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Méfiez vous des bulles tech : 20 ans après, les rémunérations décevantes  de la génération internet 1.0
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Difficultés du monde de la "Tech"

Selon une étude réalisée par des universitaires, un écart de salaire de 7% a été constaté entre les individus travaillant dans l’industrie des nouvelles technologies françaises qui ont commencé leur carrière à la fin des années 1990 et ceux qui ont rejoint les nouvelles technologies plus tard.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico.fr : D’après une étude réalisée par deux universitaires français et américains, on note un écart de salaire de 7% entre les individus travaillant dans l’industrie des nouvelles technologies françaises qui ont commencé leur carrière à la fin des années 1990 et ceux qui ont débuté dans d’autres secteurs et ont rejoint les nouvelles technologies plus tard.

Comment expliquer que les personnes ayant débuté leur carrière dans ce secteur soient, à présent, nettement moins payées que celles qui l’ont rejoint plus tardivement ?

Michel Ruimy : La digitalisation accrue des entreprises, avec notamment l’émergence de plus en plus rapide de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle, le machine learning…, continue, de nos jours, à avoir un impact sur les recrutements.

Déjà, depuis quelques années, les entreprises anticipent la transformation progressive des métiers. Elles créent, de ce fait, une demande sur des profils techniques capables de les accompagner dans leur évolution. Les métiers IT (Information Technology) sont ainsi de plus en plus techniques et de plus en plus spécialisés. Du coup, les salaires reviennent au cœur des enjeux d’attractivité et de rétention des talents.

Certains profils prisés, comme les spécialistes de Progiciels de Gestion Intégré (PGI ou ERP en anglais), des données (data) et de la sécurité, tirent profit, à la fois, de ce marché du travail sous tension et d’un phénomène persistant de surenchère sur les salaires devant la pénurie des talents.Dans ce contexte, le salaire est l’instrument de la recherche des talents du numérique.

À l’avenir, si vous ne possédez pas un solide bagage technique, une vraie compréhension des enjeux « business » et une employabilité avérée, il ne vous reste qu’une seule stratégie : changer d’entreprise pour vous tourner vers les compétences qui feront de vous un « mouton à cinq pattes » sur le marché du recrutement. Car la mise à niveau sur des compétences pointues est vraisemblablement une des raisons qui expliquent la dichotomie des rémunérations à 20 ans d’écart. La complexification des langages notamment, a contraint de nombreux métiers à relever le niveau minimal d’études requis à l’embauche.

On retombe là sur la problématique des salariés : l’importance de rester employable et non d’être employé. Il convient d’être relativement agile et ouvert aux nouvelles opportunités d’autant qu’avec la numérisation, le développement continu et rapide des nouvelles technologies, les évolutions démographiques et les préoccupations écologiques transforment les métiers actuels. Ces mutations sociétales contribuent à l’apparition de nouvelles compétences portées par la « génération Y » et à la formation en devenir de métiers inédits que pratiqueront, dans la prochaine décennie, les purs « digital natives ».

Ce phénomène tient-il principalement au fait que les compétences requises aujourd’hui sont plus spécialisées et variées ou montre-t-il un certain déclin du monde de la « Tech », du moins en termes de prestige et d’attractivité des salaires ?

Pas seulement. La quasi rareté de compétences spécifiques l’explique aussi alors que les nouvelles technologies envahissent notre quotidien.

Les PME et ETI amorcent ou poursuivent leur prise de conscience sur l’importance d’avoir des directions de Technologie et Information (IT) performantes. Si la digitalisation est souvent le sujet le plus au cœur des thématiques traditionnelles, la refonte des infrastructures ou le déploiement de PGI restent au cœur des préoccupations, symbole du retard parfois accumulé sur les dernières années. De même, le Règlement General de Protection des Données (RGPD), au-delà de son impact sur les sujets sécurité et audit IT, a été l’occasion de remettre à plat des organisations IT et de les repenser. Les entreprises qui auront réussi leur travail de fond sur l’architecture technique et data seront donc les mieux dotées pour faire face à la transformation numérique. C’est pourquoi, elles sont en quête de profils, rares, experts en « Internet des objets » (Internet of Things - IoT), ou d’analyse des données… afin de porter la transformation de leur modèle économique.

En outre, la nature et la taille d’une entreprise sont déterminantes dans les critères de recrutement et d’évolution de carrières et de niveau salarial. Les grands groupes et les PME vont hésiter à embaucher un jeune sans expérience et lui préférer les « profils confirmés ou ayant fait leurs preuves », donc un niveau de rémunération élevé tandis que les startups se montrent moins frileuses et embauchent « principalement des jeunes diplômés ». Ayant peu de moyens financiers, le salaire d’embauche est bas. Toutefois, il s’agit d’un pari payant puisque qu’elles rencontrent moins de difficultés à embaucher que les PME.

Ce phénomène s’observe-t-il uniquement en France où constate-t-on un schéma similaire à l’étranger ?

Nous le retrouvons, en grande partie, chez les partenaires commerciaux de la France. 

Certaines entreprises étrangères apprécient les candidats français en raison d’une part, de la bonne réputation du système d’enseignementfrançais et d’autre part, de leurs compétences, a fortiori s’ils ont fait un stage à l’étranger.D’ailleurs, elles y mettent le prix. Il faut bien comprendre qu’une des raisons de la pénurie de développeurs en France résulte des départs des jeunes talents à l’étranger où ils sont, en moyenne, mieux payés. Aux États-Unis, le salaire moyen d’un développeur est de l’ordre de 100 000 dollars, en Allemagne, il se situe à un peu moins de 70 000 dollars alors qu’en France,il s’établit autour de 55 000 dollars.

Mais, on observe fréquemment, dans la plupart des pays de l’OCDE, que l’expérience professionnelle apparaît de plus en plus comme le critère le plus valorisé dans le processus d’embauche car elle est un indicateur du potentiel d’adaptation du candidat. Si elle est réussie, elle devient, en quelque sorte,un signal stratégique de la compétence qui devance le diplôme, tant pour les techniciens que pour les professionnels et les cadres.

D’autant qu’aujourd’hui, avec le développement rapide notamment des nouvelles technologies, de nombreuses compétences en vogue ne font l’objet pour l’instant d’aucun diplôme reconnu. Plus qu’un cursus, la capacité à démontrer certains ressortsseraun atout crucial à l’embauche dans les années à venir. En raison de cette « révolution des métiers », des compétences, à la fois techniques et comportementales, pourraient prendre le pas sur les critères d’embauche traditionnels. En d’autres termes, elles rendront, peut-être, bientôt obsolète le duo diplômes – expériences.Ayant conscience de cette situation, certains établissements d’enseignement supérieur se sont déjà engagés dans cette voie en développant des « soft skills » (résolution de problèmes complexes, intelligence émotionnelle…).

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