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Patatras : l’étude phare qui niait l’existence de notre libre arbitre à son tour remise en question
©Allan Ajifo / Flickr

Nouvelles perspectives

A l'heure actuelle, la communauté scientifique semble toujours divisée sur l'existence du libre arbitre. Le physiologiste américain Benjamin Libet avait démontré que le cerveau prenait des décisions avant que l'individu en ait conscience.

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur. Depuis plus de vingt ans, il s’intéresse aux états modifiés de conscience, à la physique quantique et ses implications philosophiques, ainsi qu'aux liens entre science, culture et spiritualité de façon générale. Son dernier ouvrage, co-écrit avec l’ethnobotaniste Romuald Leterrier, s'intitule Se Souvenir du Futur

 

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Atlantico.fr : Le physiologiste américain Benjamin Libet, en 1983, a démontré dans une étude que le cerveau prenait des décisions avant que l'individu en ait conscience et ait lui-même décidé de ce qu'il voulait faire ou non. Par-là même il démontrait que le libre arbitre n'existait pas en réalité. Par quelle expérience Libet a-t-il démontré, à son époque, l'absence de libre arbitre ? Sur quoi se basait-il ?

Jocelin Morisson : Les fameuses expériences de Libet ont été et restent controversées car elles sont très difficiles à interpréter. Une première série d’expériences a montré que lors d’un stimulus sensoriel simple, comme le fait de se cogner l’orteil contre un meuble, la conscience compense en quelque sorte le temps qu’il faut au cerveau pour recevoir et traiter le stimulus, pour que la sensation que nous en avons corresponde au moment du stimulus, sans décalage temporel. Comme si la conscience était capable de renvoyer l’information dans le passé (antidater) pour que stimulus et sensation correspondent. Mais une conséquence étonnante selon Libet est que tout se passe comme si nous vivions en permanence une demi-seconde dans le passé. On peut considérer que c’est négligeable mais cela joue un rôle dans la deuxième série d’expériences qui concernent, elles, le libre arbitre.

Libet a demandé à des sujets d’appuyer sur un bouton au moment où ils le souhaitaient tout en notant le moment précis où ils prenaient cette décision, en relevant la position d’un point qui tourne très vite autour d’un cadran.

Or, les tracés montrent qu’une activité cérébrale débute (une demi-seconde) avant ce qui semble être la prise de décision, qui elle-même précède d’environ 200 millisecondes le mouvement. Certains en ont déduit que le libre arbitre n’existait pas car l’activité cérébrale inconsciente précédait la conscience de la décision. Mais ce n’est pas si simple, notamment car la mesure du moment de la prise de décision ne peut pas être assez précise.

Quelques années plus tard, Aaron Schurger, Jacobo Sitt et Stanislas Dehaene ont pris le contre-pied de Libet pour tenter de prouver l'existence d'un libre arbitre. Qu'est-ce qui selon eux marquait l'existence de ce libre arbitre ? 

Jocelin Morisson : D’autres expériences du même type réalisées en plaçant les gens dans des IRM ont montré qu’en fait une activité cérébrale précédait de plusieurs secondes le choix d’appuyer sur un bouton du côté droit ou gauche ! Mais c’est probablement une activité cérébrale qui correspond au fait que la personne pense qu’elle va faire le mouvement, et non une préparation au mouvement lui-même. Par ailleurs, Schurger, Sitt et Dehaenne ont en effet suggéré depuis quelques années qu’en fait cette activité cérébrale inconsciente qui précède la décision dans les expériences de Libet, et qu’on a appelée « potentiel de préparation motrice », correspondait finalement à une activité aléatoire, qui n’est pas liée au mouvement.

Le cerveau produit en quelque sorte ces ondulations en permanence comme pour se tenir prêt à réagir, de sorte qu’on l’observe aussi chez des sujets à qui on ne demande pas d’effectuer un mouvement. Schurger s’apprête à confirmer cette observation dans un article à paraître, qui remet en question tout ce qu’on a pu dire sur les expériences de Libet, et qui donc réhabilite le fait que nous serions véritablement maîtres de nos décisions.

A l'heure actuelle, la communauté scientifique semble toujours divisée sur la question. Comment expliquer qu'il soit si difficile de trancher l'existence ou non d'un libre arbitre ? Qu'est-ce que son existence, ou au contraire son absence, impliquerait ?  

Jocelin Morisson : La question de l’existence du libre arbitre est débattue en philosophie depuis son origine. Les implications sont bien sûres importantes quant au fait que nous sommes libres et responsables de nos choix et de nos actions, ce qui a une importance considérable dans les affaires criminelles par exemple.

Le deuxième aspect concerne la vie de tous les jours. Nous savons que le cerveau traite en permanence de l’information au niveau inconscient, comme lorsque nous conduisons un véhicule par exemple.

Mais sommes-nous des automates conscients a posteriori de décisions prises par notre cerveau, ou bien avons-nous un réel pouvoir de contrôle sur nos pensées et nos actions ? C’est toute la vision de l’humain en tant que machine biologique ou en tant qu’être libre et responsable qui est en jeu.

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