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Rapport sur la compétitivité globale : ces raisons pour lesquelles la France n’est pas dans le top 10
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Economie française

Le Forum économique mondial vient de dévoiler son rapport sur la compétitivité. La France est positionnée au 15e rang et gagne deux places par rapport à l'an dernier.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico.fr : Le Forum économique mondial (Word Economic Forum) a publié cette semaine son rapport sur la compétitivité. Globalement, que doit-on en retenir ?

Jean-Paul Betbeze : En quelques mots, on peut en retenir que la croissance économique a été et demeure la seule voie pour vaincre la pauvreté, mais que cette croissance semble faiblir. C’est ce qui pourrait empêcher d’atteindre les objectifs de Croissance soutenable, fixés par les Nations unies à l’horizon 2030. Pour le Forum, l’économie mondiale est ainsi mal préparée à relever la « décennie perdue de la productivité ». Donc pour réussir, il propose d’aller au-delà des politiques monétaires de baisses des taux, qui ont donné leur maximum, pour développer les investissements en technologie et en formation.

L’exigence de formation est partout et fera la différence note le rapport, même pour Singapour premier sur le podium. Les États-Unis sont deuxième, ayant perdu la première place, mais restent évidemment puissants. Et la Chine 28èmecontinue sa progression, en tête des BRICS, devant le Brésil (71ème), la Russie (43ème), l’Inde (68ème) et l’Afrique du Sud (60ème).

Au fond, dit Davos, si le monde veut relever le triple défi de la compétitivité, de l’égalité et de la soutenabilité, après des décennies où la croissance était le seul objectif. Il lui faut intégrer ces deux autres objectifs. D’abord la soutenabilité, ce qui passe notamment par des incitations à la décarbonisation et la coopération internationale, ensuite des politiques d’égalité, égalité dans les carrières et les politiques familiales, égalité aussi dans les politiques concurrentielles. Evidemment, tout ceci ne peut marcher qu’avec des politiques de soutien à des investissements de compétitivité. La croissance reste décisive, mais plus seule.

La France est à la 15ème place et gagne deux places par rapport à l'année passée.  Qu'est-ce que cela signifie concrètement pour l'économie française ? Est-ce une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron et l'exécutif ?

C’est un peu mieux, mais il reste beaucoup à faire. La France, avec une note de 78,8, se trouve 15ème sur les 141 pays qu’examine pour 2018 le World Economic Forum, autrement dit Davos. C’estmieux que l’an dernier, où nous étions 17ème. Le premier de la listeest Singapour avec 84,8, 2ème les États-Unis, 3ème Hong-Kong (mais ceci peut ne pas durer), 4ème Pays-Bas, 5ème Suisse, 6ème Japon, 7ème Allemagne, 8ème Suède, 10ème UK (mais ceci peut ne pas durer). Attendons un peu et voilà le Canada devant nous, à 79,6. On le voit, le résultat est serré, mais c’est toujours ainsi dans les compétitions mondiales, d’autant qu’en l’espèce le classement combine 12 critères. Ces twelvepillars, pour reprendre l’expression du Forum, ont tous le même poids dans l’indice, soit 8,3% : ce sont les institutions, lesinfrastructures, l’adoption des nouvelles technologies, la stabilité financière (avec l’inflation et la trajectoire de la dette), la santé, les compétences, l’adaptation des produits au marché, l’efficacité du marché du travail, le système financier, la taille du marché, le dynamisme du business et les capacités d’innovation (recherche et commercialisation).Nous voilà aussi 7ème dans l’Europe à 28 et dans le top 10 sur quatre piliers parmi les pays de l’OCDE et au-dessus de la moyenne pour 10 sur 12. 

Les notes faibles concernent le goût du risque d’entreprise, la culture managériale et l’agililty, on dirait plutôt ici : la flexibilité. L’étude de Davos souligne que nous sommes en retard pour l’adoption des techniques informatiques, avec l’Allemagne et les États-Unis, par rapport à la Corée, la Chine et même la Russie ! Comme toujours, on peut être surpris et réfuter, mais impossible de tout rejeter en bloc. La France est sans doute en retard pour la lutte contre les inégalités et la pollution car elle est en retard pour moderniser sa croissance ! C’est le message envoyé par ce rapport à Emanuel Macron, mais autant aux syndicats, aux gilets jaunes et à Expulsion Rebellion (mais pas seulement !) : nous prenons du retard en ne nous formant pas,ne nous modernisant pas et n’osant pas assez !

Quelles mesures prendrepour améliorer davantage la compétitivité ? Quid de la productivité ?

La compétitivitéfrançaise n’est pas là : déficit commercial permanent, autrement dit pertes de part de marché à l’extérieur et à l’intérieur. Le travail français reste cher, même après le CICE, et on ne voit pas de forts soucis de réduire la dépense publique, nationale et territoriale, mais plutôt celui de profiter des taux négatifs pour prendre son temps. On ne peut pas dire que la flexibilité du marché du travail augmente beaucoup (même si la France gagne 7 places sur cette question). La tendance est plutôt de pousser à l’emploi en serrant les indemnités et les contrôles du chômage qu’en poussant à la formation des jeunes et à la formation permanente en entreprise. Sans formation, et il en faut de plus en plus dans la révolution technologique en cours, la recherche de la productivité débouche sur le chômage. 

Il ne s’agit pas de produire moins cher mais mieux, dans ce monde en révolution technologique, où les pays émergents sont à nos portes, où nous vieillissons, où les règles de l’après-guerre sont en jeu, où les Etats-Unis, le gagnant de l’après-guerre devient plus une inquiétude qu’un guide. Le message du Word Economic Forum est, au fond, assez poli : vous avancez un peu, enfin, mais pas assez ! Et il ne nous le dit pas, mais à nous tous de le comprendre : ce monde qui bouge, si nous bougeons plus vite, est une formidable opportunité !

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