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Les Républicains particulièrement bousculés par le chaos politique
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Enseignements du vote

Les résultats des municipales sont passés inaperçus. En raison de la pandémie, bien sûr. Il est vrai, aussi, qu’ils sont difficilement lisibles tant le scrutin est éclaté (35 000 communes, beaucoup de listes sans étiquette). Pourtant, ils ne sont pas si inintéressants que cela.

Guillaume  Bernard

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard est maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures). Il a enseigné ou enseigne dans les établissements suivants : Institut Catholique de Paris, Sciences Po Paris, l’IPC, la FACO… Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d’ouvrages dont : Les forces politiques françaises (PUF, 2007), Les forces syndicales françaises (PUF, 2010), le Dictionnaire de la politique et de l’administration (PUF, 2011) ou encore une Introduction à l’histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2e éd., 2011).

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D’abord, l’abstention a atteint un record pour des municipales : 55 % soit près de 20 points de plus qu’en 2014 et plus du double de ce qu’elle avait été en 1977 et 1983 il y a une quarantaine d’années. Cela fausse en partie les résultats : sans doute moins dans chacune des communes qu’au global. La difficile lisibilité des résultats est renforcée par le très grand nombre de listes sans étiquettes (« divers droite », « divers gauche »), ce qui est habituel pour ce type de scrutin, en particulier dans les petites communes. Cependant, ce phénomène a été quelque peu plus généralisé : il n’a pas été rare, d’une part, que des listes liées à un parti aient mis le logo de celui-ci de côté (pour ne pas pâtir de l’image de marque en berne de leur formation politique en particulier LR et le PS) et, d’autre part que des listes au positionnement incertain (glissant du PS ou de LR vers LREM) n’ait pas affiché un ralliement en bonne et due forme (c’est par exemple le cas à Angers ou La Roche-sur-Yon). 

Ensuite, l’habituelle prime au sortant a été renforcée quel que soit le camp politique, de droite ou de gauche, modéré ou extrême, fidèle à un parti ou transfuge. Les électeurs qui se sont déplacés ont choisi la continuité, ont préféré éviter un changement d’équipe municipale dans un temps d’incertitude dû à la crise sanitaire. Toutefois, quand une personnalité politique d’envergure nationale ne se représentait pas, la succession dans le même camp n’est pas allée de soi et les cartes ont été rebattues (c’est le cas, par exemple, à Marseille avec le retrait de Jean-Claude Gaudin ou à Bordeaux avec le départ, il y a quelques mois, d’Alain Juppé pour le Conseil constitutionnel). 

À coup de serpe, qu’est-il possible de dire de l’état des forces politiques au lendemain du premier tour des municipales ? Parce qu’elles ont un enracinement local plus fort que le parti présidentiel, les formations politiques ébranlées par l’émergence, il y a trois ans, de la grande coalition macronienne font de la résistance. Si le PS et LR devaient, un jour, s’effacer complètement, ce serait plus à l’occasion de la présidentielle (si elles n’étaient pas capables, à plusieurs reprises, de ne pas être au second tour) que des élections intermédiaires puisqu’elles disposent encore de réseaux et d’élus locaux. 

Contrairement à ce qui pouvait être envisagé (eu égard aux derniers scrutins de 2017 et de 2019), le PS semble, pour l’heure, tirer un peu mieux son épingle du jeu que LR, du moins dans les métropoles puisque ses candidats sont arrivés en tête dans des villes comme Lille ou Nantes. Cependant, et c’est là l’enseignement majeur à gauche, les Verts qui, jusqu’à présent n’obtenaient de bons résultats qu’aux élections à la proportionnelle (européennes, régionales) ont, semble-t-il, réussi leur implantation, obtiennent de bons résultats dont des pôles position (Lyon, Grenoble, Strasbourg) et taillent des croupières au PS. 

Idéologiquement favorisé par une partie de la gauche, souvent radicale, qui espère (à tort ?) récupérer l’électorat d’origine immigrée lors des scrutins nationaux, le communautarisme s’étend petit à petit : il est, désormais, constatable électoralement parlant. Ainsi, à titre d’exemple, à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), la liste menée par Samy Debah (cofondateur du Collectif contre l’islamophobie en France) est arrivée en deuxième position, derrière l’UDI, avec près de 35 % des suffrages exprimés. 

LREM peine incontestablement à trouver des incarnations locales : le Premier ministre, Édouard Philippe, est certes arrivé en tête au Havre mais il dispose de peu de réserves de voix et le candidat communiste (!) a obtenu 35 % des suffrages exprimés. À Paris, l’ex-ministre de la santé, Agnès Buzyn, est très largement devancé (12 points) par la maire sortante, Anne Hidalgo, à la tête d’une liste d’union (de la gauche) ne portant aucune étiquette politique (en particulier pas celle du PS). 

Quant à l’autre parti finaliste de la dernière présidentielle, le RN, ses résultats sont emblématiques de ses forces et de ses faiblesses : il n’a pu présenter qu’environ 400 listes (contre 600 en 2014), mais ses maires sortants ont, globalement, été réélus dès le premier tour avec de très hauts scores comme à Hénin-Beaumont (près de 75 % des voix). Cependant, presque partout ailleurs, ses résultats sont généralement en baisse : il semblerait bien que ses électeurs (de la présidentielle et des européennes) n’aient pas trouvé bon de profiter de ce scrutin local pour envoyer un message politique national. 

Ainsi, la droite (dans son ensemble) n’a pas tiré bénéfice de ces élections, n’a pas profité de la contestation grandissante d’Emmanuel Macron. Il semble bien qu’un possible renouveau puisse venir d’en-dehors des partis. Ainsi, la liste d’unité de la droite menée par Robert Ménard à Béziers l’a, à nouveau emporté, avec plus de 68 % des suffrages exprimés. Autre exemple, à Segré en Anjou (Maine-et-Loire) : une liste d’intérêt local rassemblant des sensibilités aussi bien écologiste que conservatrice, une liste sortie de nulle part, c’est-à-dire du tissu social réel, « Danjou 2020 », a réussi le tour de force d’atteindre, en quelques semaines, près de 30 % des suffrages exprimés.  

Éclatée, la société française se cherche ; éparpillé, le spectre politique est en cours de recomposition : ce que l’on savait déjà est pleinement confirmé par le premier tour des municipales 2020. Le second tour (le 21 juin prochain ?) sera d’autant plus intéressant à suivre que le contexte (en particulier sanitaire) devrait avoir changé. 

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