hors OMS puisse séjourner assez longtemps à Wuhan et en Chine pour y identifier l’origine de l'épidémie.

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