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Covid-19 et confinement strict : pourquoi une résurgence du virus est inévitable
©NICOLAS TUCAT / AFP

Menace à moyen-terme

Même lorsque le pic de l'épidémie sera passé, la fin du confinement entraînera un retour du coronavirus.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico : Allons nous faire face à un phénomène de résurgence du Covid-19 durant ces prochains mois ? 

Guy-André Pelouze : Il faut savoir que dans toutes les épidémies il y a des résurgences (Figure N°1). Une épidémie se développe par la circulation du micro-organisme à partir d’un foyer initial, cela peut-être une bactérie, là c’est un virus. La circulation du SARS-CoV-2 est très facile parce c'est un micro-organisme qui est logé dans des gouttelettes qui sont projetées par la parole, la toux et qui sont ensuite manuportées. Si on prend toutes les grandes épidémies depuis le Sida, Ebola, Zika, le SRAS, le MERS et maintenant le SARS-CoV-2 , il s'agit de virus qui, par des mutations, arrivent à passer du réservoir animal à l’humain. À noter que le virus SARS-CoV-2 est beaucoup plus contagieux que les autres coronavirus : il a acquis en particulier la possibilité de se lier au récepteur qui permet d'entrer dans la cellule de manière dix fois plus forte que le virus du SRAS. Mais il y a très probablement d'autres modifications que nous n’avons pas encore découvertes.

Donc nous ferons face à des résurgences comme dans les autres pays. Beaucoup de contaminés ne sont pas encore arrivés au stade de la maladie, et certains d'entre eux n'ont aucun signe parce que leur immunité naturelle leur permet de se débarrasser du virus et de faire des anticorps protecteurs.

Mais tous les résidents n’ont pas eu et n’auront pas un contact contaminant avec le virus. Nous ne savons pas, en l’absence de tests, combien de patients sont contaminants actuellement en France. Ces personnes sont potentiellement à l’origine de résurgences.

Évidemment intervient un autre facteur de transmission : l'activité humaine. Nous avons un système très performant de transmission qui s'appelle le transport. En quelques heures, ceux qui embarquent dans un avion et qui sont positifs vont se retrouver aux quatre coins du pays et du monde.

Donc inévitablement, lorsque l’on va reprendre la vie habituelle, il va y avoir des transferts, des voyages de personnes qui ont encore du virus inévitablement puisque que nous n’aurons pas testé tout le monde. Il y aura une résurgence de l'épidémie par foyers géographiques sélectifs et plutôt là où il y a eu moins de malades donc moins de contaminants. C’est la raison pour laquelle la surveillance par région et par foyer ne doit pas cesser. Elle doit même être améliorée par les techniques électroniques les plus avancées.

Pourquoi préférez vous parler de « résurgence » et non de deuxième vague ?

Je préfère parler de résurgence, parce que si l’on parle de « vague » c’est très trompeur et aussi démobilisant. La vague est un phénomène gravitationnel. Donc une force physique, cyclique, qui est par définition impossible à arrêter. Là il s’agit d’un phénomène biologique dans un groupe humain. C’est à dire que nos comportements sont déterminants dans la survenue et l’ampleur de la résurgence comme dans l’épidémie initiale.

Figure n°1: Résurgence épidémique dans le temps (https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30567-5/fulltext)

Pensez-vous que le phénomène de résurgence risque d'être plus important en terme de contaminations et de décès ?

Par définition non, puisque il y a quand même une grande partie de la population qui aura été en contact avec le virus et donc beaucoup d’individus ayant des anticorps circulant de type IgG protecteurs. Mais je tiens à soulever la question de l'incertitude, tout ce que je dis là est entaché d'une incertitude liée d’une part aux connaissances spécifiques à propos du SARS-CoV-2 et aussi à la variabilité de la réponse immune en fonction des individus. Ceci n'est pas une fatalité, mais il faut essayer de la réduire. Pour limiter notre incertitude et ce phénomène de résurgence, il y a plusieurs moyens. À commencer par l’augmentation de la quantité et la qualité des informations. De ce point de vue, on a un long chemin à faire en Europe, parce que lorsque l’on voit la qualité de l'information sur la progression de l’épidémie, on se rend compte qu'on n'a pas pris la mesure réelle de ce qu'il faut faire. Par exemple, nous n'avons pas en temps réel sur une carte géographique tous les éléments, en particulier les gens qui sont en réanimation. Il faut que l'information soit complètement transparente et aujourd’hui elle ne l'est pas. Si elle était accessible en ligne, actualisée en temps réel, l'intelligence collective se développerait et la compréhension aussi. C’est maintenant qu’il faut impliquer les universités dans ce travail et pour des résultats immédiats.

Comme anticiper le phénomène de résurgence ?

Pour savoir ce qui se passe dans la circulation du virus, il faut tester. “On n'avance pas dans un incendie les yeux bandés”. C'est l’OMS qui a dit ça et j'aime bien l'image. Jamais dans l'histoire de la médecine on a recommandé de ne pas faire un diagnostic certain au lieu d’une probabilité clinique. Il faut donc tester les gens et plusieurs fois même si nécessaire. Qu’est ce que cela signifie ? Que nous devons produire les tests, les mettre à la disposition de tous les médecins généralistes et des laboratoires d'analyses médicales, au lieu de les avoir réservées à l'hôpital public ou dans un modèle totalement hospitalo-centré qui a échoué. Nous devons aussi nous préparer à redémarrer la machine économique le plus vite possible, grâce à la sécurisation des tests. Il n'y a rien de mieux pour une entreprise que de savoir si ses salariés sont négatifs. Il n'y a rien de mieux pour soigner quelqu'un que de savoir qu'il est positif puisque qu’on va pouvoir anticiper, le mettre en quarantaine et le surveiller. Si son cas s’aggrave, on va rapidement l’hospitaliser. Là, nous sommes laissé à l'appréciation d’un coup de téléphone au 15. Ce système là ne marche pas. Pour en sortir, pour avoir des informations sur la circulation du virus mais aussi pour améliorer les soins, il faut tester.

Tester sans reporting obligatoire et nominatif des test effectués et des résultats est vain. Je crains cette situation dans le chaos organisationnel français. Donc confions à un organisme indépendant comme l’Institut Pasteur ou bien une université la tâche d’établir la carte géographique et les données de référence de la circulation du virus. Il serait stupide de tester et que chacun conserve par devers soi le résultat.

Ensuite, il faut traiter correctement et prendre des mesures sur les phénomènes de résurgence. L’alerte géographique est capitale. Nous avons fait des erreurs dans la transmission géographique, puisque que lorsque le gouvernement a organisé le premier tour des élections municipales, il y a eu des migrations, des réunions. Inévitablement cela a contribué à la transmission. Quand le président de la république a annoncé des mesures de confinement indifférencié, le gouvernement a laissé ouverte une espèce de fenêtre de migration qui a été préjudiciable à la santé car les gens sont partis massivement des grandes villes pour aller dans des endroits où parfois la présence du virus était quasi nulle. Cette fenêtre a augmenté le nombre de cas parce que des personnes ne se sachant pas SARS-CoV-2 sont arrivées dans des zones qui n’étaient pas touchées par le coronavirus.

Dans les mois qui viennent, il va falloir mettre au point des stratégies extrêmement innovantes. Je pense à la géolocalisation, afin de diminuer au maximum les phénomènes de résurgence. Si vous testez quelqu’un et qu’il est positif il est légitime de lui dire : « On regarde votre puce téléphonique. Il faut que vous soyez dedans et vous ne pouvez pas bouger et si jamais vous sortez et bien vous allez être contrôlé. ». Ainsi, nous saurons rapidement sur un fichier qui est testé positif et qui doit être en quarantaine pendant trois semaines. Dans ce cas, il faut trouver un hébergement compatible de suite. Faire un test ce n’est pas gratuit en termes de contraintes après le résultat. Il faut organiser ces endroits d'isolement à l'instar de ce que l'on a fait quand on a rapatrier nos ressortissants de zones infectées c’est une mesure qui protège les citoyens et qui casse la transmission. En revanche la mesure indifférenciée qui consiste à surveiller tout le monde est fortement inefficace et inutilement liberticide. La géolocalisation est un outil très important et je maintiens que dans le cadre des opérations de l'épidémie COVID-19 il faut que la CNIL autorise cela immédiatement, à la condition que les données ne soient pas archivées. Ce qui est le cas des pays qui ont décidé une telle mesure. Si la personne n'a pas enfreint les règles, il n'y a pas de raison d'archiver les données.

Il faut aborder ce jour d’après sans tabou et en insistant sur un fait corroboré par les modèles d’études des épidémies: il n’y a pas de mesure miracle. C’est le faisceau de mesures associant le confinement différencié, la quarantaine pour les patients positifs, la sécurisation des lieux de travail et toujours les barrières des comportements intelligents qui diminue la transmission et le nombre de malades.

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