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Une autre stratégie : la bourse ET la vie
©DAMIEN MEYER / AFP

Économie/société

Faut-il sauver des vies en arrêtant l’economie par le confinement ou serait-il préférable de remettre l’économie en route au risque de prolonger et amplifier la maladie ? Il est possible d’échapper à ce dilemme en adoptant des stratégies autres et plus intelligentes.

Guy Sorman

Guy Sorman

Auteur d'une trentaine d'ouvrages traduits du Japon à l'Amérique latine, de la Corée à la Turquie et la Russie, élu en France et entrepreneur aux Etats-Unis, chroniqueur pour Le PointLe Monde et de nombreux journaux étrangers, Guy Sorman est un esprit libre dont les conceptions libérales prennent souvent à contrepied la droite comme la gauche en France. Son dernier livre J'aurais vioulu être français est paru chez Grasset, en octobre 2016.

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Nous voici tous, à égalité, toutes nations et classes sociales confondues, exposés à  la menace mortelle d’un virus qui n’est pas chinois – les virus n’ont pas de passeport – mais qui nous arrive bien de Chine. Les premiers responsables de cette pandémie sont les dirigeants de la province de Hubei, puis le Président chinois qui, par goût du secret et horreurs des mauvaises nouvelles, ont dissimulé la vérité à leur peuple puis au reste du monde, pendant environ six semaines. Cette dissimulation aura été tragique et décisive, permettant au virus de s’échapper de son foyer d’origine, la ville de Wuhan, pour infecter toute la Chine puis le reste du monde. À ce mensonge d’État se sont ensuite ajoutées les dénégations, l’insouciance et l’incompétence des dirigeants occidentaux comme si la pandémie ne devait concerner que les voisins ou – comme osait le dire Donald Trump – allait se dissiper d’elle-même tel un mauvais rhume. Ensuite, les gouvernements d’Europe et des États-Unis, totalement imprépares à une pandémie qui était cependant prévisible et annoncée  – depuis deux ans – par les experts médicaux, en particulier par le Professeur Michael Osterholm de l’Université du Minnesota, se sont enfermés dans un effroyable dilemme : faut-il sauver des vies en arrêtant l’economie par le confinement (la position française) ou serait-il préférable de remettre l’économie en route au risque de prolonger et amplifier la maladie (la position de Donald Trump). Ce qui nous rappelle cette vieille expression française « La bourse ou la vie ? », le choix relatif offert naguère par les brigands à leurs victimes.

Eh bien, après en avoir discuté avec des économistes de renom, en particulier Paul Romer aux États Unis, Prix Nobel, il me paraît, il nous paraît, qu’il est possible d’échapper à ce dilemme en adoptant des stratégies autres et plus intelligentes. La priorité reste évidemment de sauver les malades, mais quelle est l’utilité de confiner tout le monde, y compris ceux qui sont en bonne santé et ceux qui sont déjà immunisés ? En empêchant à peu près tout le monde de travailler, le confinement massif provoque un effondrement de l’économie qui, à son tour, réagira sur le bien-être matériel, psychique et, à terme, sanitaire de tous. L’alternative serait de systématiser les tests pour tous et, périodiquement, au moins une fois par mois jusqu’à l’extinction de l’épidémie et, espérons-le, la mise au point d’un vaccin. Ces tests systématiques permettraient à ceux qui qui ne sont pas atteints, de reprendre le travail, ce qui serait la seule manière de restaurer l’économie. L’injection d’argent public par les banques centrales et les gouvernements ne procure jamais qu’un soulagement indispensable, mais temporaire, surtout pour  les chômeurs involontaires, mais seul le retour au travail aurait un effet de relance. Il coûterait d’ailleurs moins cher de systématiser les tests généraux et périodiques que de distribuer de l’argent à tout-va à une population oisive malgré elle.

Les dépenses publiques, outre le financement des tests et de ceux qui les pratiqueront, devraient soutenir la production massive de masques et de vêtements de protection. Que deux grandes puissances industrielles comme la France et les États-Unis accumulent un tel retard dans la production d’objets aussi simples, on ne comprend pas. Ceux-ci devront être mis à la disposition de tous ceux qui travaillent au contact des malades, mais aussi des commerçants et des agents du service public en relation avec la population, policiers, conducteurs de trains, postiers, éboueurs… Pour accélérer la production de ces équipements de protection, l’innovation devrait être encouragée par des aides publiques, et l’autorisation de prix plus élevés pour les équipements les plus novateurs. La crainte, une pruderie anti-capitaliste, de récompenser, voire d’enrichir les entrepreneurs innovants, dans les circonstances présentes, serait immorale ; il faut, au contraire, favoriser l’émulation et faire appel à l’intérêt bien compris de ces innovateurs. Encore une fois, toutes ces mesures coûteraient moins cher aux États que de financer le confinement et le chômage involontaire.

Cette nouvelle stratégie, tester, protéger, retourner au travail, implique une évolution des mœurs ; il devra apparaître comme normal et civique, dans l’attente d’un vaccin, de se rendre au travail avec un masque (une norme au Japon) et un vêtement de protection. Dans cette nouvelle normalité, envisageons une restriction de nos droits individuels déjà mis à mal par le confinement ; de même que le confinement est obligatoire, il devrait être permis aux opérateurs téléphoniques de signaler sur nos portables (comme en Corée du Sud) que nous sommes en danger si positifs et non testés et que nous mettons nos proches en danger si nous ne les prévenons pas. Cette stratégie alternative pourrait remplacer rapidement le dilemme de la bourse ou la vie, permettant à la bourse et la vie de coexister. Ce serait aussi un terme aux débats pseudo philosophiques sur le thème «  rien ne sera plus comme avant »,  «  du bullshit » idéologique en forme de posture et en absence de solution.

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