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Thomas Cook, Aigle Azur, XL Airways, Air France : mais pourquoi les secteurs de l’aérien et du tourisme se portent-t-ils si mal ?
©Tolga AKMEN / AFP

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Thomas Cook en faillite, c’est 600 000 touristes coincés dans le monde. Cette affaire intervient au moment où des compagnies aériennes tombent sous le poids des dettes et des difficultés. C’est le cas de Aigle Azur et XL Airways. Mais Air France a aussi du mal à survivre.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La faillite de Thomas Cook a fait l’effet d’une bombe dans le monde du tourisme puisque depuis lundi, la plus vielle agence de voyage du monde et la plus célèbre aussi, abandonne 600 000 touristes aux quatre coins de la planète.  Principalement des Britanniques, c’est vrai. 

Cette faillite intervient après la série de difficultés rencontrées par les compagnies aériennes françaises, Aigle Azur, XL Airways, sans parler d’Air France qui peine à retrouver l’équilibre. Les compagnies low-cost britanniques elles-mêmes s’interrogent sur leur avenir après le Brexit. 

Thomas Cook est tombé sous le poids des dettes accumulées pour cause de concurrence compliquée et d’un modèle dépassé, qui est de vendre un voyage comme un produit unique, dans un marché très porteur certes, mais laminé par les entreprises low-cost et dominé par les sites de réservation d’hébergement en ligne. Sans oublier les incertitudes liées au Brexit. La majorité des clients sont britanniques mais on compte aussi plus de 10 000 Français en rade à l’étranger et dans l’attente d’un rapatriement. 

Les difficultés que rencontrent les compagnies aériennes françaises sont différentes sauf qu’elles surviennent dans un secteur en pleine mutation où tous les acteurs sont touchés. XL Airways est la deuxième compagnie en moins d’un mois, à se déclarer en cessation de paiement et à la débuter une procédure de redressement judiciaire. XL Airways demande 35 millions d’euros à un repreneur pour pouvoir avoir une chance de repartir. Elle transporte un million de passagers par an et compte un peu plus de 500 salariés.

XL Airways avait arrêté d’être bénéficiaire en 2016. Le personnel s’est serré la ceinture et n’a pas connu de hausse de salaire depuis cette date. Pour ne pas être reléguée en fin de liste dans les pages de comparateurs de prix, la compagnie a dû s’adapter à ses concurrents qui facturaient bagages et repas à bord à part. Sur le secteur des longs courriers, XL Airways n’est pas parvenue à soutenir la concurrence des ultra low-cost, notamment Norwegian Airlines, elle-même largement endettée et qui propose des Paris-New York à 300 euros.

Aigle Azur, de son côté, n’a trouvé aucun repreneur et verra ses créneaux de vol à Orly, son ancien aéroport de prédilection, supprimés à la fin du mois de septembre. La compagnie était spécialisée sur les liaisons méditerranéennes, en particulier entre la France et l’Algérie. Elle avait laissé filer sa masse salariale (1150 salariés) en signant des accords salariaux peu compétitifs avec les personnels navigants et les pilotes, c’est-à-dire des hausses de salaires et des embauches. Tout l’inverse de ce qu’est en train de faire Air France. Avec des coûts fixes pharamineux, Aigle Azur, qui transportait 1,8 million de passagers par an, avait misé sur des partenariats avec des compagnies chinoise et brésilienne sur des lignes desservant Pékin et Sao Paulo, mais ils se sont révélés être moins prometteurs que prévus. La compagnie ne gagnait plus d’argent depuis 2012.

Le nom d’Air France était avancé dans les deux dossiers. Mais Air France n’est pas dans une situation florissante. L’exploitation est toujours dans le rouge, Air France a entamé un revirement stratégique après un changement de direction en 2018 et la suppression de sa filiale à bas coûts, Joon, qui était destinée aux Millenials. 

Il faut rajouter à cela la mise en place au début de l’été de cette éco-contribution sur les vols au départ de Paris et qui touchera en grande partie la plus grosse compagnie européenne. Air France doit travailler sur ses propres dossiers avant de s’occuper de reprendre ceux des autres. Il ne serait pas raisonnable de la mettre encore un peu plus en danger.

Alors, ce que vit le secteur aérien est un contrecoup de la conjoncture mondiale. Comme en 2008, le secteur du tourisme est généralement très impacté par un ralentissement mondial. Mais il y a aussi des explications internes, spécifiques au marché français.

-D’abord, le poids des charges et des taxes sur le transport aérien reste important et ne se réduit, comme en témoigne l’adoption de la nouvelle taxe sur l’aérien avant l’été. 

-Ensuite, le marché aérien européen a pris du retard par rapport au marché américain en terme de restructurations. Il y a  une trop grande diversification du secteur,  trop de compagnies (en France : XL Airways, Corsair, Air Caraïbes, French Bee, Air Austral) se partagent le même segment. Finalement, aucune n’atteint la taille critique nécessaire à une rentabilité minimale. 

Les low-costs attaquent les compagnies traditionnelles sur tous les types de vols : traditionnellement nés sur des moyen-courriers (vols vers le Maghreb ou l’Europe), on en retrouve de plus en plus sur des vols nationaux et long-courrier. XL Airways dispose par exemple de 4 avions grands porteurs (A330) alors que la taille critique est estimée à une dizaine d’avions de ce type. 

-Enfin, l’activité de transport aérien est fortement capitalistique, c’est-à-dire qu’elle demande beaucoup d’argent à investir (notamment en Avion ) et que tout retard d’investissement se paie très cher en perte de compétitivité et parfois en sécurité.

Le podium des compagnies les plus profitables du monde en termes de résultat est américain. Il s’agit dans l’ordre de Delta Airlines (partenaire d’Air France), American Airlines et United. Ce qu’on sait moins, c’est qu’elles sont toutes, à un moment ou un autre de leur histoire, passées par la procédure du Chapitre 11 de la loi sur les faillites américaines. Toutes ont connu des phases compliquées, où cette procédure leur a permis d’alléger leur coût et en général leur effectif. Le secteur a vu passer une consolidation, où les plus petits acteurs ont été absorbés : "Les cinq plus gros transporteurs en Amérique du nord représentent 77% du marché contre 51% de parts de marché pour les cinq premières compagnies aériennes en Europe", explique dans une étude le cabinet de conseil Oliver Wyman.

Le secteur des transports se retrouve donc face aux mêmes problématiques que celui de l’automobile. Être suffisamment gros pour avoir une puissance financière et faire les investissements nécessaires. Ou alors être un acteur de niche, comme cette compagnie spécialisée dans le transport premium, La Compagnie, créée en 2013. C’est aujourd’hui une des seules compagnies françaises a afficher un profit. 

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