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Le nouvel entre-deux stratégique d’Emmanuel Macron
©Thibault Camus / POOL / AFP

Le Macron nouveau est arrivé

Emmanuel Macron a été critiqué pour son isolement. Lors du Congrès des Maires de France cette semaine, le président de la République a insisté sur le rôle des élus. Le chef de l'Etat semble également déléguer davantage certains sujets et laisser une place importante au Premier ministre Edouard Philippe, notamment sur le dossier des retraites.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico.fr : Devant le Congrès des maires de France, Emmanuel Macron a déclaré hier, à propos de certains griefs venant de deux élus qu'il ne répondait pas à ces questions car s'il y répondait, il serait ministre. Par ailleurs le chef de l'Etat a beaucoup insisté sur le rôle des maires dans la République. 

En quoi est-ce que cela fait partie d'une nouvelle forme de positionnement, le Président montrant qu'il délègue davantage certains sujets ? 

En principe, le président n’a pas à « déléguer » certains sujets à ses ministres. Le partage des rôles est clair selon la Constitution. Le chef de l’Etat assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il est chargé d’incarner l’unité nationale, de fixer un cap au pays et d’assurer sa défense et sa diplomatie. Le gouvernement, c’est-à-dire le pilotage politique du pays, sur les plans économique, social, sécuritaire, incombe au seul gouvernement, au Premier ministre et aux ministres, responsables devant le Parlement. Avec le quinquennat adopté en 2002, cette répartition des missions a été saccagée. Nous avons un président omnipotent qui est à la fois chef de l’Etat, Premier ministre, ministre et chef de la majorité à l’Assemblée. Or trop de présidence tue la présidence: l’occupant de l’Elysée devient une sorte de gourou médiatique supposé tout puissant. Incapable d’apporter des remèdes miracles à des problèmes de société complexes, il n’a plus d’autre choix, pour maintenir l’illusion que de fuir le réel dans la gesticulation et le flot de paroles. C’est ainsi qu’il devient une sorte de bouc émissaire national de toutes les souffrances et les frustrations du pays. En affirmant qu’il n’est « pas ministre », le président Macron montre sans doute qu’il a bien conscience de ce désastre politique et institutionnel en cours.

Cet effort est-il de l'ordre du discours ou des faits ? Les couacs autour des annonces de Jean-Paul Delevoye sur la réforme des retraites ne montrent-ils pas que les principales réformes ne sont pas laissées à la charge de l'entourage présidentiel ? 

Cette réaction relève du discours, ou de la communication, de la posture. Et elle n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. C’est tout un système qui est en cause. L’élection présidentielle, juste avant les législatives, devient la clé unique de la vie politique. Tout le programme de cinq années est déterminé par ce scrutin présidentiel. Or, ce vote ne repose pas sur le choix d’un projet, mais sur quelques gadgets démagogiques qui ont pour seul but d’embellir l’image d’un candidat aux yeux des électeurs: le « service universel » ou la suppression de la taxe professionnelles. Puis, dès lors que le but central du quinquennat est de mettre en œuvre ce programme présidentiel, notamment en vue de préparer la réélection après 5 ans, tout se passe à l’Elysée, au salon Vert où se prennent les décisions. Le Premier ministre et les ministres ne sont plus que des figurants que l’on ressort de temps en temps pour faire bonne figure et assumer ponctuellement quelques mesures impopulaires. L’exemple des retraites que vous évoquez est particulièrement révélateur. Oui, il y a bien eu un rapport rendu par M. Delevoye contenant des propositions. Mais le travail gouvernemental sur les suites à donner est entièrement suspendu à des déclarations présidentielles et personne n’avance d’un iota tant que la ligne élyséenne n’est pas définie. 

On a beaucoup reproché à Emmanuel Macron de s'isoler. Estimez-vous qu'il est en mesure, politiquement et personnellement, de résoudre ce problème ?

C’est toujours ce que l’on dit : le pouvoir isole. On parle de l’exercice solitaire du pouvoir. 

De fait, le pouvoir n’isole que les mauvais dirigeants. La première qualité d’un homme d’Etat est de bien choisir son entourage et de savoir l’écouter. Le bien public ne peut pas sortir de l’intuition isolé d’un homme, mais d’un échange entre des avis multiples avant que le leader n’ait à trancher entre les options qui s’offrent à lui. Les rois de France, pourtant réputé pour leur « absolutisme » ne décidaient rien en dehors de leur Conseil. Les grands dirigeants du XXe siècle, Churchill et de Gaulle ne prenaient leurs décisions qu’après avoir confronté leur point de vue à celui de leur entourage. Qui sait comment se prennent les orientations et les décisions, aujourd’hui, à l’Elysée ? Mais il est certain que la qualité d’un gouvernement ne dépend jamais d’un seul homme isolé, aussi réputé intelligent soit-il, mais de la dynamique d’un travail d’équipe. La qualité de meneur d’hommes ou de leader d’une équipe, le charisme, la capacité à inspirer la confiance, à écouter son entourage et à trancher entre des avis divers, ne s’apprend pas vraiment. Elle tient à la personnalité et on ne peut pas grand-chose pour la changer. 

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