La délicate question des terroristes étrangers et de leurs nationalités<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Terrorisme
La délicate question des terroristes étrangers et de leurs nationalités
©REUTERS / Dado Ruvic

Bonnes feuilles

Kader A. Abderrahim et Victor Pelpel publient "Géopolitique de l'état islamique : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde" aux éditions Eyrolles. Comment Daech s'est-il imposé au Moyen-Orient ? Comment les Etats luttent-ils ? Cet ouvrage aide à y voir plus clair. Extrait 2/2.

Victor Pelpel

Victor Pelpel

Victor Pelpel est collaborateur du directeur de l'IRIS. Diplômé en Affaires internationales et développement à l'université Paris-Dauphine, il s'intéresse particulièrement aux enjeux stratégiques au Moyen-Orient et en Amérique latine.

Voir la bio »
Kader Abderrahim

Kader Abderrahim

Kader A. Abderrahim est maître de conférences à Sciences Po, directeur de recherche à l'IPSE et Senior Advisor au Brussels International Center (BIC). Il est également membre du Global Finder Expert des Nations unies qui vise à faire des recommandations au Secrétaire Général de l'ONU sur le dialogue des civilisations et le rapprochement entre le Sud et le Nord.

Voir la bio »

QUI SONT LES TERRORISTES ÉTRANGERS ? 

Au moment où les territoires de Daech en Syrie et en Irak ont été le plus étendus, on estime qu’il y aurait eu entre 25 000 et 30 000 combattants étrangers. Recrutés pour la plupart grâce à la redoutable communication de l’organisation via les réseaux sociaux, les arrivées de combattants étrangers prennent une ampleur préoccupante à partir de la proclamation du califat en 2014. Au plus fort, les combattants étrangers sont alors jusqu’à 1 500 à arriver par mois sur la période 2014-2015, selon le Pentagone. Si le nombre d’arrivées a fortement chuté, il se maintient tout de même à près de 150 nouveaux combattants chaque mois fin 2018. 

En provenance du Golfe, d’Afrique du Nord, du Caucase ou des Balkans, ces combattants arrivent également de pays occidentaux (notamment européens). Pour ne citer que les pays ayant comptabilisé plus de 1 000 départs, on retrouve : la Tunisie (3 000 selon les autorités, plus de 6 000 selon les experts internationaux), l’Arabie saoudite (2 500), la Jordanie (2 200), le Maroc (2 000), la France (1 300-1 500), la Russie (1 500) et la Turquie (1 300). Cette donnée reste cependant sensible, et les États sont généralement frileux à communiquer sur ce phénomène. Ainsi, en 2016, l’ONU annonce que seuls cinq États reconnaissent officiellement compter plus de 1 000 combattants de Daech. 

Pour lutter contre ces départs, mettre en place des mesures de contrôle, de contre-terrorisme et de déradicalisation, plusieurs instituts, notamment européens, ont cherché à établir un profil type des candidats au départ. Cependant, la diversité des études et des profils donne des résultats variables, difficilement analysables. Les dynamiques sont propres à chaque État. Ainsi, les données récoltées sur l’Europe ne sont pas transposables aux réalités nord-africaines ou moyen-orientales. Si les questions du départ, de la contrecommunication ou la déradicalisation ont longtemps préoccupé les pays d’origine de ces combattants, il s’agit désormais d’envisager leur retour. 

LE RETOUR DES COMBATTANTS

Contrairement à certaines idées reçues, les premiers retours de djihadistes interviennent dès 2015-2016, avant les grandes défaites de Daech. 

La question que pose le retour de ces combattants dans leur pays d’origine est avant tout celle de leur capacité de remobilisation. Le risque est d’abord celui de la perpétration d’attentats. Le cas d’Abdelhamid Abaaoud révèle la capacité de certains terroristes à échapper aux forces de sécurité, et à ainsi parvenir à mener des attaques. Certains pourraient également former des cellules dormantes ou réactiver des cellules existantes, ce qui constituerait un risque de plus long terme. L’expérience des vétérans d’Al-Qaïda dans les années 1990, notamment en Algérie (GIA), au Maroc (GICM) ou en Libye (GICL), laisse craindre la formation de nouveaux groupes armés, en particulier au sein de pays en proie à une instabilité politique. Les combattants qui rentrent dans leur pays jouent effectivement souvent un rôle essentiel dans la structuration des mouvements. Ils sont auréolés de leurs faits d’armes, ce qui leur donne un ascendant sur les recrues potentielles. Dans le cas de l’Europe, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont les pays les plus concernés, avec plus de 300 retours à ce jour. Les défaites de Daech et la perte de son assise territoriale au Levant ont changé la donne pour les pays européens. Le risque et la problématique résident moins dans le retour d’individus par voie clandestine, comme ce fut le cas entre 2014 et 2017, que dans le rapatriement ou non d’individus emprisonnés. À compter de 2018, de nombreux combattants étrangers sont tués ou faits prisonniers lors des différents assauts des forces démocratiques syriennes ou par les forces irakiennes. Face à cette menace, c’est la cacophonie au sein des exécutifs européens. Le Royaume-Uni a par exemple enclenché une procédure de déchéance de nationalité d’une de ses ressortissantes, retrouvée début 2019 dans un camp de réfugiés syriens. Le gouvernement français de son côté hésite entre rapatrier – et donc juger en France – et laisser les combattants emprisonnés en territoires syriens et irakiens, ce qui signifierait l’application des législations locales à leur encontre et donc possiblement de la peine de mort (onze ressortissants français ont ainsi été condamnés à mort par les autorités irakiennes en 2019). La France semble néanmoins faire une distinction entre les combattants, qui seraient jugés sur place, et les familles ou enfants, qui pourraient être rapatriés s’ils n’ont pas participé aux combats. Les opinions publiques sont généralement opposées à ce retour, poussant les autorités à aller dans ce sens. 

Les pays du Maghreb sont également particulièrement vulnérables à cette menace du retour des combattants. Déjà 3 000 d’entre eux seraient revenus dans la région.

FOCUS

Les enfants étrangers seraient, en 2019, 2 500 en Irak et en Syrie. Certains sont arrivés avec leurs parents et ont été embrigadés et instrumentalisés, devenant les « lionceaux du califat ». Certains ont combattu, plutôt les garçons, quand d’autres ont fait l’objet de violences et de trafics sexuels, plutôt les filles. D’autres encore, plus jeunes, sont nés sur place et sont donc plutôt apatrides, car non déclarés officiellement. Beaucoup d’enfants ont déjà été rapatriés, mais d’autres vivent toujours en prison ou dans des camps avec leur mère, notamment au sein du camp d’Al-Hol en Syrie, tenu par les forces démocratiques syriennes. Entre 70 et 80 enfants français seraient toujours présents dans la zone irako-syrienne. De nombreuses associations et des organismes militent en faveur de leur rapatriement sans condition, tandis que l’État continue de privilégier le cas par cas.

A RETENIR

D’abord confrontés au départ de nombreux combattants en direction d’Irak et de Syrie, de nombreux pays, dont certaines nations européennes et d’Afrique du Nord, sont ensuite confrontés au retour de ces combattants susceptibles de mener des attaques sur leurs territoires. La perte de l’assise territoriale de Daech entraîne l’emprisonnement de nombre d’entre eux. Les familles des combattants sont pour la plupart retenues dans des camps. Face à ce défi du retour et du rapatriement, les États européens hésitent.

Extrait du livre de Kader A. Abderrahim et Victor Pelpel, "Géopolitique de l'état islamique : 40 fiches illustrées pour comprendre le monde", publié aux éditions Eyrolles. 

Lien vers la boutique Amazon : ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !