Atlantico : Pouvez-vous nous expliquer en quoi une alimentation équilibrée peut aider à une meilleure prise en charge des patients ?

Bétrice de Reynal : Lorsqu’un sujet est touché par la maladie, il y a des raisons physiologiques à cela. Ces perturbations vont altérer l’appétit, la digestion, l’excrétion, le métabolisme, le sommeil, tous ces éléments ayant un rôle important sur l’équilibre nutritionnel. Le stress, la douleur, l’angoisse de la maladie, la déprime liée à l’absence des proches, à l’éloignement du domicile… autant de facteurs pesant sur les processus de nutrition. 
Aussi faut-il impérativement prendre en charge nutritionnellement les patients, qu’ils soient hospitalisés, en institut spécialisés ou à domicile. 
Or, il y a encore peu, les praticiens disaient : nous allons à l’essentiel et au plus urgent : soigner le patient. La nutrition, le confort ou la qualité du sommeil sont secondaires. Aujourd’hui, ils savent qu’ils ont eu tord et de plus en plus de médecins recherchent des moyens pour une prise en charge alimentaire ou nutritionnelle digne de ce nom.
Alors que suite à un accident, une jambe cassée ou des opérations prévues à l’avance et non faites en urgence, l’alimentation n’est pas un problème car le patient est souvent soutenu alimentaire ment par ses proches. Or, une enquête réalisée il y a déjà longtemps avait bien indiqué que durant les séjours courts, les patients ne perdaient pas de poids, mais à une large majorité, maigrissaient dès les premières semaines de séjour. 
Prenons l’exemple d’une personne un peu âgée hospitalisée pour une surveillance plus intense, des soins dus à l’âge… très vite, ils vont perdre l’appétit, du poids, puis le moral, et entrent dans ce que l’on nomme la spirale de la dénutrition. Elle est fatale et souvent, s’achève pas le décès en moins de 12 mois.
En outre, certaines situations pathologiques pourraient être traitées aussi avec un volet nutritionnel qui viendraient créer une synergie de soin avec l’allopathie. par exemple, une personne devant être opérée pour une grosse infection aura besoin de bien plus de vitamine C, de vitamines du groupe B, d’Oméga 3 pour surmonter l’infection, pour accélérer la cicatrisation… à la place, elle bénéficie de plateau repas réduits à un bouillon, un oeuf coque, un yaourt 0 %, totalement inadaptés à la situation.
Aujourd’hui, nous savons exactement comment nourrir les patients selon leur état nutritionnel et médical, et pour améliorer le soin médical. Mais encore très peu de services s’intéressent à ces nouvelles méthodes.

Pourquoi un tel silence là-dessus ? Pourquoi ne sensibilise-t-on pas plus la population face à cette technique ?

Le médecin a toujours considéré qu’il avait la main sur l’essentiel des soins et considère que ses gestes font le soin en totalité. Prétendre améliorer ses soins par la nutrition, le traitement du stress (yoga, massage, médecines douces), et améliorer le sommeil est pour lui inimaginable et « pas sérieux ».  Il est grand temps que les médecins ouvrent les yeux et l’esprit sur les réalités scientifiques de la nutrition. 

De plus, il faut savoir que les mets servis en milieux hospitaliers n’ont pas l’obligation de contenu nutritionnel. Ce qui signifie que les mets qui vous sont servis sont certainement de qualité nutritionnelle moyenne à médiocre, ceci étant la conséquence de cuissons trop longues, d’approvisionnement de médiocre qualité nutritionnelle alors que c’est tout le contraire qu’il faudrait faire !

Existe-t-il une inégalité face à l'alimentation dans la population qui pourrait différencier la prise en charge des patients ? Si oui, concrètement, que pouvons-nous faire ? 

Pour les Seniors, on parle de maltraitance lorsqu’on évoque la nutrition et l’alimentation. Oui, les Seniors sont maltraités : servir le dîner à 17 h et le petit déjeuner à 8 h n’est pas compatible avec l’humanisme avec lequel nous nous devons de traiter nos ainés. 
Le prétexte est l’équilibre économique du service et le manque de personnel. C’est absolument inadapté et nous devons imposer une prise alimentaire avant le coucher.
De même, certains hôpitaux n’ont aucun moyen pour améliorer la présentation des plateaux ou des mets, et la couleur blafarde des aliments est souvent uniforme. Comment avoir de l’appétit ?
Pour tous ceux qui ont besoin de moulinés ou mixés, sachez que le poulet/ riz a la même couleur que le poisson/chou fleur et pomme de terre, si fréquents. Les mets doivent être moulinés séparément afin de pouvoir être distingués en couleur et saveur. Faire une pâté uniforme n’est pas pour susciter l’appétit. 
Certaines sociétés de restauration en collectivité ont mis au point des techniques de restructuration des moulinés. Ainsi, ils peuvent faire une moulinée de betterave reformée en cube comme vous mangez les betteraves en salade. Alors vous avez des mets moulinés par restructurés avec la forme bien reconnaissable : des aliments d’avenir pour les plus âgés ou les plus malades.