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Petits pronostics sur les avancées de la médecine en 2020
©JEFF PACHOUD / AFP

Prévisions 2020

A l'occasion de la fin de l'année 2019, Atlantico a demandé à ses contributeurs les plus fidèles de s'interroger sur l'année à venir. A quoi pourrait bien ressembler 2020 ? Le Dr Stéphane Gayet évoque les potentiels progrès en médecine et les perspectives sur le plan de la santé pour cette nouvelle année.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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L'année 2020 arrive et en cette période instable et même tumultueuse, on peut se demander comment va évoluer la santé et la médecine en France au cours de cette nouvelle année.

On peut distinguer les évolutions épidémiologiques, technologiques, pharmaceutiques, réglementaires ainsi que les découvertes attendues et les changements déterminants dans les pratiques de soins.

Stéphane Gayet : Sur le plan épidémiologique, malgré tous les progrès accomplis en matière de surveillance des maladies, il est tout juste possible d’entrevoir les tendances générales concernant les maladies qui sont déjà en cours de circulation ; mais la prévision des phénomènes épidémiques émergents reste encore très utopique. Car les phénomènes épidémiques émergents sont essentiellement d’origine infectieuse ou toxique.

S’agissant de l’origine infectieuse, on sait au moins une chose : les maladies émergentes sont avant tout des zoonoses, en d’autres termes des maladies infectieuses de l’animal qui passent accidentellement à l’homme puis s’y développent en y devenant autonomes. Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la fièvre à virus Ebola, mais aussi d’autres zoonoses plus anciennes comme la peste et la fièvre jaune, évoluent sous la forme de foyers épidémiques qui apparaissent et puis disparaissent sans que l’on ne puisse vraiment les anticiper. Les réservoirs primordiaux de ces maladies infectieuses sont animaux (zoonoses), l’homme pouvant devenir un réservoir secondaire le temps d’un épisode épidémique, permettant le développement et l’extension de cet épisode. Quant à la maladie de Lyme (borréliose associée à d’autres infections), c’est également une zoonose, mais qui est devenue endémique (permanente). Il y a d’autres zoonoses, qui ne sont toutefois pas responsables d’épidémies, mais uniquement de cas sporadiques (isolés), comme la leptospirose.

Au sujet de la possibilité de nouvelles maladies infectieuses émergentes, Santé publique France et tous les organismes qui lui sont rattachés (Agences régionales de santé en particulier) ont un dispositif de vigilance performant et bien rodé. Les alertes fonctionnent plutôt bien et rapidement.

C’est la même chose du côté des maladies émergentes d’origine toxique : leur source peut être alimentaire (il s’agit alors d’aliments industriels) ou hydrique, pour l’essentiel. Les aliments industriels peuvent également être à l’origine de cas de toxi-infections alimentaires (il s’agit, soit d’un microorganisme le plus souvent bactérien, soit plus rarement d’une toxine microbienne seule, c’est-à-dire ayant contaminé un aliment dans lequel le microorganisme source n’est plus présent).

En somme, tout ce que l’on peut dire est qu’il faut s’attendre en permanence à de nouvelles épidémies. Malgré toutes les réglementations et vigilances, le bouleversement climatique et la course sans fin au profit les rendent très probables.

Concernant les maladies infectieuses épidémiques et strictement humaines comme la rougeole, c’est la vaccination qui devrait permettre d’endiguer la progression épidémique. S’agissant de maladies infectieuses épidémiques et zoonotiques pour lesquelles il n’existe pas de vaccination, comme la maladie de Lyme, la progression va continuer, en l’absence d’une prévention suffisamment efficace et du très grand nombre d’animaux infectés.

Sur le plan des évolutions technologiques attendues en 2020, le domaine de la santé est toujours en pleine progression. Cela concerne à la fois les activités des professionnels de santé et celles des particuliers.

Du côté des professionnels de santé, l’essor technologique se poursuit à grands pas et c’est pratiquement un problème. En effet, on invente et crée sans cesse de nouveaux appareils pour explorer et traiter les maladies. Ces appareils sont de vraies merveilles de miniaturisation et de performance. Leur utilisation est de plus en plus douce et indolore, de telle sorte qu’on est tenté de les utiliser chez des personnes très jeunes, très âgées ou très fragiles. Ces nouveaux dispositifs médicaux sont présentés lors des congrès médicaux et chirurgicaux. Il existe une émulation entre médecins et chirurgiens, chacun ayant le désir de posséder et d’utiliser tel ou tel appareil avant ses confrères. Ces dispositifs innovants contribuent en partie à la réputation de telle ou telle clinique, de tel ou tel praticien. Les sociétés qui les conçoivent, fabriquent et commercialisent ont une force de vente impressionnante : elles avancent l’idée selon laquelle ces nouveaux appareils vont permettre des économies, grâce à des raisonnements fort habiles et bien présentés. Or, c’est souvent le contraire, pour un tas de raisons de différentes natures : la plupart de ces dispositifs médicaux innovants contribuent généralement à une augmentation des dépenses de santé, quoi qu’on en dise.

Il est facile de comprendre que les dépenses de santé ne font qu’augmenter. Bien sûr, dans ce circuit économique, ce sont les entreprises privées marchandes qui sont financièrement bénéficiaires. Mais attention : il est hors de question de nier l’intérêt des progrès en termes de qualité et de sécurité des soins permis par ces nouveaux appareils ; ces progrès sont bien évidemment importants et parfois énormes. Toutefois, il est manifeste que ces nouveaux dispositifs médicaux entrainent globalement une augmentation des dépenses de santé.

L’Objectif national des dépenses d'assurance maladie ou ONDAM, mis en place par les ordonnances du Plan Juppé de 1996, est un outil destiné à maîtriser les dépenses de l’assurance maladie. Il s’agit de l’objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville, d’hospitalisation et de soins médico-sociaux. Il est voté chaque année au Parlement lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). L’ONDAM est très proche annuellement de 200 milliards d’euros. Sa tendance naturelle est d’augmenter annuellement de 4 %. Les LFSS cherchent à maintenir cette augmentation vers 2,5 %.

Au sujet des particuliers, le développement des applications santé pour les téléphones mobiles va s’intensifier. Il s’agit là d’un domaine en plein essor où rivalisent de nombreuses startups. Manifestement, cette façon d’autogérer sa santé est quelque chose qui plaît beaucoup, d’autant plus qu’il existe depuis plusieurs années un fort courant de défiance vis-à-vis du corps médical dans son ensemble.

En matière d’évolutions pharmaceutiques, on comprend facilement que la recherche soit orientée vers les substances les plus rentables. Le président-directeur général de l’énorme banque d’affaires mondiale, phare de la finance internationale, avait lui-même déclaré : « En matière de recherche pharmaceutique, il n’est pas rentable d’investir dans la recherche de substances qui guérissent les malades, mais plutôt dans celle de substances qui les maintiennent en vie sans les guérir. » On voit que les objectifs financiers ne sont pas des objectifs sanitaires. C’est le principe de réalité. Dès lors, il apparaît de façon assez claire que la recherche pharmaceutique est orientée bien plus en direction des médicaments anticancéreux, des médicaments immunosuppresseurs et immunomodulateurs, qu’en direction des antibiotiques. Il faut donc s’attendre en 2020 à de nouveaux médicaments anticancéreux et de nouveaux immunosuppresseurs ou immunomodulateurs, et à très peu ou pas du tout de nouveaux antibiotiques, ce dont nous avons pourtant grand besoin. C’est parfaitement logique. Ce l’est encore plus quand on prend en compte le fait qu’un nouvel antibiotique se périme assez rapidement en raison de l’apparition de résistances bactériennes.

Par ailleurs, il faut s’attendre également à la mise sur le marché de nouveaux produits permettant de ralentir l’évolution de la maladie d’Alzheimer : plusieurs produits sont en cours de développement. Les négociations en vue de leur prise en charge par l’Assurance maladie seront certainement âpres. Car il paraît clair que tous ces nouveaux médicaments vont être fort coûteux.

En ce qui concerne les évolutions réglementaires, la tendance à permettre à des professionnels de santé non médecins de réaliser des actes jusqu’ici réservés aux médecins devrait logiquement se poursuivre (pharmaciens, médecins). De toute évidence, la situation assez privilégiée dont ont longtemps bénéficié les médecins dans le système de santé devrait ainsi continuer à s’effriter. La vaccination contre la grippe par les pharmaciens et les pratiques infirmières avancées n’en sont que deux exemples parmi bien d’autres. Il est probable que la compétence pour établir un certificat de décès suive, ainsi que d’autres mesures. La tendance à retirer du marché les médicaments, soit sans preuve suffisante d’efficacité, soit de marge thérapeutique étroite (MTE) va bien sûr se poursuivre : chaque semaine, plusieurs médicaments sont supprimés de l’offre de la pharmacopée française. La marge thérapeutique est la différence qui existe entre la dose efficace et la dose toxique d’un médicament.

Le système de santé français a longtemps été orienté essentiellement vers les soins curatifs. En rendant obligatoires 11 au lieu de 3 vaccins chez l’enfant, le ministère chargé de la santé a montré son engagement en direction de la prévention. Ce mouvement devrait également se confirmer, étant donné que la prévention est à tous points de vue plus rentable que les soins curatifs, surtout ceux donnés à un stade avancé d’une maladie.

Si maintenant l’on veut parler des découvertes attendues pour 2020 ou 2021, il existe encore trop de maladies chroniques dont la cause, le mécanisme et le traitement ont un grand besoin d’avancée décisive.

Les maladies neurodégénératives ou neuro-inflammatoires (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, sclérose latérale amyotrophique, sclérose en plaques…) sont depuis des années en attente de progrès. C’est toujours le cas de la maladie de Lyme chronique dont la connaissance du mécanisme, le diagnostic et le traitement doivent urgemment progresser. C’est aussi le cas des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou MICI (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique…).

C’est l’occasion de préciser que le défi de la médecine dans les années qui viennent sera de comprendre et de prévenir ou bien de traiter les maladies chroniques mal comprises, ces maladies qui représentent l’avenir de la médecine, étant donné que la plupart des maladies aiguës sont évitables, curables ou d’évolution spontanément favorable. Et les cancers font eux aussi partie de ces maladies chroniques encore très insuffisamment comprises, car particulièrement complexes.

Enfin l’année 2020 va connaître d’importantes évolutions dans les pratiques de soins. L’e santé est un domaine en plein essor, parallèlement au développement des applications santé pour les téléphones mobiles des particuliers.

C’est notamment la téléconsultation qui devrait connaître en 2020 un fort développement : c’est à la fois confortable pour les deux parties et applicable à de nombreuses pathologies ou états de santé. Une dizaine d’opérateurs proposent d’ores et déjà aux médecins libéraux une solution clef en main de téléconsultation, avec des frais s’élevant à 15 ou 20 % du prix de la consultation. À distance, on peut prescrire des examens complémentaires, demander l’avis d’un spécialiste, établir une ordonnance sécurisée et beaucoup d’autres actes médicaux.

Dans le même ordre, les ordonnances dites dématérialisées vont se généraliser.

Le nombre d’hospitalisations dites conventionnelles va continuer à baisser au profit de l’hospitalisation de jour ou ainsi que de l’hospitalisation à domicile (HAD). La HAD est certainement promise à un bel avenir, car, comme l’hospitalisation de jour, elle est à la fois agréable pour le patient et ses proches, et source d’économie pour l’Assurance maladie.

Mais l’e santé, c’est encore les logiciels d’aide au diagnostic pour les médecins, les bases de données concernant les effets secondaires enregistrés et répertoriés des médicaments et aussi la formation médicale continue à distance, sans oublier bien sûr le dossier médical partagé ou DMP, véritable carnet de santé numérique (il existe, en plus de la version officielle du DMP, des versions privées provenant de startups).

Pour en savoir plus, ce document de la Haute autorité de santé (HAS) à télécharger est clair et agréable.

La relation médecin-malade va beaucoup évoluer du fait du développement et du déploiement de ces nouveaux outils qui se révèlent performants et très utiles. On va évoluer vers une sorte de partenariat. Les patients en sauront parfois plus que leur médecin sur leur maladie chronique, c’est fatal. C’est l’une des tendances évolutives en effet, il faut l’accepter et la prendre en compte dans la prise en charge médicale d’une personne malade.

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