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Ce que les autopsies nous apprennent sur le Covid-19
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

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L’analyse autopsique est indispensable à la compréhension des mécanismes du virus SARS-Cov-2, à l’origine de l'épidémie de Covid-19.

Christopher Payan

Christopher Payan

Christopher Payan est virologue au CHU de Brest et professeur à la faculté de médecine de l'université de Bretagne Occidentale (Brest).

Il est l'un des auteurs de Mini manuel de microbiologie (Editions Dunod)

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Une interview des pathologistes W. Wayt Gibbs et Steve Mirsky pour Scientific American, le 23 avril 2020, s’intéresse à l’état des tissus (poumon, cœur, rein, cerveau) sur autopsie après décès lors d’une « ADRS » (acute distress respiratory syndrom) lié au COVID-19. L’analyse autopsique est indispensable à la compréhension des mécanismes du virus SARS-Cov-2 à l’origine de cette infection et occasionnant environ 1% de mortalité chez des sujets à risque. Les pathologistes américains interviewés précisent les conditions difficiles d’autopsie dans le cadre du COVID-19 nécessitant une protection du pathologiste (combinaison étanche, masque et lunette) et de son environnement de travail, repris dans son article «  COVID-19 autopsies, Oklahoma, USA » publié par Barton et coauteurs dans la revue « American Journal of Clinical Pathology » à paraitre dans le numéro de mai 2020.

Atlantico : Pouvez-vous  nous expliquer comment le coronavirus s'attaque à ces autres parties du corps ? Qui est concerné par ces attaques ? Comment se fait-il que nous ne l'ayons pas vu plus tôt ?

Christopher Payan : Le SARS-Cov-2 infecte les cellules épithéliales du tractus respiratoires et de la muqueuse digestive par reconnaissance des récepteurs associés aux enzymes 2 de la conversion de l’angiotensine, il a donc un potentiel assez large. Les atteintes cardiovasculaires sont décrites dans les formes sévères du COVID lors de la détresse respiratoire depuis les premiers cas, avec une défaillance générale multi-organe, donc ce sont tous les tissus qui peuvent être impliqués. Des cas de méningo-encéphalite avec confusion et trouble de la vigilance sont décrits depuis peu en lien avec le COVID. Il est possible que ces cas soient passés inaperçus dans un premier temps, se focalisant sur l’atteinte pulmonaire.

A quoi ressemble le COVID-19 lorsqu'il s'empare de notre corps ? Y a-t-il des zones où il passe en priorité ? Comment déceler cela ?

Dans un premier temps, il s’agit le plus souvent d’une infection des voies respiratoires hautes comme les 4 coronavirus humains, avec des signes plus ou moins visibles, qui apparaissent en 3-4 jours et qui s’apparentent à un gros rhume, une perte de gout et d’odorat, parfois une fièvre. Ce qui le caractérise par rapport aux autres infections est sa durée (en moyenne 20 jours, pouvant aller à près de 40 jours) et une dégradation plus sévère de la fonction respiratoire d’apparition brutale entre 7 et 14 jours après le début de l’infection dans environ 5% des cas, le plus souvent chez des personnes à risque. Le plus souvent cette infection guérie spontanément en 14-20 jours avec l’apparition d’anticorps neutralisants. On ne connait pas la durée de protection de ces anticorps mais la survenue chaque année de virus respiratoires ne plaident pas en faveur d’une immunité très durable mais peut-être suffisante pour en atténuer les effets. Lors des formes plus sévères le virus est retrouvé dans l’arbre bronchique jusqu’aux vacuoles pulmonaires avec une inflammation sévère (appelé orage cytokinique) qui conduit à un épaississement des vacuoles et donc une réduction importante des échanges d’oxygène (détresse respiratoire sévère).  C’est ce qui est observé à l’autopsie par ces pathologistes. A ce stade, c’est cette réaction inflammatoire sévère qui est responsable des désordres observés dans les différents tissus et non directement le virus qui n’est pas retrouvé dans les tissus distants du poumon ni dans le sang. Il est cependant à l’origine de cette réaction inflammatoire, le contrôle du virus en début d’infection devrait empêcher ce risque.

Ces découvertes vont-elles pouvoir permettre une meilleure prise en charge des patients ou sont-elles inquiétantes quant à la léthalité du virus ?

Elles permettent de mieux comprendre l’implication de ce coronavirus dans les défaillances multi-organes tardives, celles-ci étant liées à une réponse immunitaire inadaptée et non directement au virus, un traitement antiviral à ce stade risque d’être peu efficace mais sans doute à un stade plus précoce.

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