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Pourquoi les plus introvertis sont injustement traités par le système scolaire
©MARTIN BUREAU / AFP

Mal adaptés

Les élèves qui ne parviennent pas à s'exprimer devant leurs camarades, par timidité ou parce qu'ils sont introvertis, sont souvent pénalisés par les notes mettant l'accent sur la participation orale.

Xavier Besancenez

Xavier Besancenez

Xavier Besancenez est professeur de Sciences Économiques et Sociales (SES) et professeur principal au sein d'un collège-lycée de l'Essonne.

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Cynthia Moine

Cynthia Moine

Cynthia Moine est institutrice dans les Yvelines.

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Atlantico : Nombreux élèves ne parviennent pas à s’exprimer devant leurs camarades : la peur du regard des autres ou la peur de se tromper triomphent souvent.  Est-il facile de reconnaître ce genre de profils dans une classe de 30 élèves ? Comment distinguer élèves introvertis d’élèves indolents ? 

Xavier Besancenez : Je pense qu’il y a plusieurs cas. Il y a des élèves réservés et des élèves timides. La différence entre les deux est peut être une question de degré. Parmi les timides, certains parlent quand ils sont sollicités. D’autres perdent leurs moyens. Ce sont ces derniers qui concernent vos questions. Je crois qu'il est assez facile de repérer ces élèves, les élèves vraiment introvertis, à condition de les avoir en cours plus d'une heure par semaine. On le voit essentiellement à leur visage et à ses expressions. Je ne sais pas vraiment si les professeurs le sont suffisamment. Nous avons beaucoup d’élèves et peu de temps en réalité.

Cynthia Moine : Oui et non, le secret c'est le le temps ! Cela demande du temps pour connaître les élèves et en début d’année scolaire (même si on a souvent les retours des collègues des années précédentes) les élèves doivent se sentir en confiance avec leur enseignant et l’enseignant doit prendre le temps de découvrir la personnalité de chacun en les mettant en confiance. Explicitation des règles, droits et devoirs pour garantir un bon fonctionnement de la classe et une relation de confiance. Et cela demande du temps même pour les élèves qui se montreront à l’aise à l’oral par la suite. Ils observent les réactions et les actions de l’enseignant ainsi que ses exigences. Plus l’effectif de la classe est important plus il va falloir du temps à l’enseignant pour bien cerner les problématiques de chaque élèves.

Souvent les élèves indolents ne sont pas introvertis ou pas plus que ça. L’aspect réservé de leur personnalité n’est pas ce qui saute aux yeux en premier et s’accompagne d’autres problématiques : écriture bâclée (parfois le début d’une phrase est correctement écrite et la fin est presque illisible), attitude corporelle détendue, manque de concentration, bavardages... Ce sont des élèves qui souvent soupirent ou se plaignent lorsque l’enseignant prévient qu’on va passer à l’écrit ...

Les élèves introvertis ont souvent une attitude différente car ils sont renfermés, croisent difficilement le regard de l’adulte, ne veulent pas toujours montrer leur travail par peur de notre réaction ou de se tromper. Ils sont parfois lent à l’écrit mais dans un souci de précision. Ils cachent parfois avec l’autre main ce qu’ils sont en train d’écrire. Ils ont besoin d’être encouragés et étayés par l’adulte. On les repères souvent en début d’année quand on fait un travail sur les règles de classe et qu’on lit les affiches de la classe qui disent qu’on a le droit de se tromper. Que seul celui qui ne fait rien ne se trompe jamais. Qu’on apprend de ses erreurs. Que je suis là pour les aider à progresser tous en partant de ce qu’ils savent déjà et qu’il ne faut pas avoir peur de ce que je pourrais penser ou dire. C’est tout un climat de classe qu’on instaure qui permet de les mettre en confiance. On sent un soulagement dans le regard de ces élèves là lors de ces échanges. Les élèves introvertis ont souvent peur que « l’enseignant soit trop sévère ».

Trouvez-vous que les professeurs sont suffisamment attentifs à la personnalité de leurs élèves ? Leur accordent-ils suffisamment de temps ?

Cynthia Moine :Cela dépend de chaque enseignant mais tout dépend de l’effectif de la classe également. J’ai cette année 14 élèves en classe dédoublée en zone d’éducation prioritaire et c’est la première année que je connais aussi bien mes élèves j’ai vraiment du temps pour chacun.

De manière générale, les enseignants adaptent le travail pour leurs élèves et aux spécificités de chacun. Notre travail est aussi de les préparer à la vie en société et aux contraintes qu’ils rencontreront plus tard dans leur vie d’adulte. On s’adapte à eux mais on doit aussi proposer des situations pour les sortir de leur zone de confort. Travail de groupe, en binôme, individuel... On accorde beaucoup de temps à nos élèves et davantage à ceux en difficulté mais un bon enseignant dira qu’il n’a jamais assez de temps car on peut toujours faire mieux on est jamais satisfait totalement de nous.

Certains professeurs interpellent directement les élèves pour les faire réagir. Qu’en pensez-vous ? Faut-il en parler à l’élève en dehors des cours ? 

Xavier Besancenez : Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de les interpeller en plein cours pour les faire réagir. Cela risque d'aggraver les choses. Le mieux est d'en parler à un autre moment. Effectivement, il faut parler à l’élève en dehors des cours en classe entière, mais en profitant d’une bonne occasion. 

Cynthia Moine :On est toujours obligé d’en passer par là un moment ou l’autre. La participation orale et la lecture à haute voix sont des attendus dans les programme scolaires. On attend au maximum que ça vienne de l’enfant. En dehors des cours,  c’est important de leur dire qu’on a remarqué qu’ils avaient besoin de plus de temps et on leur propose des aménagements pour les mettre en confiance. Par exemple, pour la récitation des poésies, ils peuvent réciter devant la maîtresse et pas forcément devant la classe ou réciter à 2. Petit à petit ils progressent à leur rythme.

En ajoutant une note à la participation orale de leurs élèves, les professeurs ne pénalisent-ils pas les élèves les plus introvertis ? La note de participation est-elle nécessaire ? N’y aurait-il pas un moyen d’encourager les élèves bon à l’oral avec des notes de participations, et inversement pour les élèves à l’écrit ? 

Xavier Besancenez : Oui, c'est indéniable. Ils font comme si l'élève introverti était responsable de son état. Je ne mets pas de notes de participation, mais en langue cela me semble toutefois nécessaire. C’est au professeur de faire la part des choses. 

Cynthia Moine : La participation orale est prise en compte est évaluée en fonction de chaque élève et des efforts fournis il n’y a pas d’échelle de mesure pour tous les élèves. Il n’y a pas de note en tant que telle. C’est un élément de l’appréciation générale au même titre que la connaissance des leçons. On évalue les efforts, l’évolution. On attend pas la même chose d’un élève qui ne disait pas un mot en début d’année d’un élève très à l’aise à l’oral.

On évalue également l’écriture en plus de la participation orale donc la plupart du temps les élève introvertis sont en réussite dans ce domaine à l’inverse les élèves très à l’aise à l’oral sont souvent moins à l’aise à écrit.

Il est important d’amener chaque élève à progresser et à se dépasser en partant de ce qu’il arrive bien à faire au départ et de passer une sorte de « contrat » oral avec lui pour lui indiquer les éléments de progrès qu’on attend de lui. Il doit être d’accord avec ça et avoir envie de progresser aussi. Comment trouver le bon équilibre pour ne pénaliser personne ? Dialoguer, expliquer et bien lui mettre en avant les points forts les éléments’ de réussites avant tout. Chaque élève est différent et ne pas focaliser sur les éléments « négatifs ». C’est aussi un travail sur la confiance en soi à mener avant tout. Comment les encourager à prendre la parole en classe ?  Exemple de la poésie expliqué plus haut. Trouver des aménagements adaptés et les valoriser en mettant en avant les réussites. Leur dire qu’on sait qu’ils en sont capables et ne pas leur mettre une pression sur les aspects négatifs. Faire confiance.

Comment les encourager à prendre la parole en classe ? Serait-il possible de mettre en place d’autres méthodes (échanges professeur/élève après l’école par exemple) pour ces profils ?  

Xavier Besancenez : Je ne sais pas vraiment... J'ai parfois conseillé à certains de se fixer des objectifs, par exemple une intervention par jour dans un cours. Cela m’est déjà arrivé de leur faire avec mes élèves. Ce que vous proposez peut être bien mais cela risque juste de retarder les échéances. La question est de savoir si l'élève souffre de cela. Si c'est le cas, seul un professionnel

Cynthia Moine : On travaille de pair avec les familles pour les rassurer et leur donner des pistes de travail avec leur enfant à la maison. Ne pas trop insister sur le négatif. Rassurer. Accompagner.
On travaille aussi avec l’équipe du réseau d’aide spécialisée et on peut proposer pendant la classe des temps spécifiques de travail sur cette inhibition en relation duelle avec l’enseignant spécialisé en accord avec les parents de l’enfant. 

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