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La droite libérale conservatrice hors les murs n’a pas encore trouvé sa nouvelle garde
©Sameer Al-Doumy / AFP

mauvais placement

A trop virer à droite, et chasser sur les terres trop bien protégées du Rassemblement National, Marion Maréchal risque de reproduire les erreurs de Laurent Wauquiez. Une ligne libérale, et un conservatisme moderne, lui permettraient pourtant d’offrir enfin une offre politique nouvelle.

Nicolas Moreau

Nicolas Moreau

Diplômé d'école de commerce, Nicolas Moreau a exercé en tant qu'auditeur pendant une décennie, auprès de nombreux acteurs publics, associatifs et privés.

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Ce samedi 28 septembre 2019 s’est tenue autour de Marion Maréchal la « convention de la droite », visant à établir des ponts entre les Républicains, le Front National, et leurs satellites.

Eric Zemmour, Laurent Alexandre, Robert Menard, Raphaël Enthoven et bien d’autres ont tour à tour apporté leur contribution, et l’événement s’est conclu par la présentation d’une feuille de route, sans programme défini, par Marion Maréchal.

Dans celle-ci, l’ancienne députée du Front National voit 5 défis auxquels la France devra répondre : le grand remplacement, le grand déclassement, le grand réchauffement, le grand bouleversement anthropologie et le grand affrontement des nations.

Ces 5 axes se basent sur des constats justes, mais la ligne esquissée mène Marion Maréchal dans un corner politique.

Des constats difficiles à nier

L’expression « grand remplacement » fait grincer des dents. Popularisée par Renaud Camus, et teintée d’accents complotistes, la formule d’extrême droite est pleinement assumée par Marion Maréchal. Et pour cause, elle met depuis longtemps des mots sur les résultats de la récente enquête Ipsos Sopra-Steria pour le Monde, selon laquelle 64% des sondés pensent "qu’on ne se sent plus chez soi comme avant", et 63% ressentent qu’il y a trop d’étrangers dans l’hexagone.

Par ailleurs, les témoignages des gilets jaunes, et de leurs équivalents dans le monde, ont mis en lumière cette indéniable fracture entre les gagnants de la mondialisation, dans les villes-monde, et ses perdants déclassés dans les périphéries.

Le réchauffement climatique est correctement pris en compte, tout comme les grands défis anthropologiques à venir (PMA, GPA, incidence de l’intelligence artificielle, transhumanisme…). Les thèmes internationaux ne sont pas oubliés, et s’appuientsur de bons constats sur les dysfonctionnements de l’Union Européenne et le développement des nouvelles puissances.

Cette convention de la droite aura a minima fait honneur à Charles Péguy qui écrivait : « Il faut toujours dire ce que l'on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit. »

Oser les bons constats contre le politiquement correct est une belle avancée pour une droite historiquement honteuse, mais elle ne saurait être suffisante à mettre le mouvement de Marion Maréchal sur orbite.

Un mauvais placement sur l’échiquier politique

L’Histoire nous enseigne deux leçons : ne jamais envahir la Russie, et ne jamais croire que le FN est mourant. La prestation pitoyable de Marine Le Pen lors du débat présidentiel, suivie du départ de Florian Philippot et Marion Maréchal, auraient dû sonner le glas du Front National.

Celui-ci a pourtant terminé en tête des dernières élections européennes, et il a su faire surgir un nouveau visage en la personne de Jordan Bardella. Le Rassemblement National est increvable. Il sait depuis des années capter le vote contestataire, et lui prendre des voix n’est plus aussi simple qu’au bon vieux temps où le vote FN était honteux.

De l’autre côté, après la présidentielle et avant de devenir inaudible, LR s’était droitisé puis divisé en deux lignes. Les anciens Juppéistes, progressistes, sont naturellement allés rejoindre En Marche, soit directement, soit par l’intermédiaire de petits partis comme Agir ou l’UDI. Les anciens Sarkozystes, lorgnant plus volontiers sur les voix du RN, ont pour leur part accompagné l’échec de Laurent Wauquiez. La ligne Fillon, libérale et conservatrice, a été reniée dès les élections législatives de 2017 par un François Baroin peu inspiré, et les Fillonistes sont retournés errer dans le néant.(Cette ligne oubliée a pourtant fait 20% à la présidentielle, malgré les tonnes de purin déversées sur son candidat pendant des mois…)

L’échec de Laurent Wauquiez, concrétisé par le score de François-Xavier Bellamy aux européennes de 2019 (8,5%), aurait dû en principe décourager quiconque de s’aventurer à nouveau sur une ligne trop proche du FN, teintée de catholicisme bourgeois. C’est pourtant ce chemin que Marion Maréchal arpente, en s’opposant à la PMA pour des raisons « conservatrices », et en s’installant franchement à droite.

Chercher à réunir toute la droite face à un large centre est parfaitement logique. Mais dans le détail, à se placer sur la même ligne que Laurent Wauquiez, la logique veut que le destin de Marion Maréchal soit le même.

Assumer son libéralisme

Lorsqu’elle remet en cause la toute-puissance de l’Etat, qu’elle recommande de baisser les impôts pour les entreprises, ou qu’elle propose de recentrer la dépense publique sur le régalien (police, justice, armée, diplomatie, collecte de l’impôt), Marion Maréchal a des accents libéraux, et ses ouailles applaudissent le discours.

Pourtant, prononcer le mot « libéralisme » lui est impossible tant celui-ci a été sali ;au premier chefpar les intervenants précédents, fustigeant un « néolibéralisme » qu’ils seraient bien incapables de définir si on leur demandait.

Tout l’art de Marion Maréchal consiste maintenant à défendre les valeurs libérales sans jamais le reconnaitre.On pourrait pourtant rêver à une réhabilitation à droite du libéralisme, la philosophie de Locke et Montesquieu, de Bastiat et Tocqueville, de Revel et Aron, de Churchill, de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, des Lumières, de la liberté et de l’égalité en droits…

Le libéralisme se marie du restetrès bien au concept de nation que Marion Maréchal cherche à réhabiliter. Celle-ci marque une volonté de vivre-ensemble qui est la condition sine qua non du fonctionnement du libéralisme. 

Cela permettrait également aux plus identitaires de connaitre enfin les tenants de cette identité qu’ils cherchent désespérément. De ces gens qui invoquent un combat de civilisations sans savoir que la civilisation occidentale, par le libéralisme des Lumières, a concrétisé les apports de Jérusalem, d’Athènes et de Rome.

Comment peut-on décemment se définir comme occidental et nier ce libéralisme qui en est l’esprit civilisationnel ?

Conservateurs, pas réactionnaires

L’autre erreur commise par Marion Maréchal est de ne pas saisir les nuances sur l’opposition entre progressisme et conservatisme.

Face à un progressisme devenu fou, qui pense que toute innovation est un progrès, la réponse n’est pas dans l’immobilisme et le refus de tout changement. Entre les progressistes et les réactionnaires, il existe un courant, qu’on devrait nommer « conservatisme », qui accepte le changement à condition que la société y soit prête, comme pour le mariage homosexuel.

Les progressistes veulent utiliser la puissance de l’Etat pour forcer une société à changer, quand les réactionnaires veulent utiliser cette puissance pour empêcher tout changement. Entre les deux, les conservateurs laissent la société changer si elle est prête pour cela.

Ce conservatisme est celui de l’héritage. Celui de la transmission. Celui de la protection des paysages. Celui de l’entretien du patrimoine. Celui de l’acceptation de l’Histoire. Celui de l’acceptation du changement. Celui des évolutions en douceur.

Le conservatisme n’est pas catholique et réfractaire au changement. Nous ne sommes pas l’Espagne. Nous ne sommes pas la Pologne. Nous sommes un pays laïque depuis un siècle, dans lequel la religion ne fait plus recette depuis longtemps. Aligner le conservatisme sur des valeurs archaïques, c’est le trahir. C’est appeler « conservatisme » ce qui n’est que réaction.

Et ce conservatisme, qui est invoqué par tous mais appliqué par aucun, a son rôle à jouer dans la société qui vient. Dans un monde de plus en plus postmoderne, où la logique s’efface, où l’expérience est préférée à l’expertise, et où les croyances sont préférées aux faits, le conservatisme doit devenir l’outil de protection et de transmission des valeurs de la modernité, de croyance en la science, au progrès technique, à la rationalité.

Ce conservatisme demain sera celui qui saura accepter le mariage homosexuel mais refuser la GPA, accepter le progrès technique mais refuser le massacre des paysages, accepter la nouveauté tout en entretenant son patrimoine vernaculaire.

Ce conservatisme sera moderne, faute de quoi Marion Maréchal risque de devenir la CGT de la droite, réfractaire au changement et immobiliste par principe, à la fois sourde et inaudible.

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