Guillaume Tabard : « La droite devrait s’inspirer de François Mitterrand pour faire renaître LR »<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
 Guillaume Tabard : « La droite devrait s’inspirer de François Mitterrand pour faire renaître LR »
©Reuters

Malédiction

Guillaume Tabard publie "La malédiction de la droite" (éditions Perrin). Dans son ouvrage, il raconte comment la droite, majoritaire et longtemps dominante, s'est échinée à perdre le pouvoir depuis la fondation de la Ve République. Ici, il répond aux questions d'Atlantico.

Guillaume Tabard

Guillaume Tabard

Guillaume Tabard est rédacteur en chef et éditorialiste au Figaro. 

Voir la bio »

Atlantico : Vous parlez des dernières années de la droite comme de sa "descente aux enfers". Au-delà des guerres des chefs que vous soulignez, vous faites état d'un creux idéologique  important.  La droite est donc en mal d'unité idéologique? Comment intervient le macronisme dans ce délitement?

Guillaume Tabard : Lorsque je parle de "descente aux enfers", je voulais souligner le fait depuis 2012, la droite n'a eu de cesse de perdre son électorat et son espace. Pour ce qui est de l'idéologie, on peut aller plus loin dans le temps. Lorsque l'UMP s'est constitué en 2002, il existait encore en son sein de la place pour de nombreuses sensibilités historiques de la droite comme des libéraux ou des étatistes, mais aussi des souverainistes qui se reconnaissaient dans le programme. Progressivement, cette composante souverainiste soit est partie, soit ne se sentait plus représentée au sein de l'UMP. Lorsque le parti a été créé, il y a eu une sorte d'unification idéologique sur une ligne libérale, girondine, centrale voire centriste et européenne qui fait qu'un certain nombre d'électeurs a décidé de partir vers des partis plus souverainistes comme Debout la France ou le Front National. Il y a eu un mouvement d'exode de la droite de l'UMP, ce qui explique l'échec de Nicolas Sarkozy en 2012 par rapport à 2007 où il avait réussi à faire venir à droite des électeurs du Front National. A partir de la campagne d'Emmanuel Macron, on a assisté à un autre exode, celui de la gauche de l'UMP (puis des Républicains), de gens qui se reconnaissaient dans le discours du candidat En Marche.  

La droite a été victime d'un double mouvement de départs, sur sa droite et sur sa gauche. Les divisions personnelles sont constantes dans l'histoire de la droite française. On a vu de fortes personnalités de la droite s'affronter entre elles sur le plan idéologique comme ce fut le cas au RPR entre Jacques Chirac et Philippe Séguin, mais aussi pour accéder à un même poste avec Jacques Chirac et Edouard Balladur. Dans mon livre, le premier affrontement que je décris est le départ du gouvernement Antoine Pinay sous le Général de Gaulle, qui symbolise selon moi l'incapacité de réconcilier ou de faire travailler ensemble la droite Gaulliste et la droite non-Gaulliste. Il y a toujours eu des divisions, parfois purement épidermiques entre par exemple Georges Pompidou et Jacques Chaban-Delmas et idéologiques comme je viens de le démontrer.
C'est une des causes de l'affaiblissement de la droite certes, mais ce ne sont pas ces divisions qui l'ont fait perdre.

Votre livre souligne le rôle ambigu de Jacques Chirac dans le destin de la droite. Chirac, l'homme du rassemblement voulant à la fois incarner à lui seul tout le spectre idéologique de la droite, tout en pourfendant l'unité politique de la droite de manière politicienne. Sur le plan idéologique, Chirac a-il-été finalement le liquidateur du gaullisme au sein de la droite ?

Si l'on prend Georges Pompidou, il incarnait déjà une rupture avec le Gaullisme, tout en représentant une certaine continuité. Il était bien plus européen, libéral et centriste que le Général de Gaulle. Le cas de Jacques Chirac est plus complexe car en 1974 il fait le choix de Valéry Giscard d'Estaing contre Jacques Chaban-Delmas, donc du candidat libéral en dépit du candidat Gaulliste et une fois qu'il sera en guerre contre Valéry Giscard d'Estaing, il va puiser aux sources du Gaullisme en tentant de rassembler plutôt que diviser. Jacques Chirac n'a pas toujours eu des convictions cohérentes, basculant d'un côté à l'autre sans cesse. Lorsqu'il était Premier ministre, il a mené des actions très libérales et réformatrices, en 1987, après la mort de Malik Oussekine, il arrête tout, et une fois Président de la République, il devient très prudent sur le plan des réformes.

Ce qui fait que Jacques Chirac est un homme fort de la droite, c'est que son pragmatisme a toujours emboîté le pas à l'idéologie. Un des grands clivages entre la gauche et la droite réside dans le fait que la gauche a toujours travaillé très en profondeur sur la vision idéologique des choses, a toujours eu le goût des débats d'idées jusque dans le détail, là où la droite a toujours refusé de s'enfermer dans une idéologie au profit du pragmatisme. Si l'on prend l'exemple de l'Algérie, Charles de Gaulle revient au pouvoir pour garder l'Algérie française et finit par accorder l'indépendance à l'Algérie. Jacques Chirac a épousé tout le spectre de cette droite et à sa mort les gens n'ont eu de cesse de demander qui était le vrai Chirac : un radical socialiste ? un homme de droite ? Pour moi, il existe plusieurs Jacques Chirac. Lorsqu'il commence sa carrière, la gauche le surnomme "facho Chirac" car il se montre volontiers autoritaire et ancré à droite, en 1995 il fait la fracture sociale, en 2002, lorsqu'il pense devoir affronter Lionel Jospin, il base au premier tour sa campagne majoritairement sur la question de la sécurité mais quand il affronte au deuxième tour Jean-Marie Le Pen, il repart sur une vision de rassemblement, plus centrale.

Vous écrivez  que les barons locaux qui sont désormais sur le devant de la scène de la droite auront à 'rendre à la droite le goût d'elle-même'. Comment envisager une telle renaissance? Croyez-vous par exemple à la stratégie locale mise en avant par François Baroin ?

En ce qui concerne cet exemple de stratégie locale, c'est un constat partagé par tous ceux qui peuvent prétendre représenter la droite aux prochaines présidentielles. Tous sont marqués par un engagement local fort : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez – s'il revient d'ici 2022 – sont Présidents de Régions, Bruno Retailleau préside le groupe au Sénat mais était avant Président de Région également, François Baroin est Président des maires de France. Tous sont liés aux territoires et le mettent en avant. Cela a par ailleurs été un point faible du début de quinquennat d'Emmanuel Macron qui s'est montré plus distant alors que la droite, au contraire, a gardé et maintenu ce lien qu'elle avait avec les territoires. C'est un point qu'elle pourra valoriser mais ce ne sera pas suffisant.

La droite ne peut pas se contenter d'un effondrement d'Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen pour récupérer leurs électeurs. C'est à elle de trouver une voie de passage. Lorsque François Mitterrand a repris le Parti socialiste, il l'a fait alors que le Gaullisme était dominant et que le Parti communiste était écrasant pour le PS. Il a recréé un PS et la droite est aujourd'hui dans la même situation. Elle essaye de trouver de nouveaux espaces comme l'écologie par exemple. Pour moi, il y a une urgence éthique que la droite doit saisir. Le défi n'est pas la préservation de la planète mais de l'humanité elle-même avec le transhumanisme, la montée du véganisme, l'antispécisme etc. En bref, tout ce qui met en péril l'humanité doit être affirmé comme un enjeu majeur pour la droite. Le système social français pourrait également être un chantier pour la droite. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !