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Face à l’Iran ce qui manque à l’Amérique n’est pas la capacité militaire mais la crédibilité
©MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Bras de fer

La puissance militaire américaine n'a pas de rivale mais face à l'absence de réaction de Washington lors notamment de la crise liée à la destruction des infrastructures pétrolières saoudiennes, la crédibilité des Etats-Unis est remise en question sur le dossier iranien.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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La nature humaine est telle que face à l’absence de sanctions, l’être humain ne cesse d’explorer continuellement les limites du permis, d’où l’adage de droit : « ce qui n’est pas interdit est permis ». Ce constat s’impose également dans les relations internationales. Le cas du conflit qui oppose l’Iran et les Etats-Unis est à cet égard particulièrement révélateur. Depuis l’avènement de Trump, la rhétorique américaine face à Téhéran ne cesse de se durcir. Le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015 au mois de mai 2018 fut suivi de la transposition sur l’Iran de l’ensemble de l’arsenal des sanctions américaines en ce y compris celles qui frappent les entreprises non américaines de par le jeu de l’extraterritorialité de la loi américaine. Depuis lors, la politique nouvelle de Washington à l’encontre de l’Iran s’intitule « pression maximale ». Face à cette nouvelle donne, Téhéran oppose, pour sa part, sa nouvelle politique de « résistance maximale ».

L’économie iranienne, depuis le retarit américain de l’accord nucléaire, ne cesse de contracter. En 2019 d’après le Fonds Monétaire International, l’économie iranienne se contractera de plus de 4%. Les récentes troubles que le pays a connu, durement réprimées, ne représentent que la face visible de l’iceberg. Un mélange de facteurs réunissant l’extrême corruption, des erreurs de gestion de la part du gouvernement et l’incapacité de plus en plus avérée de l’Iran de vendre son pétrole contribuent à la désolation actuelle. L’incapacité des européens à tenir tête face aux Etats-Unis, malgré leur volonté de sauver cet accord nucléaire moribond, pousse Téhéran vers des actes de provocations de plus en plus spectaculaires. Après l’attaque de tankers pétroliers, attribuée à l’Iran et demeurée impunie, Téhéran ne cesse de s’adonner à des provocations qui sont autant un signe de frustration que de provocation. L’objectif de Téhéran étant de pousser l’Europe dans ces derniers retranchements et forcer les grandes capitales européennes à prendre des mesures concrètes visant à sauver l’accord nucléaire et de la sorte apporter à l’Iran des bouffées d’oxygènes. Accord nucléaire que l’Iran a respecté à la lettre jusqu’à il y a peu, Téhéran ne voyant plus pourquoi l’Iran serait le seul des 7 signataires à en respecter les termes.

Or quitte à faire la provocation de trop, la stratégie iranienne, faute de preuves tangibles d’un soutien de l’Europe, pour l’instant hypothétique au mieux, n’est pas près de changer. Ainsi, au mois de juin dernier, les gardiens de la révolution, qui incarnent l’armée idéologique du pouvoir, ont abattu un drone d’espionnage américain au-dessus de leurs eaux territoriales par un missile sol-air. Outre l’exploit technologique, car les américains ne soupçonnaient pas que les iraniens disposaient de missiles capables de frapper leurs actifs militaires à des hauteurs pareils, c’est l’absence de réaction américaine qu’il faut retenir. Le Président américain poussant le ridicule jusqu’à remercier les iraniens de s’être abstenu de frapper un autre avion américain qui lui transportait des militaires américains. Trump ayant même surenchérit en déclarant qu’il appartenait à chaque pays de la région d’assure la protection de ses propres navires et aéronefs. Au lendemain de cet incident, les Emirats Arabes Unis se sont retirés de la coalition dirigée par les saoudiens dans le conflit meurtrier contre les Houthis au Yémen ; reconnaissant de la sorte le danger qu’il y avait à contrer l’Iran dans la région.

Moins de trois mois après cet incident avec l’aviation américaine, l’Iran a récidivé, le 14 septembre, en détruisant la principale infrastructure pétrolière saoudienne, Al-Khurair. Exploit technologique s’il en est, comiquement revendiqué par les Houthis, car les radars et Awacs américains qui assurent la sécurité de l’espace aérien saoudien n’ont su ni identifier le décollage d’une armada de drones à propulsion de jet et missiles Cruise ni d’en identifier le trajet, ces derniers volants à des vitesses différentes. L’affaire fut tellement délicate que l’aviation israélienne est en alerte depuis et sa centrale nucléaire Dimona fermée ! Malgré cela, aucune réaction américaine à part une mini attaque cyber dont l’efficacité reste à démontrer. Outre le fait que cette attaque à l’encontre des infrastructures saoudiennes met un terme à l’engagement américain dit de « Quincy » d’assurer la protection des Saoud, ce qu’il faut retenir en particulier c’est l’absence totale de réaction de la part de Washington à l’égard de l’Iran.

Ces attaques du 14 septembre contre les installations pétrolières saoudiennes ayant arrêté 5% de la production mondiale tout en mettant fin à la domination des airs par les américains et israéliens méritent d’être soulignées par l’absence de réaction crédible de la part de Washington. Trump n’ayant trouvé rien de mieux que d’envoyer une centaine de soldats en Arabie Saoudite afin d’assurer la sécurité terrestre des installations comme si les attaques venaient par la route !

Il ne fait aucun doute que la puissance militaire américaine n’a pas de rivale mais face à l’absence de réaction de Washington c’est sa crédibilité qui est remise en question. Les conservateurs à Téhéran sont convaincus maintenant que les Etats-Unis n’ont aucune envie d’en découdre et que malgré sa rhétorique belliqueuse, Washington « does not walk the talk »!

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