Révolution dans la Silicon Valley : les investisseurs américains veulent des entreprises rentables maintenant et pas uniquement des licornes en croissance<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Révolution dans la Silicon Valley : les investisseurs américains veulent des entreprises rentables maintenant et pas uniquement des licornes en croissance
©JOHANNES EISELE / AFP

(Petite) révolution

Après le scandale WeWork, des entreprises de la Silicon Valley comme Uber ont décidé de renouer avec une politique de profits plutôt que d'investissements dans des licornes.

Atlantico : Le WeWork a poussé des entreprises de la Silicon Valley tel Uber à renoué avec une politique de profits plutôt que d'investissements dans des licornes. 

Atlantico : Pourquoi faire ce choix seulement maintenant ? Qu'est-ce que cette stratégie dit de ces entreprises?

Sébastien Laye : N'inversons pas la cause et l'effet en la matière. Ce ne sont pas les entreprises elles-memes qui ont opéré ce brusque changement de paradigme: il s'agit bien d'un impératif nouveau imposé par les investisseurs: au premier rang desquels l'influente banque d'affaires Goldman Sachs, qui par le truchement de son PDG David Solomon il y a queques jours dans une interview pour Bloomberg, a sonné le glas de la période faste des licornes non profitables: il y indique que les marchés financiers (plus que les capitaux risqueurs) se concentraient désormais sur les entreprises capables de générer des profits plutot que de simples chiffres d'affaires. Goldman et ses investisseurs partenaires ont en réalité perdu beaucoup d'argent sur WeWork et Uber et le modèle de la licorne qui recherche la croissance aux dépens de la soutenabilité du business plan n'attire plus.

Ce choix ne dit donc rien sur la stratégie de ces entreprises: il nous indique simplement que le cycle économique et surtout le cycle financier sont en phase d'essoufflement: avec un ralentissement en cours, l'irrationalité exubérante (pour reprendre le fameux terme de Schiller) n'a plus lieu d'etre. Profits, multiples de valorisation, analyse des business plans, redeviennent l'alpha et l'omega des investisseurs après cinq années de totale irrationalité en la matière.

Comment des entreprises comme Uber (qui se basent beaucoup sur des liquidités venant de start-ups pour se développer) peuvent-elles survivre sans investir dans des licornes ? Cela montre-t-il une limite du système Uber et co. ?

Pendant des années, AirBnB, Uber, WeWork, Blablacar, au lieu de rendre des comptes aux investisseurs sur leur capacité à générer des profits, se sont contentés de faire de la croissance à tout prix et des acquisitions onéreuses, souvent en utilisant leurs propres actions (non cotées) comme monnaie d'achat (effet richesse ou papier). Tant que la musique tourne et que les valorisations augmentent, ce systeme se perpétue. Mais comme à la fin des années 90, dès qu'une ou deux entreprises doivent abandonner leurs prétentions de valorisations (comme cette année Uber et WeWork), le système tout entier s'enraye.

Ces entreprises ne meurent pas en conséquence de ce coup d'arret aux valorisations, mais elles se normalisent, commencent à etre valorisées selon des méthodes plus classiques. Le marché sépare alors le bon grain de l'ivraie: Amazon a connu le meme coup d'arret au début des années 2000, mais celà n'a pas entravé sa course au gigantisme. Ce qui demeure, c'est que les entreprises les plus solides continueront de croitre. Or j'ai toujours été sceptique de certains business models de la dernière vague de start ups: leur modèle est une simple réinvention de modèles classiques (taxis, hotels, immobilier de bureaux) sur de nouvelles variations, en aucun cas des disruptions technologiques fortes. Uber, WeWork, AirBnB ne seront jamais Apple, Google et Microsoft. Leur écosystème est beaucoup plus limité et elles s'apparentent parfois à des services publiques ou des utilities classique.

Quels impacts auront ces mesures sur les entreprises et le marché en général ?  A-t-on le même problème en France ?

Sans prédire une répétition de l'explosion de la bulle internet au début des années 2000, force est de constater que le ralentissement économique général qui se précise fera aussi des victimes parmi les licornes technologiques. Valorisations exubérantes, fraudes, business model incertains, on retrouve le cocktail explosif de cette période: mais fort heureusement il y a moins de sociétés cotées cette fois ci (les pertes seront plutot pour les capitaux risqueurs) et les sociétes mixtes internet/services ne disparaitront pas, leur croissance à perte sera simplement moins forte car moins bien financée. On peut attendre 3-4 années plus sobres dans la Silicon Valley (comme en 2002-2005 et 2008-2012), qui en général donnent naissance à de nouvelles grappes d'innovation. La France comme toujours a tardivement pris le train des start up technologiques:il est impératif de maintenir l'effort en la matière mais la priorité doit etre aux avancées technologiques et aux innovations de rupture. La taille pour la taille, avec l'objectif d'afficher un certain nombre de licornes, est pernicieux par essence: mais encore plus dans un monde où le concept de licornes est en train de disparaitre...Ne soyons pas, à nouveau et malheureusement, à contre courant du reste du monde !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !