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Tests : la stratégie du gouvernement nous accule à un (nouveau) retard évitable
©RONNY HARTMANN / AFP

Plan d'action

Le Dr Guy-André Pelouze revient sur les tests diagnostiques du SARS-CoV-2 et sur les mesures prises en France face au Covid-19.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Il arrive que certains jours, je sois conduit à me demander si j’ai bien lu les données sur certains paramètres de cette pandémie dans la littérature scientifique. Ce que je lis des articles scientifiques est parfois tellement loin des affirmations péremptoires des spécialistes auto-proclamés que cela devient gênant. Par exemple au sujet des tests diagnostiques du SARS-CoV-2 le coronavirus de l’épidémie Covid-19. 

Les tests de présence du SARS-CoV-2 sont-ils pratiqués dans le monde et à quelle échelle ?

Figure N°1: État des lieux. Les tests rt PCR dans le monde et leur répartition. Soit dit en passant les “cas confirmés” annoncés par les gouvernements devraient au moins être corrigés par l’annonce du nombre de tests par million d’habitants

C’est assez clair les tests de présence de l’ARN viral sont très largement utilisés. Il y a cependant une très grande disparité du nombre de tests pratiqués par million d’habitants (colonne 5 de la figure N°1), de 230 à 22918/million d’habitants. Pour comprendre cette disparité il faut analyser les politiques mises en place pour casser la transmission et leurs résultats. Les pays qui ont mis en place des politiques d’interruption de la transmission avec des résultats ont au moins effectués 5000 tests par million d’habitants. Plus intéressant cette politique de tests étendus s’amplifie si on compare avec les chiffres du 10 mars 2020 car les gouvernements ont compris que le confinement indifférencié est un naufrage économique et qu’il faut donc en sortir intelligemment. 

Ainsi l’affirmation selon laquelle il n’est utile de tester que ceux qui sont hospitalisés est uniquement de circonstance. 

Nous n’avions pas de test et nous sommes maintenant en rationnement en attendant leur arrivée. Or aucune maladie n’est mieux traitée en l’absence de diagnostic certain. Mais tester les patients graves qui vont être hospitalisés n’est pas un bon calcul au contraire. Pour les patients à hospitaliser les Chinois ont démontré que le scanner thoracique est plus performant car les lésions pulmonaires sont toujours présentes à ce stade clinique (dyspnée, saturation en oxygène abaissée) et sont caractéristiques. S’il faut économiser, non pour le coût, mais en raison d’une production insuffisante de tests, c’est pour les malades à hospitaliser car le faisceau d’argument cliniques et d’imagerie scanner est plus sensible que le test (Figure N°2). 

Figure N°2: homme, 74 ans, fièvre et toux pendant 5 jours. Le scanner thoracique axial montre des opacités sous-pleurales bilatérales en verre dépoli typique d’une pneumonie Covid-19

Chez les patients ambulatoires le test de présence du virus est beaucoup plus utile.

Est ce que le test est une fin en soi? Non, le test est un outil, dans le but de tracer et de suivre. C’est aussi pour cela que nous ne testons pas. En effet nous n’avons pas mis en place une logistique d’utilisation des tests dans le but de casser la transmission et de mieux soigner. Un individu testé positif ne doit pas être lâché dans la société avec un flyer. Il doit être mis en quarantaine à domicile ou dans une institution et appelé tous les jours pour suivre son évolution. Il doit être rappelé fermement à l’ordre s’il ne la respecte pas par exemple en étant d’office muté dans un centre jusqu’à la fin de la quarantaine. Le patient gagne aussi des chances de survie car en cas d’aggravation, dont on sait qu’elle peut être rapide, il va aller directement dans un établissement Covid et sera orienté sans délai vers un service de soins intensifs ou de réanimation si nécessaire. Le test qui n’a pour seule conséquence que la délivrance d’un papier attestant du résultat est un énorme échec. Cette organisation doit évidemment être déléguée. Par exemple à une institution spécialisée et séparée de l’état. Les Allemands ont missionné l’Institut Robert Koch (RKI), nous avons des institutions équivalentes. Le but est double: faire appel à des équipes de top niveau et lever toute inquiétude sur l’utilisation des données car elles ne sont pas anonymisées si on veut suivre le patient.

Les sceptiques des tests avancent des arguments fallacieux

Certains avancent que la sensibilité des tests rt PCR serait rédhibitoire car elle laisserait 20-25% de patients faux négatifs circuler dans la société. C’est un argument cynique. Invoquer une sensibilité insuffisante et laisser, pour le coup, 100% des patients porteurs du virus circuler et accélérer la transmission ne peut s’expliquer que par une mauvaise foi à reconnaître que nous n’avons pas de tests. L’OMS a une formule pour inciter les médecins à tester: “on ne monte pas au front d’un incendie les yeux bandés”. En pratiquant des tests massifs on voit 75-80% des porteurs de virus. Sans test on en voit 0%. 

Dernière trouvaille, préférer les tests sérologiques 

Les test sérologiques permettent de faire le diagnostic d’anticorps spécifiques au SARS-CoV-2 dans le sang. Ils sont en développement et certains sont déjà opérationnels. Ces tests ne sont pas faits dans le même but que la rt PCR qui détecte l’ARN viral dans les muqueuses. C’est pourquoi les deux tests sont utiles. En revanche promettre des tests sérologiques qui ne sont pas encore disponibles pour faire oublier que les tests rt PCR sont indisponibles trois mois après le début de l’épidémie est un jeu de dupes. L’état doit laisser les professionnels agir en fonction des données de la science et aider dans cette période si difficile à la logistique des moyens sans s’arroger aucun monopole vu la lenteur de ses réponses depuis le début. Il y aura plus de tests disponibles si tous les canaux de l’offre sont activés et ce malgré la tension de la demande. Par ailleurs des entreprises françaises produisent des test rt PCR et doivent être mises en avant pour avoir une meilleure visibilité sur le volume de production. Tout le reste est gesticulation ex post.

Le confinement indifférencié est une étape indispensable pour enclencher d’autres modes de vie, de production et de fonctionnement social dans une pandémie. Depuis deux semaines nous faisons l’inverse. Nous nous installons dans le confinement indifférencié. Tester, une recommandation urgente itérative et forte de l’OMS mais aussi une évidence si on observe les politiques publiques des autres pays et leurs résultats actuels, est indispensable. Mais il faut une logistique de traitement des personnes porteuses du virus. Sans mise en quarantaine organisée et surveillée faire des tests ne permet pas de sortir du confinement indifférencié. C’est un défi qui est urgent. Le coût de l’arrêt économique est au moins de 18 milliards par semaine. L’état ne peut pas tout faire c’est la société civile qui doit s’emparer de cette question et en premier les entreprises. La pandémie est là pour de longs mois, des ressources sont inutilisées comme la médecine du travail, les centres médico sociaux et d’autres dans les collectivités ou bien les salariés en chômage total. Elles peuvent assurer le suivi des porteurs du virus et de ceux qui bientôt nombreux sont immunisés. Il faut cesser de subir, de renoncer et utiliser des techniques électroniques et intelligentes pour diminuer les conséquences humaines et économiques de la Covid-19 en France. Le rituel nécrologique de la DGS chaque soir est contre productif. Chaque région doit prendre des initiatives audacieuses dans cette direction sans que la bureaucratie étouffe toute action qui n’aurait pas son origine au gouvernement. En sommes-nous capables?

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