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La France, ni dictature, ni régime autoritaire mais néanmoins une démocratie affaiblie…
©LUDOVIC MARIN / AFP

SOS contrat social

Si le président de la République a parfaitement raison de balayer les critiques excessives sur la dérive antidémocratique que lui reprochent certains opposants, il semble sous-estimer l’impact de l’atomisation idéologique des classes moyennes. Car la démocratie n’est pas faite que de règles et d’équilibre des pouvoirs mais aussi d’un équilibre sociologique

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico.fr : Dans un entretien accordé à Radio J, Emmanuel Macron a tenu à répondre à ceux qui accusent la France de ne plus être une démocratie : "Mais allez en dictature ! Une dictature, c’est un régime ou une personne ou un clan décident des lois".

Si le Président français à raison sur un point -la démocratie repose sur un système juridique qui fait que le citoyen est libre- n'oublie-t-il pas un autre élément centrale ? En d'autres termes, si nous ne sommes pas dans une dictature, ne manque-t-il pas aujourd'hui l'existence d'un contrat social qui serait partagé par un groupe central ?

Bertrand Vergely : À propos de la démocratie et de la dictature nous nageons dans la confusion la plus complète. La démocratie repose fondamentalement sur le fait d’intégrer le peuple dans la vie politique en lui donnant la parole et en le consultant. Elle est le contraire d’un régime politique où le peuple n’a pas droit au chapitre. En ce sens, la démocratie est un mélange entre le peuple, la liberté du peuple et la loi garantissant la liberté du peuple. S’agissant de la France aujourd’hui, la France est une démocratie qui respecte ces trois principes puisque le peuple a droit au chapitre. Il peut s’exprimer. Il est consulté et la loi garantit ce principe. La dictature est ce qui se produit quand l’armée prend le pouvoir et impose sa loi en dictant celle-ci. La démocratie n’est pas forcément synonyme de liberté. Les démocraties populaires du XXème siècle ont été des totalitarismes. D’où ce paradoxe : on peut être en démocratie sans qu’il y ait de la liberté. Autre paradoxe. La démocratie n’est pas forcément synonyme de peuple. La démocratie libérale qui respecte la liberté ne respecte pas forcément le peuple. Il y a autrement dit au cœur de la démocratie, une contradiction entre peuple et liberté que la démocratie n’est jamais parvenue à surmonter. Soit, la démocratie respecte le peuple, mais il n’y a pas de liberté. Soit, elle respecte la liberté, mais le peuple n’est pas respecté. Nous pensons que la dictature va contre la démocratie ? Erreur. Il est arrivé dans l’histoire que l’armée prenne le pouvoir pour défendre la démocratie. Une dictature peut être démocratique. Inversement, une absence de dictature peut être une absence de démocratie. Quand on laisse faire les ennemis de la liberté et du peuple, il n’y a pas de dictature. On n’est pas pour autant en démocratie.

Quand la CGT explique que l’on est actuellement en dictature, elle a tort et Emmanuel Macron a raison de le lui faire remarquer. La CGT explique qu’elle veut qu’on l’entende. Elle ne veut pas être entendue. Elle veut que le gouvernement lui obéisse et retire son projet de retraites. Emmanuel Macron a annoncé dans son programme présidentiel qu’il allait réformer les retraites. Il a été démocratiquement élu pour réaliser ce programme. Le peuple a été consulté. Il s’est prononcé librement sur ce sujet. Il n’y a de la part d’Emmanuel Macron aucune action dictatoriale dans ce qu’il fait. En revanche, la CGT qui bloque les ports, coupe le courant, attaque les bureaux de la CFDT, piétine la démocratie. Elle a recours à une pratique qu’il faut bien qualifier de terroriste. Quand elle agit ainsi, elle pense défendre le peuple. Elle agit comme les communistes révolutionnaires l’ont toujours fait par le passé. Au nom de la défense du peuple et de ses intérêts, elle a recours à la violence en appelant cette violence démocratie.

 Aujourd’hui, manque-t-il un contrat social à la démocratie ? Nullement. Rappelons d’abord que le contrat social n’est nullement démocratique. Quand Rousseau établit le contrat social, il ne songe nullement à la démocratie qui, selon lui, est un régime irréalisable dans l’humanité et totalement opposé à ses capacités. Quand tout le monde obéit à tout le monde personne n’obéit à personne. Décidons d’obéir à la loi commune. On protège sa liberté. Telle est la formule du contrat social. Aujourd’hui, manque-t-il quelque chose au contrat social ? Non. Tout le monde est d’accord pour penser qu’en respectant la règle commune, on protège sa liberté individuelle. Nous ne sommes pas tous d’accord à propos des retraites ? Et alors ? Cela n’a rien d’anti-démocratique. Être en démocratie ne veut pas dire vivre dans l’unanimisme permanent. La majorité des Français soutient les grévistes ? Et alors ? C’est un sondage qui le dit. Un sondage n’est pas la réalité. La démocratie ne se règle pas à coups de sondages. Certes, en démocratie il faut faire ce que veut la majorité. Quand il y a vote, oui  quand il y a sondage, non. La démocratie ne se résume pas à l’opinion de mille ou deux mille personnes censées représenter soixante-dix millions de citoyens.

On fait un mauvais procès au gouvernement quand on qualifie sa façon de traiter la question des retraites d’antidémocratique. En revanche, quand le ministre de l’intérieur Christophe Castaner décide de ne pas mentionner la couleur politique de tous les élus de villes de moins de 9000 habitants, là, on a affaire à un déni de démocratie, cela revenant à maquiller les résultats des élections La façon dont les avocats sont traités relève également d’un déni de démocratie. De ces dénis de démocratie, on ne parle pas ou on en parle à peine.

Christophe Bouillaud : Effectivement, Emmanuel Macron ne semble pas vouloir en effet tenir compte de l’avis de la majorité des personnes concernées directement par sa réforme des retraites. En effet, l’un des enseignements constants des sondages publiés ces deux derniers mois sur le sujet n’est autre que la persistance d’une opposition majoritaire, non seulement dans la population en général, mais surtout dans la population directement concernée à terme, à savoir tous ceux qui ne sont pas actuellement à la retraite. Or l’une des idées de base de tout contrat social, c’est qu’une loi ou une règle ne s’applique valablement qu’avec le consentement, au mieux de l’unanimité, ou au pire de la majorité, de ceux qui seront concernés. Par ailleurs, plus un sujet est central pour les personnes, plus le consentement de ces personnes est important. Ce que les sondages objectivent correspond par ailleurs au rapport de forces, lors des dernières élections professionnelles servant à calculer leur représentativité, entre syndicats favorables et syndicats opposés à la réforme proposée par le gouvernement. Le premier syndicat, la CFDT, y est certes favorable, avec ses alliés de l’UNSA et de la CFTC, mais le bloc des opposants (CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU, etc.) est  majoritaire. Pour prendre une analogie, que dirait-on d’une loi qui rétablirait l’interdiction de l’avortement avec selon les sondages une majorité de femmes âgées favorables et une majorité de femmes en âge d’avoir ou pas des enfants défavorables? Cette loi serait par définition contraire à une vision du contrat social, où l’avis des premières concernées compte. Emmanuel Macron, s’il avait acquis par ses études ce minimum de sens de la démocratie, devrait comprendre qu’une réforme des retraites  –  sujet crucial  s’il en est – ne se fait pas contre la majorité des personnes concernées, et avec l’appui, caricatural d’égoïsme par bien des aspects, des personnes non concernées, soit la majorité des retraités. Le moins que l’on puisse dire, c’est donc qu’il n’existe pas un groupe central qui serait séduit par cette réforme-là des retraites. Cela ne veut pas dire qu’on ne pourrait pas regrouper les Français autour d’une autre réforme, mais, pour cela, il aurait fallu vraiment écouter les doléances (ou l’absence de doléances pour les avocats !) des différents groupes sociaux.

Par ailleurs, depuis 2017, Emmanuel Macron fait mine d’ignorer les conditions réelles de son élection. La référence permanente à son programme par lui-même et ses partisans, dont la porte-parole du gouvernement, fait comme si les électeurs français avaient été majoritaires à soutenir son programme du premier tour. Or, sauf à être vraiment très naïf, tout observateur, y compris un adolescent auquel on explique la politique française, sait bien qu’il a été largement élu grâce au rejet de l’électorat envers Marine Le Pen. Nous sommes, personne ne l’ignore, pour élire notre Président de la République dans un système électoral majoritaire à deux tours. L’exemple de 2002 aurait dû quand même inspirer quelque prudence de la part d’Emmanuel Macron, car il y avait sans doute une attente dans une grande part de l’électorat d’un comportement similaire à celui de Jacques Chirac. Il y avait là en effet un contrat implicite entre une bonne part des électeurs et le futur élu « pour faire barrage ». Se rappelle-t-on d’ailleurs les volées de bois vert que se sont pris les rares téméraires, dont un certain Jean-Luc Mélenchon, qui se sont montrés un peu trop tièdes lors de ce « front de salut républicain » du second tour ?  Combien de gens ont voté Macron au second tour en pensant simplement faire barrage à Marine Le Pen, mais ne pensant pas donner ainsi un permis de faire tout ce qui lui est légalement permis par nos institutions à un jeune et impétueux gouvernant imbu de ses idées de « Révolution » ? Nous serions dans un système électoral majoritaire à un tour, Emmanuel Macron pourrait se dire « majoritaire », même avec une majorité relative. Heureusement  pour lui d’ailleurs, ce n’est pas le cas, car, dans ce cas, c’est Marine Le Pen qui aurait été élue à la tête de l’Etat. Cette volonté de nier les conditions réelles de son élection par une minorité faible de convaincus au premier tour et par une majorité forte de « pourquoi-pas », de « il-le-faut-bien » et de « malgré-eux » au second tour a été renforcée par des élections législatives certes triomphales qui ne sont plus depuis l’inversion du calendrier qu’une validation de l’élection présidentielle. Dès le début de son quinquennat, Emmanuel Macron est donc élu dans les formes légales, mais avec une légitimité bancale. Cela n’a fait que se renforcer depuis. La crise des « Gilets jaunes » en atteste, celle sur la réforme des retraites y ajoute un épisode supplémentaire.  

Bref, il serait bon pour le sort de nos institutions qu’Emmanuel Macron arrête de se prendre pour Margaret Thatcher ou Ronald Reagan. Quoi qu’on pense, ces deux dirigeants avaient de vraies majorités relatives derrière eux. A force d’ignorer les signaux de mécontentement populaire, nous en arrivons à ce qu’un ancien conseiller de Matteo Renzi vienne de l’avertir dans un article du Monde du sort qui peut l’attendre. Notre Président ferait bien de lire cet avertissement, et, si possible, d’en tirer les conséquences qui s’imposent.

Dans ce même entretien, il décrit la dictature comme étant "un régime ou une personne ou un clan décident des lois". Jean-Luc Mélenchon  a vivement réagi à cette déclaration sur Twitter avec le #Macronpèteunplomb. Dans ce cas précis, le Président de LFI n'a-t-il pas raison ? Emmanuel Macron n'a-t-il pas fait une grossière erreur avec cette déclaration ? 

Bertrand Vergely : Emmanuel Macron se trompe et Jean-Luc Mélenchon aussi. Quand un individu ou un clan décide des lois, ce n’est pas la dictature mais la tyrannie. Emmanuel Macron assimile la dictature à un clan ou à un individu qui décide des lois parce qu’il appelle démocratie la représentation populaire, celle-là même qui l’a élu président. La démocratie n’est pas à l’abri de la dictature ni de la tyrannie. Il a existé par le passé des dictatures démocratiques. Quant au présent, les démocraties vivent une tyrannie que Tocqueville avait prévue, à savoir la tyrannie de l’opinion. La société est entièrement dominée par la rumeur publique agitée par les réseaux sociaux et par les medias.

S’agissant de Jean-Luc Mélenchon, celui-ci entend certainement par dictature le fait que le gouvernement ne cède pas aux revendications de la rue. En cela, il reflète bine l’air de notre temps. Quand les politiques s’accordent avec l’opinion de la rue, ils se font traiter de populistes et quand ils ne lui obéissent pas, ils se font traiter de dictateurs. Dans tous les cas, ils ont tort. Ce procès est celui que on entend tous les jours Dépourvu d’analyse fine, il n’a aucun intérêt.

Christophe Bouillaud : C’est vrai que cette déclaration du Président parait des plus maladroites. Car, s’il est bien un problème de la gouvernance à la Macron depuis 2017, c’est le nombre tout de même réduit de personnes impliquées dans sa manière de gouverner l’Etat. Le camp présidentiel a plutôt eu tendance à perdre des personnalités (comme Nicolas Hulot ou Gérard Collomb) qu’à en gagner au fil des deux années écoulées.  Les réserves sont faibles, pour ne pas dire inexistantes, et l’on voit bien que tout repose au final sur une petite équipe qui a du mal à se renouveler vraiment. C’est d’autant plus logique d’ailleurs qu’Emmanuel Macron n’avait pas un grand parti derrière lui quand il a été élu, mais seulement une partie de l’ancien PS et quelques ralliés de droite qui l’on rejoint ensuite.   Et puis, cette définition de la dictature parait un tout petit peu rapide tout de même… A ce compte-là, beaucoup de régimes politiques sont des dictatures, y compris des démocraties, parce qu’au fond il faut toujours des décideurs partout où la démocratie à la mode antique n’est plus possible pour des raisons de taille de la population  –décideurs nécessairement en nombre réduits, qui, ensuite, tiennent ou non compte de l’avis de leurs concitoyens, et c’est là l’une des vraies différences entre démocraties et régimes autoritaires.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Surtout, Emmanuel Macron porte à ses conséquences ultimes le régime de la Vème République, et devrait éviter de se vanter de nos institutions par nature démocratiques. Ce régime a toujours été décrié par ses opposants comme ouvrant la porte à un pouvoir personnel. Or le Général de Gaulle et ses successeurs, quoi qu’on en ait, n’ont jamais succombé à la tentation d’abuser des immenses pouvoirs que le texte leur donnait. Ils ont même parfois su reculer devant la vindicte populaire contre une réforme qu’ils avaient inscrite dans leur programme, mais qui suscitait une trop forte opposition d’une majorité de Français ou d’un secteur de la population. Certes, après le Général de Gaulle, plus aucun Président n’a osé tirer les conséquences d’un désaveu populaire, comme l’a fait ce dernier en 1969 suite à son référendum perdu sur la régionalisation. Mitterrand n’a pas démissionné en 1986 suite à la défaite de la gauche aux législatives de cette année-là, Chirac n’a pas démissionné non plus en 1997 dans la même configuration, et il n’est pas parti non plus  en 2005 après avoir été désavoué lors du référendum sur la Constitution. On se rappelle pourtant les débats qu’a suscités chez les spécialistes de droit constitutionnel la première « cohabitation » (1986-1988) tant elle pouvait être perçue, surtout à droite, comme une trahison de l’esprit des institutions « gaulliennes ». Il se dit d’ailleurs que Giscard aurait été  tenté par une telle configuration s’il avait perdu les législatives de 1978 – preuve en est que la Constitution ouvre trop de tentations de rester à la Présidence en dépit d’un désaveu populaire.  Cette dérive d’Emmanuel Macron pour faire sa « Révolution » vers un usage excessif, mais tout à fait légal et constitutionnel, des moyens de gouverner qu’offre à un Président français, surtout doté d’une majorité parlementaire composé  surtout de députés « godillots » ou « playmobils », ne semble être contrôlée par aucun sens de l’histoire, par aucune prudence au sens ancien du terme.  Par ailleurs, cette poussée aux limites de la Vème République ne peut qu’inquiéter à terme : une extrême droite éventuellement victorieuse en 2022,  probablement par rejet du « macronisme », n’aura plus qu’à se couler dans la pratique déjà là du quinquennat précédent,  qui pourra alors la contester dans sa manière de faire usage des institutions ? Surtout parmi ceux qui n’auront rien trouvé à redire à la façon qu’aura eu Macron de gouverner le pays pendant cinq ans ?  

Finalement, le Président français ne montre-t-il pas ici en dressant deux portraits erronés de la démocratie et la dictature qu'il n'a absolument pas compris les fractures qui existent aujourd'hui au sein de la population française et la colère qui monte ?

Bertrand Vergely : Au contraire. Emmanuel Macron a parfaitement conscience de la fracture sociale qui existe en France. À l’occasion de la crise des Gilets Jaunes et du tour de France qu’il a effectué à cette occasion, il a pu s’en rendre compte. Seulement, il a décidé qu’il réformerait la France en pensant qu’il parviendrait par cette réforme à remédier à cette  fracture sociale. D’où ce paradoxe : s’il n’entend pas la France qui grogne et qui est en colère c’est parce qu’il l’entend N’oublions pas qu’il a annoncé son programme dans son ouvrage Révolution paru lors des élections présidentielles.

Il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La surdité d’Emmanuel Macron à l’égard du mouvement social n’est pas de la surdité. C’’est au contraire sa façon d’entendre ce mouvement social. Emmanuel Macron a décidé que, quoi qu’il arrive, il réformerait la France et il ne varie pas d’un iota par rapport à ce principe. C’est ce qui déconcerte aujourd’hui les Français, les syndicats et la classe politique.

Christophe Bouillaud : C’est difficile à savoir : n’a-t-il pas compris, ou fait-il semblant de ne pas comprendre ? Mon pari, c’est qu’il n’est pas idiot, et, donc, c’est plutôt qu’il a compris la colère qui monte dans le pays. Il se sait minoritaire. Il a tous les instruments à sa disposition pour le comprendre, en particulier les sondages et toute l’armature de l’Etat en la matière. Par contre, parce qu’il a construit ainsi son personnage, parce que ses soutiens apprécient ce côté volontaire et sourd aux volontés populaires, il pense toujours pouvoir passer en force grâce à la solidité extraordinaire de nos institutions et à la loyauté de ceux dont c’est le métier de les servir quoi qu’il arrive (police, magistrature, haute fonction publique). Il voit bien aussi que les oppositions (extrême-droites, droites et gauches) sont vraiment peu performantes pour mettre en musique un front contre lui – même si le débat parlementaire peut révéler des surprises.

Surtout, au point où nous en sommes arrivés, après presque deux mois de conflit, il n’a pas d’équipe de rechange. Il est comme un joueur de poker qui a tout misé sur une défaite en rase campagne de tout ce que la France comme défenseurs du « modèle social français ». Or, pour l’instant, il a certes gagné des batailles contre les syndicats de la SNCF et de la RATP en faisant durer la grève au point d’en dégouter les grévistes, mais il a perdu pour l’instant la bataille de l’opinion publique. Or celle-ci s’annonce de plus en plus ardue à mesure que tout un chacun, avec la publication des textes de la loi envisagé, va découvrir les détails de cette réforme des retraites. Même le Conseil d’Etat, institution la plus respectueuse qui soit de tous les gouvernements, émet dans son avis quelques doutes sur l’impréparation de toute cette réforme. Il est vrai que confier la préparation d’une telle réforme systémique à un vieux politicien de plus de 70 ans n’était pas peut-être la meilleure idée du quinquennat – comme quoi, la retraite n’est pas seulement utile pour celui qui bénéficie ainsi de loisirs bien mérités, mais aussi pour la société toute entière qui évite ainsi d’avoir à subir les faiblesses de celui qui, croyant ne pas décliner, a accepté la mission de trop dans sa longue carrière. Tout le monde n’est pas Churchill. Dans une situation semblable, un Président avant Macron, disposant d’un parti structuré de longue date derrière lui, serait en train de préparer un nouveau gouvernement pour dénouer la crise et relancer sa popularité. Pour Macron, c’est plus compliqué. Quelle équipe de rechange peut-il envisager ? Même une Ségolène Royal est passée en quelques semaines du statut de « roue de rechange » au cas où à celui de « mouche du coche » bien décidée à se venger, c’est dire…

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