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Pourquoi Pékin risque bien d’obtenir sa revanche sur Hong Kong
©RINGO CHIU / AFP

Revanche

Hong-Kong est depuis quatre mois le théâtre de manifestations quasi quotidiennes, et alors que la contestation ne faiblit pas, les affrontements entre la police et les manifestants ayant même dégénérés ces derniers jours, la cheffe de l'exécutif Hongkongais -Carrie Lam- a déclaré mardi qu'elle n'écartait pas la possibilité d'appeler Pékin à l'aide.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico : Alors que des manifestations ont encore lieu à Hong Kong, Carrie Lam indique qu'elle pourrait faire appel à Pékin si la situation devenait "grave". Quel est le risque de voir les libertés publiques encore réduites à Hong Kong (médias contrôlés, entreprises soumises à des ordres bien précis, fonctionnaires arrêtés), comme cela s'est passé après le mouvement des parapluies en 2014 ?

Sylvain Boulouque : Les autorités Hongkongaises sont soumises au Parti communiste chinois ce qui veut dire que même s'il y a une autonomie depuis 1942, le Parti peut s'arroger le droit de mettre un terme à toute liberté publique. Cela peut se traduire par une reprise en main comme lors des mouvements des parapluies en 2014, ou par des actions beaucoup plus violentes si les autorités chinoises décident d'occuper militairement l'île. La Chine est en position de force, et grâce au dérèglement international qui est entrain de se produire, elle peut aisément s'appuyer sur ce dérèglement pour reprendre le contrôle complet de l'île. Il est important de savoir que pour un régime communiste, l'utilisation de la violence est légitime car il se considère comme la seule autorité légitime. S'il voit qu'il est en position de faiblesse, il utilisera la violence. Par ailleurs, le Président chinois n'a aucun état d'âme sur la question de la violence, comme nous pouvons le constater sur les questions liées au Tibet ou aux ouïgours par exemple. Il n'a aucune raison de suspendre son autorité puisqu'il domine. De plus, les autres pays du monde n'ont aucun poids face à la Chine. Face à cela, les Hongkongais sont eux aussi passés aux actions violentes (formation de groupes d'auto-défense, black blocs). Le problème concerne le rapport de force complètement déséquilibré entre les armes des Hong Hongkongais et celles du gouvernement chinois. Il se peut qu'il y ait une fraternisation entre les manifestants et les forces de l'ordre, et s'ils retournent leurs armes contre la hiérarchie chinoise, le rapport de force peut basculer. Pour l'instant, ce n'est pas le cas.

Est-ce que la situation ne sert pas, d'une certaine manière, les visées totalitaires de Pékin sur Hong Kong ? Le parti aurait intérêt à intégrer la ville-monde, puissante financièrement, dans le système politique qui régit Shanghai ou Shenzhen...

Il y a effectivement un désir de la part de Pékin d'intégrer Hong Kong à la Chine continentale. D'abord par des moyens technologiques avec la construction de ponts pour relier Hong Kong à la Chine. Par des moyens de pression démographique également en passant par une colonisation du territoire, comme cela a pu être fait au Tibet. A partir de ce moment-là, Hong Kong serait aspirée et donc intégrée de fait à la Chine. On appelle cela le principe de "continentalisation". Le territoire ne sera alors plus qu'une excroissance de la Chine. Il faut comprendre que si la Chine colonise Hong Kong, alors la liberté disparaît. Tant qu'il n'y a pas de colonisation, il y aura un attrait pour la liberté. L'exemple du Tibet, bien que différent sur certains aspects, est saisissant. Il n'y a plus un seul moine au Tibet, ou alors pour le folklore et des caméras sont présentes à chaque coin de rue. Les Hongkongais ont certes des moyens technologiques, réussissent parfois à trouver des parades, mais cela ne suffit pas. Il existe de nombreuses failles dans le système. La police Hongkongaise n'est pas la même que la police chinoise et les journalistes ne sont pas aux ordres de la même manière également. Ce sont deux systèmes différents. En théorie, le plus dur concernera la barrière de la langue mais à nouveau, il ne faut pas sous-estimer les régimes totalitaires. L'Histoire a démontré qu'il était possible, même temporairement, pour des puissances d'annexer des pays. Ce fut le cas pour l'URSS par exemple. Il ne faut pas oublier que le régime chinois est toujours un régime communiste, donc totalitaire. Et l'économie de marché ne change rien à l'idéologie.

La communauté Internationale peut-elle influencer durablement la politique de Pékin ? N'assiste-t-on pas à une simple temporisation de la part du régime, mis sous pression par les Occidentaux ?

Tout d'abord, la communauté internationale n'a jamais utilisé de principe d'ingérence dans les affaires intérieures. Si l'on prend par exemple l'occupation de la place Tian'anmen en 1989, cela avait suscité une protestation pendant quelques années, puis les puissances occidentales avaient décidé de normaliser leurs relations avec la Chine. Plus récemment, personne n'est intervenu en Ukraine, ni en Syrie avec la question Kurde. Il n'y a jamais d'ingérence réelle des puissances occidentales dans ce que l'on appelait avant, le bloc soviétique. D'ailleurs, les occidentaux ne seraient jamais prêts à mourir pour Hong Kong. C'est une affaire de politique. Dans l'Histoire, les communistes ont toujours réussi à imposer la non-ingérence et les occidentaux n'ont jamais osé s'immiscer dans les affaires intérieures. Cela peut changer, mais il n'y a jamais eu jusqu'alors d'exemple historique qui permette de dire que les occidentaux peuvent, ou ont pu influencer, la politique interne des anciens blocs soviétiques. 

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