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3,4% de létalité : mais au fait combien de Français pourraient mourir du coronavirus ?
©François NASCIMBENI / AFP

Choc démographique

Les épidémiologistes ont avancé des chiffres sur le coronavirus autour de 3%. Le calcul du nombre potentiel de morts donne le vertige.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Le gouvernement français a annoncé hier un taux de létalité du coronavirus de 3,4% (la proportion de décès liés la maladie par rapport au nombre total de cas atteints par la maladie). Un chiffre en apparence faible. Mais avec près de 40% de la population mondiale qui pourrait être atteinte par la maladie, ce chiffre n'est-il pas extrêmement inquiétant ?

Les incertitudes au sujet des données chiffrées avec le virus SARS-CoV-2 et son infection CoVid-19

Stéphane Gayet : On a tendance à nous présenter la maladie nommée CoVid-19 comme une nouvelle maladie terrible. On compte les personnes infectées une à une, comme si elles étaient frappées par un mal terrifiant. Cela nous évoque la fable de Jean de la Fontaine « Les animaux malades de la peste » (Livre VII). On peut y lire : « Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom), Capable d’enrichir en un jour l’Achéron*, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… » Et un peu plus loin : « Les Tourterelles se fuyaient ; Plus d'amour, partant plus de joie… ». *L'Achéron est un fleuve côtier de la Grèce ; dans la mythologie grecque, il était l'endroit dans lequel devaient passer les morts avant d'aller dans leur dernière demeure.

Le nouveau coronavirus fait peur parce qu'il vient de Chine, qu'il est d'origine animale (l'hôte habituel serait une chauve-souris et le pangolin serait un hôte temporaire permettant le passage à l'Homme), qu'il n'existe aucun traitement curatif, qu'il n'existe aucun vaccin et que sa létalité est supérieure à celle des infections pulmonaires virales connues. Il fait peur également parce que l'on a l'impression que sa progression est irrépressible, même dans un pays comme la France dont le système de santé est pourtant performant.

En vérité, si ce nouveau virus est bien caractérisé sur le plan virologique, on ignore encore beaucoup de choses concernant son pouvoir pathogène et son potentiel épidémique. Les données chiffrées sont toujours sujettes à caution, y compris dans notre pays. Le seul chiffre qui soit à peu près sûr est le nombre de décès sur le sol français attribuables à une infection par le SARS-CoV-2 (nom officiel du virus). Ce 3 mars, on nous annonce qu'il y aurait trois décès attribuables à CoVid-19 (nom officiel de l'infection) : c'est probablement un chiffre sur lequel on peut tabler. Quant au nombre exact de personnes dites touchées, il ne peut pas être certain ; il est officiellement de 191 personnes en France ce matin, ce qui produit un taux de létalité de 1,6 % (nombre de décès rapporté au nombre de personnes infectées). Mais il existe une incertitude à propos du dénominateur : on parle ici du nombre de personnes malades qui ont un test virologique positif pour SARS-CoV-2. Mais il n'est pas possible d'exclure le fait qu'il y ait des personnes discrètement malades et non diagnostiquées. Car, en plus des trois foyers épidémiques de l'Oise, du Morbihan et de la Haute-Savoie, il y a des cas dispersés dans le territoire hexagonal.

Au début de l'épidémie chinoise, on citait habituellement le chiffre de 2 à 3 % de létalité, que l'on comparait à celui de la grippe dite saisonnière qui est nettement inférieur à 1 %.

À l'heure actuelle, on ne sait pas exactement s'il existe des personnes infectées et pauci symptomatiques, c'est-à-dire qui n'ont que de discrets symptômes (ce que l'on éprouve) et signes (ce que l'on constate) : c'est une inconnue. Dans le même ordre d'idées, on ne connaît pas bien la réelle contagiosité de cette infection pulmonaire virale. C'est sur ce point qu'il y a sans doute le plus d'inconnues. On exprime cette contagiosité par un indicateur appelé « taux de reproduction de base de l'infection ou R0 (R zéro) » : c'est le nombre de personnes saines qu'une personne infectée peut rendre malades. Pour la grippe dite saisonnière, on estime que R0 est proche de 3, alors que pour CoVid-19, il serait plutôt proche de 2 ; mais c'est encore très imprécis. Alors que pour des maladies respiratoires virales très contagieuses comme la rougeole et la varicelle, R0 est estimé supérieur à 15. Ce point est directement lié au mode de contagion de ces maladies respiratoires virales, il en sera question dans la troisième partie.

Pour en venir à la question posée, le taux de létalité estimé au maximum à 3,4 % est un taux mondial ; ce chiffre est le fruit du travail du « Center for systems science and engineering » – ce que l'on pourrait traduire par « Centre pour la science et l'ingénierie des systèmes » - de l'université Johns Hopkins (Université américaine fondée en 1876, à Baltimore, dans l'État du Maryland). Ce chiffre mondial (3117 décès pour 90937 cas d'infection) diffère beaucoup des données calculées sur le territoire français (1,6 % à ce jour). Il faut avoir à l'esprit le fait que l'infection dite CoVid-19 tue plus (dans l'ensemble du monde) de personnes dénutries et souffrant de pathologie pulmonaire chronique (laquelle est liée tant au tabagisme qu'à la pollution atmosphérique comme c'est le cas en Chine et en Corée du Sud), que de vieillards, c'est là l'un de ses points de divergence avec la grippe saisonnière. Ainsi, un taux de létalité mondial estimé à 3,4 % est inquiétant (mais est-il exact ?), tandis qu'un taux de létalité français estimé à 1,6 % l'est déjà beaucoup moins.

Le gouvernement a annoncé ne pas vouloir entrer en stade 3 de l'épidémie. Qu'implique ce stade ? N'y sommes-nous pas déjà ?

Le stade 3 correspond à une épidémie (française), c'est-à-dire à une circulation avérée du virus CoVid-19 sur l'ensemble de tout le territoire hexagonal. Nous n'y sommes pas (encore). Nous sommes à ce jour au stade 2 qui correspond à l'existence de plusieurs, voire de nombreux foyers épidémiques, mais sans circulation effective du virus sur l'ensemble du territoire français. Nous avons en effet actuellement trois foyers épidémiques dans l'Oise, le Morbihan et la Haute-Savoie, ainsi que plusieurs cas épars mais qui n'ont pas (encore) donné de foyer à proprement parler. Si l'on devait annonçait que la France en était arrivée au stade 3, cela aurait d'importantes conséquences sanitaires organisationnelles et économiques.

Quelles solutions s'offrent à la population aujourd'hui pour se prémunir du virus ? 

Il demeure une grande inconnue concernant le mode de diffusion aérienne des bio contaminants ou contages viraux. Car les virus ne sont pas libres dans l'air, pas plus que sur les surfaces : ils sont à l'intérieur de particules organiques qui sont constituées de débris cellulaires et de mucosités. Ces particules organiques sont de deux types : premièrement, les micro gouttelettes qui ont un diamètre de 5 à 150 microns (millièmes de millimètre) ; deuxièmement, les microparticules dites aéroportées qui ont un diamètre inférieur à 5 microns. Les premières sont appelées particules G et les secondes particules A. Dans la très grande majorité des infections respiratoires virales, les contages sont des particules G ; ces particules G ont une forte densité (riches en eau) et leur portée n'excède pas 1,5 mètre ; elles chutent rapidement. Mais, pour un tout petit nombre d'infections respiratoires virales (rougeole et varicelle), les contages sont des particules G ainsi que des particules A, lesquelles ont une faible densité (« noyaux de condensation » ou encore « droplets nuclei ») et une portée théoriquement longue ; elles restent en suspension dans l'air. Or, il existe une incertitude à propos des coronavirus respiratoires : sont-ils émis uniquement sous la forme de particules G ou bien le sont-ils également sous la forme de particules A ? Et cela change tout. S'ils le sont sous la forme de particules A, la contagiosité de l'infection CoVid-19 devrait être très élevée (comme pour la rougeole et la varicelle) et le masque chirurgical (ou masque de soins, masque antiprojection) ne protégerait la personne qui le porte que de façon très insuffisante (ce qui signifierait que les masques portés par les Chinois dans les lieux publics ne constituent qu'une protection assez virtuelle). Or, les experts sont divisés sur ce point : cet article en anglais développe cet aspect vraiment crucial.

Pour répondre à la question posée, il faut pour se protéger faire plusieurs choses. Premièrement, éviter les lieux où il y a une forte concentration humaine : transports en commun, files d'attente, bars, spectacles, discothèques, attroupements, etc. Deuxièmement, ne pas serrer de mains et éviter de se faire la bise. Troisièmement, se tenir à distance (à au moins 1,5 mètre) d'une personne qui tousse ou qui parle fort ou d'abondance. Quatrièmement, se laver systématiquement les mains avant de les porter à sa bouche ou de toucher un élément quelconque qui va entrer en contact avec sa bouche ou avec ses lèvres (cigarette, bonbon, chewing-gum, arachides, biscuit et tout aliment en général). Cinquièmement, se laver les mains systématiquement avant de toucher de la nourriture ou de préparer un repas. En appliquant ces 5 règles, on peut réduire très significativement le risque de se contaminer avec le virus SARS-CoV-2. De plus, il faut se contrôler quand on a un tic consistant à poser ses doigts sur ses lèvres, de façon automatique : les lèvres sont une porte d'entrée, au même titre que les yeux, les narines et la bouche.

Si l'on pense avoir été contaminé par le virus, on peut encore -dans la demi-heure qui suit- effectuer un gargarisme et un bain de bouche avec un antiseptique ORL (BETADINE ORL verte, ou ELUDRIL, ou encore tout autre antiseptique ORL).

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